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Critique de Diabolau


Il se trouve que j'étais tombé un peu par hasard, peu après sa sortie, sur Berlin 1942, qui n'est autre que l'intégralité du rapport de Louis Sadoski, flic des RG et collabo notoire avec les nazis, au retour de son voyage forcé à Berlin pour être interrogé par la Gestapo, avant que celle-ci ne le relâche, convaincue à juste titre que c'était un bon collaborateur.
J'étais tombé dessus, et de son côté, il m'était tombé des mains. Bien trop factuel, si je me souviens bien. L'expérience administrative de ce triste personnage ne m'avait pas emballé.
Lorsque, plusieurs années plus tard, j'ai vu le titre de ce livre de Slocombe (puis, dans les années qui ont suivi, d'autres qui semblent montrer que le personnage est un filon), j'ai fait aussitôt le rapprochement et de fait, l'auteur n'en fait pas mystère : Léon Sadorski est une copie bien ressemblante de l'original, et son séjour dans les geôles de la gestapo s'appuie grandement sur celui de Louis.
J'ai vu que beaucoup de lecteurs reprochaient à L'affaire Léon Sadorski leur incapacité à s'identifier à ce héros dont c'est peu de dire qu'il n'est pas sympathique. de mon côté, il n'en a rien été. J'étais d'ailleurs convaincu depuis Gagner la guerre de Jaworski, où le héros est une belle ordure, même s'il est loin d'atteindre le vice décomplexé de ce Sadorski. Il faut croire que je n'éprouve pas tant que cela de besoin à m'identifier au personnage principal. J'irai même jusqu'à dire que Sadorski est un des gros points forts de ce roman. Il a l'avantage de ressembler à bien peu d'autres "héros", et il est si malfaisant et cynique que j'ai alterné entre pitié et consternation plus qu'entre colère et dégoût... Peut-être aussi parce qu'il est pathétique, en particulier lorsqu'il sombre dans l'auto-apitoiement, criant à l'injustice après avoir pourtant dénoncé des innocents pour qu'ils soient déportés, conspiré à la perte d'un collègue et autres turpitudes. Jamais il ne se rend compte de son immondice. Il ne fait "que" son "travail". En bon fonctionnaire, en bon Français. Il en est vraiment persuadé, sincèrement.
Et c'est sûr, hélas, ce genre de personne existe vraiment.
Au milieu de toutes ces tares dont la liste est longue comme un jour sans pain (c'est de circonstance en période de rationnement), Sadorski a toutefois une qualité pour lui : il est ce qu'on peut appeler un "bon flic". À défaut d'être d'une intelligence supérieure, il a un bon sens de la déduction et un flair certain.
Il n'y a rien de pire qu'un roman historique avec une documentation bâclée, tronquée, faite à la va-vite sur un coin de nappe. J'en ai lu un comme ça y a pas longtemps, et ça m'a mis franchement en colère, je ne vais pas (encore) dire son nom parce qu'on va dire que je m'acharne.
S'il y a bien quelque chose qu'on ne peut pas reprocher à Slocombe, c'est ça. Sa documentation est complète, approfondie, irréprochable. Et il veut le montrer. Un peu trop, sans doute. Emporté par sa soif louable de communiquer au lecteur ce qu'il a appris de beau dans ses recherches, il l'étale à la truelle dans tous ses chapitres. Mais grosse, la truelle. Quitte à délayer, à digresser, à s'écarter de son intrigue (celle-ci est d'ailleurs nébuleuse et finalement peu convaincante, car tout entière au service de la documentation). Quitte à balancer des répliques bien peu naturelles dans ses dialogues, aussi. Un rien téléphonées. "Ouvre grands tes yeux, lecteur, tu vas apprendre quelque chose sur les rouages des différents bureaux de la gestapo parisienne, et quand tu sortiras de la salle de classe, tu seras plus cultivé".
J'aime bien ça, en principe. Beaucoup, même. Mais là, ça manque trop de discrétion pour passer crème.
Il y a donc trop de personnages, trop d'anecdotes déconnectées, trop de services différents, trop de détails administratifs de trop peu d'importance, et tout cela est bien trop embrouillé pour emporter mon adhésion.
Et pourtant !
Il y a aussi un vrai style, avec quelques très beaux passages et moments de bravoure.
Il y a aussi une vraie atmosphère, et une reconstitution très visuelle du Paris sous l'occupation, et la documentation y est pour beaucoup, si seulement Slocombe avait su s'arrêter dans sa frénésie d'étalage.
Peut-être donc que je me laisserai tenter un jour - même si pas tout de suite - par l'opus suivant, histoire de voir si l'auteur a su trier le bon grain de l'ivraie.
Et parce que "je l'aime bien", en vrai, cet inspecteur Sadorski. J'adore plus que tout le voir pleurer à chaudes larmes sur son sort comme un Caliméro, ce triste rebut de l'humanité.
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