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Critique de Arakasi


Longtemps source de fascination et d'ambition, la recherche du légendaire passage du Nord-Ouest – hypothétique passage maritime reliant l'océan Pacifique et l'océan Atlantique – fut l'objectif de nombreuses expéditions polaires pendant la majeure partie du XIXe siècle. L'expédition John Franklin, partie d'Angleterre en 1845, n'est donc qu'une de ces tentatives parmi d'autres mais elle restera longtemps dans les mémoires pour sa fin tragique et mystérieuse. En effet, des deux grands navires constituant l'expédition, le HMS Erebus et le HMS Terror, aucun n'a jamais revu les rives de l'Angleterre. Nulle nouvelle non plus des 128 marins, officiers et soldats de l'équipage, tous disparus au large de l'Alaska. Aucun des nombreux bateaux lancés à la recherche de l'Erebus et du Terror n'ayant apporté de véritable éclaircissement sur cette double disparition, l'expédition John Franklin a progressivement enflé dans la mémoire collective anglo-saxonne, jusqu'à accéder finalement au statut de véritable légende urbaine. C'est à cette fameuse légende que Dan Simmons a décidé de s'attaquer à bras-le-corps.

Nous sommes en 1848 à bord du Terror et de l'Erebus, prisonniers depuis maintenant une année et demie dans les glaces de l'Arctique. Incapables de se libérer de la banquise malgré l'éphémère réchauffement estival, les deux navires affrontent pour la deuxième fois consécutive l'hiver polaire. Dehors, règnent la nuit glacée et l'obscurité éternelle. Dedans, sont frileusement calfeutrés les hommes d'équipage, l'estomac rongé par la famine et le coeur frigorifié par l'angoisse. Depuis longtemps, ils ont renoncé au rêve de pouvoir voguer à nouveau, mais espèrent encore fiévreusement en l'arrivée de secours envoyés par l'Amirauté.

Ce qu'ils ignorent, c'est qu'ils ne sont encore qu'au début de leur calvaire... Car le froid s'intensifie. La nuit s'obscurcit. Et dehors, rôde une bête monstrueuse, une « Terreur blanche » bien trop gigantesque pour être un simple animal, qui fauche les uns après les autres les malheureux marins et entraîne leurs corps mutilés sous la glace pour les dévorer. Pourtant, les hommes s'obstinent à lutter, prêts à toutes les extrémités pour s'accrocher à la vie, y compris à marcher des milliers de kilomètres sur la terre gelée pour retrouver le monde civilisé. Mais parviendront-ils seulement à quitter les navires en perdition ? Parviendront-ils à regagner l'océan ? Qui se souviendra du Terror et de l'Erebus ? Qui se souviendra de sir John Franklin, du capitaine Francis Crozier, du chirurgien Goodsir, de l'enseigne Irving, du maître des hunes Harry Peglar et de tant d'autres quand la glace impitoyable aura brulé leurs âmes et broyé leurs cadavres ?

Davantage qu'un roman fantastique, c'est un splendide récit d'aventure que nous offre là Dan Simmons, une excursion tragique et haletante dans l'enfer glacé du Grand Nord ! Comme pour son roman plus récent « Drood », on ne peut que saluer l'impressionnant travail d'historien effectué par le romancier et le sens du détail avec lequel il retranscrit le contexte historique de son récit. Mais ce sens du détail et cette exactitude ne seraient rien sans le souffle qui parcourt le roman de fond en comble, un souffle glacial et coupant comme un rasoir qui réfrigère jusqu'à la moelle des os les pauvres lecteurs que nous sommes. Comme c'est généralement le cas chez Simmons, les personnages bénéficient d'une psychologie fouillée et sont traités avec beaucoup de réalisme, ce qui ne fait qu'accroître l'empathie et la pitié que l'on éprouve à leurs égards. L'aspect surnaturel, quant à lui, reste assez discret – si discret qu'il décevra peut-être certains amateurs du genre – y compris lors des apparitions de la « Terreur blanche », monstre terrifiant certes, mais surtout allégorie d'un pays hostile et meurtrier où l'homme blanc et sa civilisation ne peuvent que périr, faut de savoir s'y adapter.

Effrayant, palpitant et addictif, « Terreur » se dévore à toute vitesse malgré ces 1000 pages et quelques : je le recommande très chaleureusement aux amateurs de l'oeuvre de Simmons et à tout autre lecteur en mal de sensations fortes !
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