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Critique de Stockard


"Two, four, six, eight... We ain't gonna integrate"
Eh bien en fait si, cette intégration dont les suprématistes ne veulent surtout pas va se faire. Mais à quel prix !
En 1954, la Cour suprême des États-Unis, dans son arrêt "Brown vs Board of Education", établit comme inconstitutionnelle la ségrégation dans les écoles publiques mais de nombreux états choisissent de l'ignorer et refusent de s'y plier. C'est le cas de l'Arkansas. du moins jusqu'à ce que la branche locale de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) décide de faire appliquer la loi au lycée Central High de Little Rock, jusque là strictement réservé aux Blancs.
Une cinquantaine d'élèves afro-américains, volontaires, s'inscrivent pour la rentrée de 1957. Un petit coup de pression des divers dirigeants scolaires ramène ce chiffre à 17. Encore un peu d'intimidation et ils ne sont plus que neuf à n'avoir pas craqué et à être plus résolus que jamais à mettre un pied dans ce lycée et par extension, hop, dans l Histoire.
Après bien des déboires, reculs, interdictions et menaces, les Neuf parviennent enfin à suivre les cours, ou du moins à essayer, entre haine, violence et agressions caractérisées de la part d'élèves et de professeurs fièrement ségrégationnistes, allant jusqu'à l'explosion d'une bombe artisanale au domicile d'une des Neuf que l'on préfère voir morte plutôt que diplômée.
Chaque jour devient un combat pour étudier, pour s'en sortir, pour qu'un futur loin des basses conditions réservées aux Noirs devienne possible et surtout, à court terme, un combat pour revenir le lendemain, et le lendemain encore...
Le courage de ces gamins !

Alors, finalement, ces Neuf-là ont-ils ouvert la voie à la déségrégation scolaire ? Bien sûr, une bataille est gagnée mais la victoire n'est pas encore acquise, loin de là, comme le déclarait Daisy Bates, représentante de la NAACP pour l'état de l'Arkansas à qui l'on demandait si cette avancée la rendait heureuse : "S'il faut 11500 soldats pour garantir à neuf enfants noirs le respect de leur droit constitutionnel, non je ne suis pas heureuse." Ça ne semble en effet pas gagné, d'autant qu'Orval Faubus, le gouverneur de l'État, peu enclin à accepter l'intégration sous son règne, multipliera les discours emplis de menaces à peine déguisées et ne reculera pas même devant le bras de fer qui s'engagera avec un Dwight Eisenhower, alors président des États-Unis et bien déterminé à faire respecter la Constitution.
Le gouvernement devra tout de même envoyer l'armée pour faire plier Faubus qui, malgré tout, ne s'avouera jamais vraiment vaincu.
Et plus de 60 ans après, on ne peut toujours pas parler de succès absolu, de justice ni même d'intégration si évidente qu'on n'y pense même plus, aujourd'hui encore les écoles ségréguées explosent le plafond faisant reconnaître à John B. King, secrétaire de l'éducation sous l'administration Obama, que les écoles sans Blancs "offrent de moins bons enseignants, des cours moins stimulants, moins de services que les élèves plus favorisés tiennent pour acquis et finalement moins de tout ce qu'il faut pour réussir ses études."
Dégoût.

Little Rock, 1957 est un livre brillant et richement documenté, incontournable si on s'intéresse un tant soit peu à la lutte pour les droits civiques. Il était temps d'ailleurs qu'arrive un tel ouvrage car hormis le bon (mais néanmoins beaucoup moins fouillé) Sweet Sixteen d'Annelise Heurtier, la production française restait désespérément silencieuse sur l'histoire de cette intégration aux forceps. Merci à Thomas Snégaroff d'y avoir remédié avec un livre tout à la fois puissant, dérangeant et démoralisant et pourtant, paradoxalement plein d'espoir, de celui qui nous fait continuer à croire malgré tout dans le genre humain parce que dans ce tas de dégénérés, il y aura toujours des gens magnifiques, valeureux, courageux, des héros, des vrais et dans cette histoire, ils ont pour nom Minnijean Brown, Elizabeth Eckford, Gloria Ray Karlmark, Melba Pattillo, Thelma Mothershed, Ernest Green, Jefferson Thomas, Terrence Roberts et Carlotta Walls LaNier.
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