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Critique de Presence


Il s'agit d'un récit complet et indépendant de tout autre initialement paru sous la forme de 10 épisodes de juillet 2013 à septembre 2014. le scénario est de Scott Snyder, les dessins et l'encrage de Sean Murphy, et la mise en couleurs de Matt Hollingsworth.

La première séquence se déroule dans le futur, Leeward (une jeune femme) survole les flots qui ont envahi une ville américaine, avec une aile delta disposant de moyen de propulsion. Elle est suivie par un dauphin dans l'eau. 200 ans dans le passé (de nos jours), Lee Archer (mère de Parker, un garçon) suit une baleine en zodiac. Elle est interrompue par Astor Cruz, un représentant du gouvernement qui vient la recruter pour une mission secrète d'une semaine. Lee Archer se retrouve dans une base sous-marine clandestine (dédiée au forage pétrolier) au large de l'Alaska, à la tête d'une équipe de 4 personnes : le docteur Marin (expert universitaire en mythologie et folklore), Meeks (chasseur professionnel, spécialisé dans les espèces dangereuses en voie de disparition), Bob Wrainwright (son ancien patron), et Cruz lui-même. Sur place elle découvre une créature agressive, mi-homme mi-poisson (une sorte de sirène mâle) et Cruz lui fait écouter son cri.

En 2013, cette histoire bénéficie de l'aura de ses créateurs. Scott Snyder pilote la série Batman depuis sa relance dans le cadre du redémarrage à zéro de l'univers partagé DC (à commencer par La cour des hiboux). Sean Murphy a marqué les esprits avec Punk Rock Jesus et Joe l'aventure intérieure (ce dernier avec Grant Morrison).

Le début du récit indique clairement qu'il se déroule à 2 époques différentes (et même un peu plus puisque des mammouths apparaissent dans une courte scène) et qu'il comprend une composante horrifique (la dentition et l'agressivité de la créature poisson ne laissent planer aucun doute).

Dès la première page, la qualité des dessins de Sean Murphy transporte le lecteur dans un environnement très concret présentant une grande capacité évocatrice. Les personnages sont aisément reconnaissables et un peu typés du fait de la présence d'angles obtus discrets dans leur physionomie. Chaque personnage dispose de sa tenue vestimentaire propre, avec une mention spéciale pour la veste rayée de l'agent Cruz.

Murphy dose avec intelligence et pertinence la présence des décors en arrière plan, de manière à ce que les cases ne paraissent jamais vides, ni trop surchargées. Il réalise régulièrement de magnifiques décors, comme par exemple l'intérieur du sous-marin, ou l'avion qui sert d'habitation à Leeward. Qu'il s'agisse de l'époque actuelle ou du futur, les personnages évoluent dans des endroits spécifiques, ne donnant jamais l'impression de carton-pâte. Lorsque le lecteur pénètre avec les personnages dans la cabine du navire de Lee Archer, il peut en examiner le plancher, les équipements électriques et électroniques et le niveau de bazar.

Snyder a pris le parti de montrer la grosse bébête qui fait peur dès le premier épisode du récit. Murphy s'est montré à la hauteur de la tâche, en lui donnant des dents bien acérées, un visage dépourvu d'humanité et une silhouette gracile et allongée, raccord avec son statut de poisson capable d'une grande agilité dans l'eau.

Côté scénario, Snyder présente avec grâce ses personnages et attaque rapidement dans le vif du sujet puisqu'à l'issue du premier épisode tout est en place. Il consacre la première moitié du récit au temps présent pour l'affrontement contre le monstre, avec une prise de conscience progressive de l'ampleur des dégâts et de la menace. 200 ans plus tard, le lecteur retrouve l'humanité et ce qu'il reste de sa civilisation pour un nouvel affrontement à la forme très inattendue.

Du début jusqu'à la fin, l'intrigue tient bien la route, avec de nombreuses surprises et une résolution évitant les stéréotypes. du côté narration proprement dite, Snyder se montre un peu moins habile. Pour la première partie, il commence par intégrer des informations scientifiques sur la faune marine, tirant ainsi son récit vers le haut, au dessus des approximations et généralités en la matière. Mais lorsque que les personnages doivent sortir de la base sous-marine, ils n'éprouvent aucune gêne du fait de la pression (en contradiction avec les précisions apportées par l'agent Cruz lors de la descente). de même lorsque qu'une bébête vraiment beaucoup plus grosse sort de sa cachette, il n'y a pas d'explication à sa taille démesurée par rapport à celle des autres.

De la même manière, le développement de la technologie 200 ans dans le futur laisse rêveur. Il est difficile de réconcilier le recul de la civilisation humaine, avec des progrès scientifiques qui permettrait de faire voler une forteresse d'une telle ampleur (Murphy n'améliore pas les choses en rajoutant un biplan de la première guerre mondiale dans le même espace aérien).

De son côté, Sean Murphy intègre également quelques éléments visuels qui apportent un coté ludique aux images, aux dépends de la cohérence interne du récit. Sa conception graphique des sirènes est tellement convaincante, que le lecteur a bien du mal à croire que les êtres humains puissent disposer de la moindre chance contre eux dans leur élément naturel. Avec un tel corps fait pour le milieu aquatique et leur rapidité, aucun être humain ne peut rivaliser, ou même leur tenir tête plus de 10 secondes. le corps de ces créatures présente de petits cercles lumineux, dont le lecteur est bien en peine de pouvoir déterminer leur fonction, ou même l'évolution de l'espèce qui a pu conduire à leur apparition.

Dans la deuxième partie (200 ans après), Sean Murphy concocte une monde post apocalyptique des plus séduisants, avec des images attestant de la récupération des réalisations du passé, par les vivants (un superbe paquebot avec des rangées de rame, la récupération de la carlingue d'un avion, etc.). Mais dans le même temps il montre des réalisations technologiques qui attestent d'une civilisation industrielle et technologique plus avancée que la nôtre, ce qui est en décalage avec le récit. Quand il montre ce même paquebot s'abîmer dans les flots, il ne prend pas en compte l'effet des remous sur les individus présents dans l'eau à proximité. Lorsque les protagonistes se retrouvent sur la banquise, leurs tenues vestimentaires ne sont pas adaptées à la température.

Ces incohérences narratives internes finissent par nuire au charme et à l'intelligence du récit. Si le lecteur se laisse emporter par l'ampleur du récit et les 2 héroïnes pleine d'entrain et de ressources, il est possible qu'il ne les remarque pas. Dans ce cas, cette histoire mérite ses 5 étoiles pour une intrigue retorse et singulière, des scènes d'action spectaculaires et des dessins créant un environnement très étoffé. S'il ne pas passer outre ces maladresses, son plaisir de lecteur s'en trouvera un peu diminué, 4 étoiles.
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