Le pouvoir des mots est sans limites, sans faille, il s'impose aux choses, aux faits, à nos idées et à nos sentiments. Mais parfois les mots sont là pour mieux faire entendre le silence, l'encercler comme une petite margelle entoure un puits. Dans cet espace limité le silence devient infini, insondable. (p. 13)
Son regard rempli d'encre, rempli de chagrin me hante. J'essaie de deviner s'il [père de la narratrice ] a souffert du mal de son corps jusqu'au dernier moment, s'il a souffert à l'idée de devoir nous quitter, s'il a pensé à moi, s'il a souffert de mourir sans me voir. S'il aurait souffert de se voir soumis à ces rites religieux qu'il a rejetés toute sa vie. (p. 11)
depuis toujours Shankhya zigzaguait parmi les millions de croyants de son pays, cherchant a introduire en eux un doute, une question, mais cela s était tout le temps réduit a un monologue, a un chemin frayé dans le silence, ses paroles étaient aussitôt refoulées, anéanties.
Plus d une fois il s était heurté a la pierre tombale de la foi sous laquelle toute pensée rationnelle et tout raisonnement scientifique étaient ensevelis depuis bien longtemps.
Son parti avait échoué et il commençait a penser que l idéologie révolutionnaire n était que un tapis magique qui volait tout seul au dessus du continent indien tandis que des milliards de gens en dessous n avaient rien a faire, ils survivaient, misérables, des racines poussaient sous leurs pieds et leur rêve tenait dans le talisman suspendu autour de leur cou, insignifiant, ridicule et surtout inoffensif.
Les livres sont des glaciers où nos rêves insensés se trouvent piégés et fossilisés. Et nous rodons autour.
"Elle comptait chaque jour de chacun de ses mois comme la possibilité des choses, comme s'il devait aller vers un destin resserré en une graine qui boirait l'eau lumineuse de son ventre pour éclore et grandir, et qui deviendrait un arbre géant faisant craqueler son ventre avec ses racines avant de se transformer en plein jour en secouant son immense tête frissonnante de feuillage."
La mort de mon père m'a arraché à ce tunnel sans fin et je vois à nouveau le monde autour de moi. La maison vide me fait du bien, chaque meuble est un tombeau de silence où je devine, dans les infimes fissures, les bestioles surprises par mes pas, qui s'enfuient ensuite.
Pour le moment je fais le tour de son corps au rythme des mantras, je fais le tour de l'histoire d'une vie, celle de mon père. Puis on allume une torche. Il faut porter le feu jusqu'à sa bouche, jusqu'à l'origine des choses et des paroles, avant de soumettre le corps entier à la fournaise et de baisser le rideau de fer. (p. 12)
"Arraché au passé, en lévitation au-dessus du présent, le bonheur est une projection dans l'avenir"
Annapurna aimait Calcutta, son trafic, son air pollué, son odeur de diesel, ses gratte-ciel et ses trottoirs cabossés, Annapurna aimait Calcutta parce qu'elle y vivait seule avec son fils, parce qu'elle y vivait les temps modernes avec son fils.