Inoubliable Tatiana

Alexandre, tu m'as brisé le cœur. Mais pour m'avoir portée sur ton dos, pour avoir tiré mes morts sur le traineau, pour m'avoir accordé ton dernier morceau de pain, pour m'avoir sacrifié ton corps, pour le fils que tu m'as donnée, pour les vingt-neuf jours de paradis que nous avons partagés, pour les sables de Naples et les vins de Napa, pour tous les jours où je n'ai vécu que pour toi, pour Orbeli, je te pardonne.

Alors seulement, il put enfin la caresser.

Elle embrassait les tatouages sur ses bras, les cicatrices sur son torse. Il pouvait enfin voir son visage, ses lèvres, éclairés par le feu. Il effleurait de ses mains sa chevelure de soie.
La nuit ne leur suffisait pas. Elle ne leur suffirait jamais.

Vis comme si tu avais le foi et la foi te sera donnée.

« Il pense à des voiliers sur des océans lointains, au désert de son enfance, au fantôme de la fortune, à la jeune fille du banc. Quand il l'avait vue, il avait découvert quelque chose de nouveau. Il l'avait remarquée, car il était à l'affût : il voulait changer d'existence. Et en descendant du trottoir, il avait échappé à sa déchéance.
Traverse la rue. Suis cette jeune fille et elle donnera un sens à ta vie. Elle te sauvera. Oui, tu dois traverser.
_ Nous nous reverrons à Llov, mon amour..., fredonne Tatiana, en mangeant sa glace, dans notre Leningrad, en ce mois de juin qui embaume le jasmin, près de la Fontanka, de la Neva, du Jardin d'Été, où notre jeunesse n'aura jamais de fin. »

- Je voudrais te poser une question Alexandre. Quand tu m'a demandé de t'épouser, imaginais-tu que notre mariage durerait plus d'une lune ?
- Je l'espérais.
- Non je ne pense pas. Certes, nous ne ferions ça qu'une fois, alors autant bien le faire, avais-tu déclaré. Mais tu étais persuadé que ça ne durerait qu'un mois. Une année peut-être, avec les permissions. Le temps que tu passe en Allemagne. Ou que tu te fasse tuer au champs d'honneur. Mais là, c'est plus long que Lazarevo, hein ? Ca fait des jours, des semaines, des mois, des années, juste toi et moi, un homme et une femme unis dans un même mariage.
-Je sais parfaitement ce que c'est, Tatiana, murmura-t-il oppressé par ses paroles.
-Vraiment ? Ce n'est plus un mariage de guerre, un mariage soviétique, nous deux contre le NKVD, sans avenir; Ici, nous sommes dans la réalité de la vie Américaine; Pleine de choix, de liberté, d'occasions, d'argent, de conflits, de pressions permanentes. Avec ses souffrances, quand nous n'obtenons pas ce que nous pensons mériter et que ça nous tourmente. Et ses tentations... ajouta-t-elle après un silence.
-Tania, arrête. Pas ici, je veux rentrer à la maison.
-Tu veux tenir cette conversation chez nous ? Dans ce refuge que je me suis donné tant de mal à te construire ? Ce paradis où j'espérais que tu trouverais enfin la paix ? (elle secoua la tête). Non, on ne peux pas parler de ça là-bas.

-Tu es un enfant. Tu dois laisser les adultes régler leurs comptes entre eux.

La bouche exprime ce qui déborde du coeur.

-Amenez-là au Pentagone demain, proposa Richter avec un grand sourire. Je la ferai changer d'avis.je la convaincrai de venir s'installer ici. Vous verrez, je la convaincrai même de partir en Corée avec vous.
- Je vous souhaite bien du courage.
-Richter éclata de rire et lui donna une bourrade dans le dos.
- Je m'imagine très bien votre épouse. Une force de la nature, habituée sans doute à manier la charrue dans les champs collectifs russes, et qui s'est attaquée toute seule à l'armée Rouge par amour pour vous !
- On dirait vraiment qu'il la connait, n'est-ce pas Alexandre ? gloussa Sam.
- Tout à fait.
Alexandre finit sa cigarette. Il était temps qu'il rejoigne sa force de la nature avant qu'elle ne recrute des mercenaires pour l'arracher à la main de fer du Département d'état.

Mon pauvre Anthony, s'il n'en avait tué qu'un seul ! Chacune des marques de son corps n'est rien en comparaison de ce qu'il a fait et subi dans sa courte vie. Tu sais ce qu'il a vécu.
-Arrête de l'excuser.
-Ton père n'a connu que la violence. Je ne l'excuse pas.....

Tu sais, Anthony, si tu veux que nous fassions la paix, ta mère et moi, je ne te demande qu'une chose : si jamais elle rentre ce soir, quoi que tu entendes, ne sors pas de ta chambre. Mets-toi un oreiller sur la tête, dors, fais ce que tu veux, mais n'ouvre ta porte sous aucun prétexte. Compris ?