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Critique de Shakespeare


Cet abrégé critique du néolibéralisme écrit par Claude Simon, professeur émérite à l'ESCP Europe et chercheur associé à l'institut Veblen, vulgarise avec brio l'idéologie qui sous-tend notre société actuelle.

Dans une première partie, l'auteur revient sur les origines du néolibéralisme, le libéralisme. Il l'étudie sous son angle philosophique, économique et politique. Il remonte ainsi jusqu'au siècle des Lumières pour situer l'émergence de ce système de pensée.

Au niveau économique, il y a trois fondateurs principaux du libéralisme selon Claude Simon : Adam Smith, Jean-Baptiste Say et David Ricardo. A travers le concept de la « main invisible » pour Smith, « la loi des débouchés » pour Say et la « théorie des coûts (ou avantages) comparés » pour Ricardo, le libéralisme s'impose progressivement mais sûrement dans les mentalités. L'Etat voit alors son rôle limité aux fonctions régaliennes (défense, justice, police) et à l'entretien des infrastructures.

Au niveau philosophico-politique, les noms à retenir sont ceux de Locke et de Hume : ils défendent la liberté individuelle, la non-dépendance entre individus et soutiennent l'égoïsme de l'homme dans ses actions. Dans un pays libéral démocratique, l'Etat est démocratique, conservateur, déteste le désordre et érige l'ordre en vertu cardinale.

Les premiers auteurs du libéralisme s'avèrent lucides sur le système. Smith déclarait par exemple que « partout où il y a de grandes propriétés, il y a une grande inégalité de fortunes. Pour un homme très riche, il faut qu'il y ait au moins cinq cents pauvres ; et l'abondance où nagent quelques-uns suppose l'indigence d'un grand nombre. » L'auteur pèse tout de même le pour et le contre en soulignant que le libéralisme a aidé à la mise en place d'Etats démocratiques en s'opposant à l'absolutisme monarchique.

Dans une seconde partie, après avoir présenté le libéralisme, l'auteur s'emploie à décrire le néolibéralisme actuel. Pour résumer, « dans le libéralisme, l'économie est au service de l'homme alors que dans le néolibéralisme, c'est l'homme qui devient au service de l'économie ».
Claude Simon distingue deux périodes. Des années 1940 aux années 1980, le néolibéralisme est en maturation intellectuelle, puis, de 1980 à 1990, il se met en place dans le monde contemporain. Deux noms fondateurs sont à retenir pour ce paradigme : Hayek et Friedman. le premier s'oppose au rationalisme des libéraux, soutient que la raison humaine ne peut pas saisir la complexité de la vie humaine et que le contrôle économique est un contrôle tout court de la vie. Autrement dit, si l'Etat prend des mesures de contrôle économique, la ligne rouge du despotisme est franchie pour Hayek. Pour Friedman, seul le marché peut assurer la prospérité économique et toute intervention de l'Etat est négative. Il défend l'antiétatisme et le monétarisme. Reagan, Thatcher ou encore Pinochet sont tous influencés par ces penseurs du néolibéralisme. Claude Simon présente quelques mesures significatives prises par ces dirigeants.

Le virage est réel : nous sommes passés d'une société libérale qui défendait la liberté de l'individu, liberté de penser, de posséder, de défendre ses idées (et l'économique n'y était qu'une conséquence) à une société néolibérale qui n'a pas la liberté comme objectif mais prescrit des moyens pour faire fonctionner la machine économique. Cela implique de vastes réformes caractérisées par les trois d': désintermédiation, décloisonnement et déréglementation (avec parfois un quatrième D, celui de la dématérialisation). Très rapidement, dans les années 80, les banques vont se mettre au service de la finance et non plus des citoyens et le contrôle étatique des marchés va quasiment disparaître.

Dans une dernière partie, l'auteur songe à l'impasse vers laquelle nous mène le néolibéralisme si nous continuons dans cette voie : négligence du réchauffement climatique et de la biodiversité, accroissement des inégalités, concurrence généralisée, réduction toujours plus drastique du rôle et du pouvoir des états avec les tribunaux arbitraux, priorité du quantitatif (travailler plus pour consommer plus) au détriment du qualitatif (bonheur, plaisir, solidarité…), etc. La conclusion de l'auteur est un plaidoyer pour une société nouvelle et une définanciarisation de l'économie avec le retour d'un vrai contrôle étatique sur les flux monétaires.

Ce petit livre bleu est une réussite : la situation actuelle y est très bien vulgarisée, l'auteur va droit à l'essentiel, il donne des exemples pertinents, des outils pour penser une autre société (on regrette un peu l'absence d'évocation de Polanyi cependant), rend son écrit accessible aux non-économistes, alerte sur les risques mondiaux encourus avec un tel système et se veut même prescriptif dans sa conclusion. A l'approche de la présidentielle, cet abrégé m'apparaît être une lecture utile et pertinente.
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