LA CLIENTE. Il me faut ça : je vais voyager cet hiver. C’était motus et bouche cousue mais je peux bien vous le dire maintenant : j’ai un ami, à Lyon, veuf sans enfant, directeur d’agence, on se voit le week-end, une fois là-bas, une fois ici. Alors la mise en service du TGV, pensez si on l’attendait !
LA CLIENTE. Poches ou pas, tailleur ou pas, une aubaine mon embauche à l’agence : la procédure de divorce est lancée.
LA COUTURIÈRE. Cinquième étage, pensez, au premier les platanes bouchaient nos fenêtres. Moi pour coudre je veux y voir clair maintenant.
L’ascenseur, notez bien, c’est pas du superflu : ma clientèle n’ira pas en rajeunissant. Les petites jeunes s’habillent toutes à Prisunic : le sur-mesure c’est bientôt fini. Moi je vous le dis.
LA CLIENTE. Oui, mais vous savez, ils font leur vie maintenant, chacun de leur côté... Mon marin rempile toujours, et voudrait s’installer plus tard, dans un port, au Sud, loueur de bateaux. L’intérieur des terres, c’est fini pour lui, et la vie de famille je ne crois pas qu’il y vienne. Il a un bon ami... je ne sais pas... je me demande parfois... Son frère et sa nouvelle copine, pas celle des chèvres en Ardèche, s’installent à Grenoble.
LA CLIENTE. Non. C’est ma petite belle-soeur qui l’a bien amortie, été comme hiver : cinq en trois ans et puis ils l’ont ligaturée, tout de même, il était temps. Elle l’avait fait teindre en uni marine pour la discrétion.
LA COUTURIÈRE. Vous la remplirez, et plus vite que vous pensez, croyez moi. Tournez. Le travail, vous continuerez ?