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Critique de Foufoubella


« On ne dit pas chasse aux sorciers. Il existe une expression dans la langue française où le masculin ne l'emporte pas, c'est la chasse aux sorcières. C'est étrange, quand on y pense. »

Cette citation, tirée du début du livre, résume parfaitement à mon sens l'essence même de ce roman. Mais est-ce bien un roman quand on y regarde de plus près ? Certes, la couverture indique bien ce terme mais après l'avoir lu, et déjà en cours de lecture, je me dis que ce n'est pas totalement approprié, le terme d'autofiction se révélant bien plus juste, ce livre se trouvant à mi-chemin entre la fiction et l'essai, en sus d'une bonne dose d'autobiographie.

Isabelle Sorente, sous couvert d'une enquête historique sur les chasses aux sorcières ayant eu lieu dans nos contrées au cours des siècles derniers – à la Renaissance pour être plus précis – se raconte. Elle ou sa narratrice, un mix des deux certainement. Ouvrage empreint de féminisme, on ne va pas se mentir, la narratrice nous parle des brimades infligées aux femmes, exemples à l'appui, au cours des siècles, ayant pour conséquence d'être profondément ancrées dans la mémoire collective et d'influencer, de fait, les réactions et comportements des femmes à travers le temps. Comment des années de persécution à une époque si lointaine peuvent-elles encore avoir autant de répercussions chez la femme moderne d'aujourd'hui? A bien des égards, quoique dans une forme différente, ce livre m'a fait penser à celui de Clarissa Pinkola Estés, « Femmes qui courent avec les loups », qui trône sur ma table de chevet depuis plusieurs années et que je feuillette à l'occasion.
Car il s'agit bien ici de redonner sa nature première à la femme, soit lui permettre de (re)devenir une femme forte, indépendante et confiante.

Si vous cherchez une histoire de sorcières avec un début, un milieu et une fin, vous feriez mieux de passer votre chemin car c'est à un travail fourni et minutieux, fruit de nombreuses heures de recherches et de sueur, auquel vous aurez affaire ici. Car Isabelle Sorente, même si elle s'intéresse au genre humain au sens large, particulièrement aux femmes, s'adresse aussi avant tout à elle-même et à toutes les filles qu'elle a été, ainsi qu'aux femmes de sa famille. Un livre que l'on pourrait qualifier d'universel, certes, mais qui est aussi terriblement personnel. Elle parle de sa vie, de ses enfance et adolescence, des brimades subies, du harcèlement scolaire dont elle a fait l'objet, du travail psychanalytique de longue haleine débuté au début de sa vie active et poursuivi depuis. Une catharsis sous forme de témoignage(s)

J'ai trouvé le livre globalement très intéressant et riche en enseignements, même si j'ai pu le trouver parfois quelque peu confus voire fouillis, mon intérêt ayant légèrement décliné vers sa moitié, pour être ensuite reboosté par une dernière partie qui m'a beaucoup plu. Ce que je retiendrai avant tout ce sont les questionnements qu'il m'a obligée à me poser, je sentais alors comme une sorte de tiraillement au creux du ventre comme s'il avait – peut-être – touché un point sensible chez moi, en moi.
C'est un livre que beaucoup pourraient qualifier de « bavard », estimant que les tourments passés d'une adolescente devenue une adulte de presque 50 ans n'avaient plus lieu d'être. Pour ma part, j'estime que si elle a pu trouver des réponses à un mal-être récurrent, et ainsi pouvoir aider aussi d'autres personnes, c'est que son pari est gagné.

L'écriture est soignée mais reste abordable. Pour ceux qui auraient peur de se lancer dans ce genre d'ouvrage, vous pouvez le lire comme le récit d'une personne qui vous rapporterait un témoignage. La compréhension reste fluide malgré les quelques digressions.

En résumé, un livre qui fait réfléchir, riche en recherches historiques, et qui amène une réflexion intéressante et intelligente sur la sorcière qui se trouve en chacun de nous. Un livre sur la mémoire familiale, les secrets que nous portons en nous, parfois de manière intergénérationnelle sans en avoir conscience. Plusieurs courants de pensée (psych)analytiques sont représentées, libre à chacun d'approfondir le sujet, ou pas. Pour ma part, je ne sors pas totalement indemne de cet ouvrage, la réflexion demeure après avoir tourné la dernière page. Et une question me hante : chaque femme n'est-elle pas, après tout, une sorcière comme les autres ?
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