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Citations sur Les âges de la vie (25)

Dans une société où les uniques mesures d'évaluation sont celles d'un matérialisme courtaud et où le mercantilisme détermine les représentations des âges de la vie, il est clair que la vieillesse a peu d'atouts. N'est socialement admissible que celle qui continue activement de consommer : biens, cures, soins gériatriques, voyages organisés, distractions, culture, etc...
Économiquement faible, elle incarne le mal absolu. La royauté mendiante du brahmane est ici l'enfer de l'insignifiance et le rebut. Or ce n'est certes pas la vieillesse qui nous détruit mais l'image que nous nous en sommes faite.
L'idéologie contemporaine, qui dénie à l'esprit tout pouvoir, permet tout au plus, dans un tourbillon d'actions, de traverser, sain et sauf, l'âge adulte ; en aucun cas, la vieillesse.
Car dans ce dernier épisode de notre vie terrestre, deux violons mènent la danse : l'esprit et le pouvoir de l'imaginaire. Nous nous pencherons sur leur musique.
Attardons-nous d'abord à un premier constat. Pour qui s'attend à la déchéance, il n'y a pas d'illusion possible : elle sera au rendez-vous.
Celui qui, sa vie durant, a creusé le tombeau de son âme l'y couchera.
Rien d'heureux ni de malheureux ne nous advient jamais dont nous n'ayons en nous préparé le nid.

Peut-être un fait divers illustrera-t-il, mieux que des propos abstraits, la force de l'esprit dont il est question ici. Un employé des chemins de fer se trouva malencontreusement enfermé dans un wagon frigorifique. Lorsqu'on vint l'en "délivrer" douze heures après, il était mort. Sur la paroi de métal, on trouva ces mots griffonnés à la craie : "Le froid m'envahit. Je me meurt." Ce sort épouvantable ne prend sa signification que lorsqu'on y ajoute un détail : le système de réfrigération n'était pas branché. Son corps révéla à l'autopsie tous les symptômes d'une mort due au froid. Il n'en va pas autrement de la vieillesse. Une seule différence : ce n'est plus un fait divers mais un fait de civilisation aux conséquences généralisées et dévastatrices.
La représentation même de la déchéance entraîne irrévocablement sa venue. Nous venons et mourons de nos images.
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Nous sommes tous des gens du voyage. Et ce voyage est la vie.
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C'est pour cette raison que toute sensation vécue dans l'enfance,
lorsque le hasard par surprise nous en ramène une bribe
-odeur, grain d'étoffe, acidité d'un fruit -,
nous émeut si profondément.

Plus rien par la suite, autour de nous, si nous n'y prenons garde,
ne revêt l'impérieuse présence que nous lui avions connue alors.
.
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Une sorte de licence carnavalesque est indispensable à la jeunesse pour expérimenter toute la pléthore des sentiments et des sensations qui déferlent sur elle, pour s'inventer peu à peu le contour d'un destin.
Mais, pour le moins aussi redoutable que l'intrusion inquisitoriale de cet espace de liberté, est l'extrême sollicitude de certains adultes rêvant d'épargner aux jeunes gens les brûlures de l'échec, les erreurs, les errances. Est-il pire égarement que de vouloir dispenser de vivre qui nous croyons aimer ?
Nous évoquions tantôt les effets salutaires de la maladie dont tant de nos contemporains ont perdu le bon usage. L'erreur, que nos systèmes de notation, nos lugubres palmarès sanctionnent, mérite semblable éloge et doit être réhabilité. Elle est le tremplin d'où s'élancent l'explication et le dialogue, le forum ou les questions nous interpellent. Elle met l'esprit en mouvement, le fouille, et l'éperonne. La psychose de la faute et de l'échec est l'éteignoir de nos cerveaux. Quel monde de baîllements ne nous ont-ils pas fait, ces décerneurs d'éloges et de blâmes, ces leveurs d'index, ces fesses-serrées de la couardise ! La vie mouchée, épouillée, peignée, torchée et livrée à domicile (et dont ils s'enorgueillissent encore), qui s'étonnerait qu'elle écoeure la jeunesse ? Qu'est une existence qui n'a pas été conquise à force d'erreurs, d'échecs, d'hésitations, de tâtonnements ? Quel est son prix ? Où est sa victoire ?

Chaque génération se fera elle-même ou ne se fera pas.
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L'enfant, explorateur du visible et de l'invisible, né pour réinventer le monde de ses doigts, et de ses rêves, devient aujourd'hui l'otage d'une industrie cynique.
Substituer à ses facultés différenciées et vivantes, alors en plein essor, tout un attirail de prothèses - de la télévision aux multiples gadgets de l'électronique - est un crime que le code pénal n'a pas su prévoir.
Le décret ordonnant l'amputation obligatoire d'un membre intact susciterait des remous, la dévastation quotidienne, institutionnalisée par les moeurs, du potentiel spirituel et intellectuel de l'enfant laisse indifférent. Ceux mêmes qu'indignent les pieds atrophiés des femmes de l'ancienne Chine vissent de leurs propres mains, dans l'étau meurtrier d'une technologie réductrice, le crâne de leurs enfants.
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Sans tri préalable, ses seuls yeux ouverts
livrent au petit enfant ce qui est ou ce qui peut être,
et non, comme plus tard,
dans le grand black-out de la raison civilisatrice,
la projection de ce qu'ils auront désormais à voir.
Il se meut encore dans l'espace magique d'avant la restriction :
il choisit seul parmi les innombrables possibilités que lui présente le réel.
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Chacun de nous est à la fois l'enfant de l'homme et de la femme qui l'engendrèrent et l'enfant de la création. Notre cognation est multiple. Notre abandon ne peut jamais être total.
Si cet homme et cette femme nous ont passionnément aimés, ils nous sont père et mère. Dans le cas contraire, ils n'ont été que les vantaux de porte que nous avons écartés pour entrer au monde, et rien de plus. Notre parenté ne s'épuise pas en eux.
Partout, la nature nous reflète et nous prolonge, nous multiplie et nous diversifie à l'infini.
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Nous sommes tous gens du voyage. Et ce voyage est la vie. Nous traversons l'un après l'autre des pays où les perspectives et les aventures ,e se comparent pas entre elles, où change jusqu'à la perception que nous avons des êtres, des choses, du temps et de l'espace. Ces pays ont leurs villes, leurs campagnes, leurs monts et leurs mers - et les cols vertigineux qui les séparent en font des territoires autonomes dont l'exploration successive constitue l'existence humaine. Cette traversée, nous ne l'effectuons pas seuls, mais, bon gré mal gré, avec la caravane de la génération avec laquelle nous nous sommes mis en marche et dont les rangs iront s'éclaircissant jusqu'au terme. Tantôt pleine d'ardeur, elle nous porte de son élan ; tantôt rétive et incertaine, elle nous grève de son anxiété.
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Gobé par la contemplation d'une herbe, d'une irrégularité
dans le tissage du drap, d'un pépin ou d'un brin de laine,
il émerge de ses longues absences étrangement fortifié.
Il est le chien avec lequel il joue, l'écorce qu'il détache du tronc,
la miette qu'il récolte sous la table, la croûte de son genou couronné et...
dzzzz...la mouche sur la vitre.
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La moitié de notre existence est taillée dans la même obsidienne sombre et précieuse : le séjour intra-utérin, les nuits quotidiennes et la mort.
Quiconque prétend ne pas se souvenir d'avant sa naissance m'a toujours paru mentir.
Chaque matin en repoussant mes draps et ma couverture, en choisissant bon gré mal gré de recommencer, n'ai-je pas le pouvoir de vivre ma première trouée vers la lumière? La matrice d'ombre qui, la nuit, me reprend pour me lâcher à l'aube me restitue celle autrefois où je passai neuf mois de ma vie.
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