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Fabienne Durand-Bogaert (Traducteur)
EAN : 9782267016949
138 pages
Christian Bourgois Editeur (01/10/2003)
4.1/5   30 notes
Résumé :
Si l’iconographie de la douleur nous accompagne depuis toujours — qu’on pense seulement aux tableaux décrivant la Passion du Christ, les souffrances des martyrs chrétiens ou à la série d’eaux-fortes réalisée par Goya, Désastres de la guerre -, ce n’est qu’avec la Guerre de Sécession qu’apparaissent les premiers documents qui témoignent, par le biais de l’appareil photographique, des souffrances infligées aux hommes dans des guerres toujours cruelles et souvent arbit... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
«  Ces morts sont suprêmement indifférents aux vivants : à ceux qui leur ont pris leur vie, leurs témoins- à nous-mêmes.
Pourquoi chercheraient ils notre regard ? Qu'auraient ils à nous dire ?
« Nous » ce nous qui englobe quiconque n'a jamais vécu une telle expérience- ne comprenons pas. .
Nous ne saisissons pas la chose. Nous ne pouvons imaginer à quel point la guerre est horrible, terrifiante- ni à quel point elle peut devenir normale..Nous ne pouvons ni comprendre, ni imaginer. C'est ce que chaque soldat, chaque journaliste, chaque travailleur humanitaire, chaque observateur indépendant ayant connu le feu de la guerre et eu la chance d'échapper à la mort qui frappait les autres, tout près, éprouve, obstinément. Et ils ont raison »

Susan Sontag nous place devant la douleur des autres ou plus exactement devant l'image de cette douleur. Et nous convie à nous interroger.

Devant ces images que voyons nous ? Nous mêmes ? Que recevons nous ?
Mais ce « nous » elle le rejette.
Car ce qui est vu ne peut être traité par le nous. «  Aucun NOUS ne devrait valoir, dès lors que le sujet traité est le regard que l'on porte sur la douleur des autres ».

Nous ne pas sommes égaux face à la douleur, dans la perception de sa représentation.

Comprendre le pouvoir de telles images, images de guerres, de tortures, d'exterminations, de bombardements , de famines, de déportations, c'est déjà les regarder dans une époque, dans un lieu. Prendre conscience de leur genèse.

Témoin, acteur, victime. Sur quel base repose celui qui regarde ?

Il y a une tectonique de la douleur, plus elle est proche plus elle est palpable.
La douleur crée une onde. L'image transporte cette onde. Quelle magnitude pouvons nous tolérer ?
Les images des corps démembrés durant le génocide du Rwanda nous sont parvenues, mais des corps du 11 septembre , aucune image ne nous a été donnée. Pourquoi ? Qu'est ce qui détermine l'insupportable ? Et d'ailleurs posons nous la question : qui le détermine pour nous ?

Sommes nous tous réceptifs face à la même douleur représentée ?
Pour Virginia Woolf , en 1936, la réponse était négative.
Structurellement, intellectuellement, culturellement, sexuellement différents les humains ne connaissent pas un pathos commun.
La réaction est différente, l'appréciation de la douleur est différente.

L'image informe. Elle est savante. Elle a son langage, ses codes. La lecture de l'image entraîne la traduction en nous de ce qu'elle transporte. L'éducation à l'image déterminera le niveau de sa lisibilité, de sa réceptivité.

Pourtant depuis des décennies de telles images sont véhiculées à travers le monde. Mêmes images, mondialisation de l'information oblige, commune réaction ? Non.
L'histoire est universelle, le temps nous est commun, mais l'instant est propre à chacun.

Ces images sont elles utiles ? Oui. Nombreux conflits trouvent leur limite et même leur fin suite à une pression médiatique. le choc se produit lorsque l'image se dresse.
En donnant un visage au crime on arrête parfois l'assassin. Donc ces images sont utiles.

Mais l'image a toujours un parti pris. Cadrer c'est exclure. Il faut interroger le geste pour en comprendre l'objet.

Ces images sont elles trop nombreuses ? Nombreuses oui.
Mais surtout trop rapides.
La frappe d'une photographie sera d'autant plus puissante que celui qui la recevra sera à l'arrêt.
Le spectateur aujourd'hui est devenu une cible mobile. Son pouvoir de concentration donc de lecture diminue au fur et à mesure de l'accroissement des moyens de communications.
On ne s'habitue pas, on passe seulement le diaporama à vitesse accélérée.

Non les images ne sont pas trop nombreuses, nous sommes cérébralement moins attentifs.

Les images sont nombreuses, mais les conflits ne sont pas plus nombreux qu'avant.
Par contre il deviennent de moins en moins « photographiables ». Et étrangement leurs images de moins en moins fiables. de plus en plus controlées et censurées. L'illusion que donne la densité des images cache la raréfaction de leur authenticité.

L'image de la douleur devient peu à peu suspecte et le spectateur de plus en plus méfiant jusqu'à l'indifférence. Et jusqu'au rejet.

Mais ce dédain qu'affichent certains qui ont libre accès à l'information à la liberté de la presse, qui jouissent du respect de leurs droits, n'est pas acceptable.
Allez demander aux Erythréens ce qu'ils pensent de notre petite ingestion iconographique.
Osez aller leur adresser votre regard, pour leur dire, face à face : «  Désolés, nous n'avons plus assez d'appétit pour voir ce que vous endurez »....

S'interroger oui, rester vigilants, participer au débat, donner légende à l'image : oui.
Crier : « Stop, ça suffit », c'est oublier tous ceux qui injustement n'ont pas la parole, qui n'ont aucun droit.

Alors ne leur supprimons pas le droit à l'image et par respect laissons les témoignages nous apportés leur regard. Et défendons une profession qui est un des piliers majeurs de nos libertés.

Susan Sontag nous rappelle la liste longue et prestigieuse de tous ceux qui au péril de leur vie ont saisi cette image, ont pris le risque pour nous la délivrer.

Alors devant la douleur des autres, oui il faudra toujours s'interroger. Et toujours regarder.
Parce que la parole des victimes vient se loger justement dans notre regard.

Nous qui ne savions peut être pas, nous voilà informés. Et même si parfois quelques mises en scène peuvent nous déranger, rappelons nous les 83 eaux fortes de Goya montrant «  les désastres de la guerre ».
Chacun fera son travail intérieur, fera appel à son éthique. Choisira en somme ce qu'il en recevra, et ce dont lui même sera capable de témoigner.

« J'ai vu » équivaut toujours à « je sais ». Un regard engage toujours une responsabilité.

Le livre de Susan Sontag retraçant l'histoire moderne de l'iconographie de la douleur
est un ouvrage important. Bien au delà de l'image, de la photographie.

Soutenir un regard c'est tenir un engagement.

Astrid Shriqui Garain
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Un ouvrage à découvrir.
Qui parle de la véracité des photos, pas n'importe lesquelles mais particulièrement celles qui montrent la violence.
Les guerres, les attentats. Et les photographes et journalistes sont présent pour immortaliser en quelque sorte ces instants de souffrances.
Ces photos ont quel but ? Tout là est l'intérêt de l'ouvrage. L'histoire est vouée à se répéter sans cesse.
Un ouvrage qui peut plaire mais aussi perturbé, ce qui se comprend.
Merci à la masse critique de Babelio.
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La photographie puise-t-elle l'indifférence ?
La douleur percute et se volatilise
initialement pour vaincre l'impopularité, elle se transforme
par quoi passe l'empathie ? Suis-je plus heurtée par l'image ? Rappel des paquets de cigarettes et des études qui montre le dégoût la répulsion la rage
est-ce moteur d'impulsion pour sauvetage d'arrêt, moteur militant? Rien n'est moins sûr alors pourquoi quoi comment?
et l'indécence de promouvoir en noir et blanc la mort à bout portant
capturer le regard avant mise à mort pour sonder le désastre pour prouver la puissance
la stupeur d'avant fin fixée par l'oeil vide
proximité du deuil à califourchon
La distance permet-elle de plonger le regard sans nausée ?
et de fasciner par la peur de sa propre déliquescence
l'excessif réalisme sommé de se défendre

Une légère déception, j'attendais plus, j'attendais mieux, j'imaginais autrement.
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Qui donne à voir et que voit-on ? C'est l'une des nombreuses questions que pose Susan Sontag dans cet ouvrage en déroulant la chronologie de la photographie de guerre et la façon dont elle est reçue à travers les époques et à travers les lieux.
La réflexion est intéressante et le sujet passionnant, même s'il est aussi assez dérangeant. En revanche, je trouve souvent malaisé la lecture d'un ouvrage sur les images (photos, art...) sans voir les images en question et un carnet de photographie à la fin aurait été appréciable, car si certaines descriptions sont très précises, d'autres tiennent au sentiment qu'est censé provoquer une photographie, et adhérer au raisonnement est compliqué sans la voir.
Je recommande cette ouvrage pour ouvrir la réflexion et l'analyse de son propre regard...
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Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
What is the evidence that photographs have a diminishing impact, that our culture of spectatorship neutralizes the moral force of photographs of atrocities?
The question turns on a view of the principal medium of the news, television. An image is drained of its force by the way it is used, where and how often it is seen. Images shown on television are by definition images of which, sooner or later, one tires. What looks like callousness has its origin in the instability of attention that television is organized to arouse and to satiate by its surfeit of images. Image-glut keeps attention light, mobile, relatively indifferent to content. Image-flow precludes a privileged image. The whole point of television is that one can switch channels, that it is normal to switch channels, to become restless, bored. Consumers droop. They need to be stimulated, jump-started, again and again. Content is no more than one of these stimulants. A more reflective engagement with content would require a certain intensity of awareness–just what is weakened by the expectations brought to images disseminated by the media, whose leaching out of content contributes most to the deadening of feeling.
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To speak of reality becoming a spectacle is a breath-taking provincialism. It universalized the viewing habits of a small, educated population living in the rich part of the world, where news has been converted into entertainment–that mature style of viewing which is a prime acquisition of ''the modern,'' and a prerequisite for dismantling traditional forms of party-based politics that offer real disagreement and debate. It assumes that everyone is a spectator. It suggests, perversely, unseriously, that there is no real suffering in the world. But it is absurd to identify the world with those zones in the well-off countries where people have the dubious privilege of being spectators, or of declining to be spectators, of other people's pain, just as it is absurd to generalize about the ability to respond to the sufferings of others on the basis of the mind-set of those consumers of news who know nothing at first hand about war and massive injustice and terror. There are hundreds of millons of television watchers who are far from inured to what they see on television. They do not have the luxury of patronizing it.
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To designate a hell is not, of course, to tell us anything about how to extract people from that hell, to moderate hell's flames. Still, it seems a good in itself to acknowledge, to have enlarged, one's sense of how much suffering caused by human wickedness there is in the world we share with others. Someone who is perennially surprised that depravity exists, who continues to feel disillusioned (even incredulous) when confronted with evidence of what humans are capable of inflicting in the way of gruesome, hands-on cruelties upon other humans, has not reached moral or psychological adulthood.
No one after a certain age has the right to this kind of innocence, of superficiality, to this degree of ignorance, or amnesia.
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These dead are supremely uninterested in the living: in those who took their lives; in witnesses–and in us. Why should they seek our gaze? What would they have to say to us? ''We''–this ''we'' is everyone who has never experienced anything like what they went through–don't understand. We don't get it. We truly can't imagine what it was like. We can't imagine how dreadful, how terrifying war is; and how normal it becomes. Can't understand, can't imagine. That's what every soldier, and every journalist and air worker and independent observer who has put in time under fire, and had the luck to elude the death that struck down others nearby, stubbornly feels. And they are right.
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Exception made for Europe today, which has claimed the right to opt out of war-making, it remains as true as ever that most people will not question the rationalizations offered by their government for starting or continuing a war. It takes some very peculiar circumstances for a war to become genuinely unpopular. (The prospect of being killed is not necessarily one of them.) When it does, the material gathered by photographers, which they may think of as unmasking the conflict, is of great use. Absent such a protest, the same antiwar photograph may be read as showing pathos, or heroism, admirable heroism, in an unavoidable struggle that can be concluded only by victory or by defeat. The photographer's intentions do not determine the meaning of the photograph, which will have its own career, blown by the whims and loyalties of the diverse communities that have use for it.
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Videos de Susan Sontag (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Susan Sontag
Nous sommes au printemps 1976. Sigrid Nunez, 25 ans, sonne à la porte de Susan Sontag, 43 ans, pour l'aider à répondre à la pile monumentale de courrier reçu du monde entier pendant son hospitalisation. Sigrid découvre un vaste penthouse lumineux, aux murs blancs et nus. Peu de meubles, un chien, et une pièce stratégique, la chambre bureau de Susan, où trône une énorme machine à écrire IBM Selectric. L'une réfléchit et dicte, l'autre tape et capte.
Trente ans plus tard, Sigrid Nunez, devenue à son tour une grande écrivaine, livre son témoignage. Elle raconte l'extraordinaire vitalité de Susan, sa curiosité, son énergie inépuisable. Amie et modèle à la fois, Susan est le mentor dont rêve tout apprenti écrivain. Un portrait fin et inattendu, dans l'intimité de l'une des plus audacieuses intellectuelles américaines du XXe siècle.
Sempre Susan » de Sigrid Nunez Traduit de l'anglais (États-Unis) par Ariane Bataille
+ Lire la suite
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