L'isolement de l'individu reçoit aujourd'hui un nouvel encouragement sous forme d'une prudence médicale élémentaire.
Derrière certains jugements moraux liés à la maladie, se cachent des jugements esthétiques sur le beau et le laid, le propre et le sale, le connu et l'étranger ou l'insolite.
... l'intérêt de la métaphore réside précisément dans le fait qu'elle se réfère à une maladie envahie par la mystification, remplie des phantasmes de la fatalité à laquelle on n'échappe pas. Car nos ides sur le cancer et les métaphores que nous avons plaquées sur lui servent trop à convoyer les vastes insuffisances de notre culture, nos attitudes superficielles à l'égard de la mort, nos angoisses en matière de sentiment, nos réactions impatientes et insouciantes à l'égard de nos vrais "problèmes de croissance", notre incapacité à construire une société industrielle avancée qui règle convenablement la consommation, et nos peurs justifiées devant le cours chaque jour plus violent de l'histoire.La métaphore du cancer deviendra périmée, je le prédis, bien longtemps avant que les problèmes qu'elle a su refléter avec tant de force e persuasion soient, eux, résolus.
... les métaphores modernes de la maladie sont toutes minables. Les individus réellement atteints de la maladie en question ne sont guère aidés lorsqu'ils entendent constamment citer le nom de celle-ci pour représenter le mal.
... j'écrivais moi-même, dans le feu du désespoir devant la guerre américaine au Vietnam : "la race blanche est le cancer de l'histoire humaine".
L'aspect mélodramatique telle que l'utilise le discours politique moderne implique une idée de répression : la maladie n'est pas un châtiment, mais le signe qu'il y a quelque chose de pourri, quelque chose qui doit être violemment corrigé.
En 1800, Bichat définissait la vie comme "l'ensemble des fonctions qui s'opposent à la mort". Ce contraste entre la vie et la mort allait devenir un contraste entre la vie et la maladie.
... les métaphores modernes expriment un profond déséquilibre entre l'individu et la société, celle-ci étant conçue comme l'adversaire de l'individu. Les métaphores pathologiques jugent la société non parce qu'elle est en état de déséquilibre mais pour la répression qu'elle exerce. Elles apparaissent régulièrement dans le discours romantique qui oppose le coeur à la tête, la spontanéité à la raison, la nature à l'artifice, la campagne à la ville.
A l'heure actuelle, il relève autant du cliché de dire que le cancer est provoqué par "l'environnement" que de parler jadis - et on continue à le faire - d'émotions mal dirigées
L'expérience que le Moyen Age avait de la peste était solidement lié aux concepts de pollution morale, et les gens cherchaient invariablement un bouc émissaire extérieur la communauté affligée de ce mal. (On assista dans l'Europe en proie à la peste de 1347-1348 à des massacres de Juifs sans précédent, qui s'arrêtèrent dès que la peste céda.) En matière de maladies modernes, il est difficile de séparer le bouc émissaire du patient.