La fournaise, tome 1 : Enfermé

Il fallut moins de quarante minutes au jury pour décider de mon sort. Douze personnes enfermées dans une pièce, avec ma vie entre leurs mains, et elles me condamnèrent en moins de temps qu’une mi-temps de football.

- Alex, ils m'ont fait nettoyer les toilettes, chuchota-t-il.
Toutes les cuvettes du premier étage. Ca fait presque une centaine de chiottes, figure-toi, dont la plupart contenait encore des restes de... (Il parut sur le point de sétrangler.)
J'ai pris une douche mais je sens encore l'odeur sur moi.

« Je me souviens des frissons qui m’ont traversé la première fois que j’ai vu des photos de la Fournaise à la télé. Mais je n’aurais jamais imaginé finir là-bas. Pas moi.
Bien sûr, je savais que je pourrais pas continuer comme ça indéfiniment, mais comme l’argent continuait à tomber, j’avais fini par me convaincre que j’étais invincible. Qu’il ne m’arriverait jamais rien.
[...]. Et, comme dans tous les films noirs, la catastrophe s’est produite à l’occasion d’un dernier coup. »

Il se contenta de renifler en me regardant de haut. Derrière moi, j'entendis la voix du directeur retentir à travers la cour.
- Sous le ciel s'étend l'enfer, mes gerçons. Et sous l'enfer s'étend la Fournaise. Je vous souhaite un bon séjour !

Après ce à quoi j'avais déjà assisté, je n'arrivais pas à imaginer quoi que ce soit d'encore plus effrayant. Mais j'avais tort : les chiens et le directeur, ce n'était que la première partie du spectacle le plus horrible de la Fournaise. Un spectacle auquel j'allais assister à peine quatre jours plus tard.

- [...] On s'en est tirés.
Mais Donovan se contenta d'un nouveau rire glacial.
- Non, Alex. Tu es déjà mort. C'est juste que tu ne le sais pas encore.

L’ancien chef des Cranes était certes violent, mais il y avait chez Gary quelque chose de different. Kevin avait torture et tue pour prouver quelque chose, parce qu’il savait que la vie était precieuse, un objet de valeur que l’on pouvait arracher aux autres. Gary, lui, frappait et tuait comme si la vie ne signifiait rien, comme s’il ecrasait un insecte.

Je n’arrivais pas a determiner de quoi il s’agissait, mais ca me glacait les sangs. Je repensai au trente gamins qui etaient mort quand la caverne s’était effondree. Ce bourdonnement était peut-etre celui de leurs fantomes qui hurlaient si fort et avec une telle fureur qu’ils en ouvraient une breche depuis le monde des esprits pour venir dans le notre.

T’inquiete, reprit-il. C’est le premier truc qu’on se dit tous. J’ai vu des types essayee. Sauter depuis a peu pres tous les niveaux. Pour les deux premiers, on s’en sort avec des chevilles foulees et quelques contusions. Du niveau trois au niveau six, c’est pas beau a voir mais on n’en meurt pas. Sauf si c’est la tete qui touche le sol en premier : c’est pas facile. Si tu veux vraiment crever, il faut aller au niveau sept ou huit. La, ca devrait marcher.
J’entendis le lit vibrer et grincer quand il changea de position.
Le plus bizarre, continua Carl, c’est que si on monte plus haut, on ne meurt pas non plus. J’ai vu un gamin s’elancer du dixieme etage, mais il a simplement rebondi par terre en hurlant. Il est mort un peu plus tard, ouais, t’imagines pas ce qu’il a traversé avant.

L’obéissance fait la différence entre la vie, la mort et les autres types d’existence qu’offre la Fournaise, ajouta-t-il en se rapprochant, les chiens sur ses talons. Obéissez a mes règles et tout ira bien. Désobéissez et vous constaterez rapidement qu’ici vos cauchemars arpentent les memes couloirs que vous et hantent vos cellules. Je suis l’unique barriere entre vous et la folie. Mais j’en n’oublie les bonnes maniérés ! Je suis le Directeur Cross et je dirige cette institution.