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Critique de Charybde2


Délire scientifico-littéraire en Sibérie, fable politique et pornographique, son 1er chef d'oeuvre

Surdoué provocateur, bête culturelle, poly-artiste, Sorokine est tout ça. « le lard bleu », son second roman, publié en 1999, est son premier vrai passage à l'acte, après la déclaration d'intention réussie de "Roman" en 1994.

En 2068 en Sibérie, un groupe de scientifiques russes parvient à produire une très mystérieuse substance aux incroyables pouvoirs, le « lard bleu » à partir du corps des clones de sept grands de la littérature russe (Tolstoï, Tchekhov, Nabokov, Pasternak, Dostoïevski, Akhmatova et Platonov). Détourné par les services spéciaux, le « lard bleu » est confié à une machine à remonter le temps pour intervenir en 1954 dans les tractations de l'époque entre Staline, Krouchtchev et Hitler...

Témoignant de la stupéfiante maîtrise de l'histoire littéraire russe dont dispose l'auteur, également grand hommage à Rabelais, ce roman lui valut d'emblée d'être poursuivi pour pornographie – et d'avoir jusqu'à aujourd'hui encore de gros soucis avec le régime de Vladimir Poutine...

"Le 2 janvier 2068
Salut, mon petit. Mon lourd garçon, ma tendre salope, mon top-direct divin et abject. Me souvenir de toi a quelque chose d'infernal, rips laowai, c'est lourd au sens propre du terme.
Et dangereux – pour les rêves, pour la L-harmonie, pour le protoplasme, pour mon skand-chi, pour mon V-2.
A l'époque où je me trouvais à Sydney, chaque fois que je m'insérais dans la circulation, je m'adonnais déjà au souvenir. Tes hanches qui luisent à travers la peau, ta familière tache de «moine», ton tatoo-pro de mauvais goût, tes cheveux gris, tes jingji secrets, tes chuchotis salaces : embrasse-moi aux ETOILES !
Mais non. Ce n'est pas un souvenir. C'est mon brain-yueshi provisoire, grumeleux, plus ton minus-posit purulent. C'est un sang vieux qui coule en moi. Mon Heilong Jiang fangeux sur la berge limoneuse duquel tu chies et tu pisses.
Oui. Malgré mon Stolz-6 foncier, sans toi la vie de ton AMI est pénible. Sans coudées franches, sans gaowan, sans anneaux. Sans le cri final et le piaulement d'un lièvre : Wo ai ni !
Rips, je te croquerai. Quand ça ? OK. Top-direct.
Ecrire des lettres à notre époque est un travail épouvantable. Mais tu connais les conditions. Ici, tous les moyens de communication sont interdits, hormis les pigeons voyageurs. Des paquets nous parviennent à l'occasion, enveloppés dans du W-papier vert. On les scelle avec de la «cire à cacheter». Une belle expression, n'est-ce pas, rips ni ma de ?
Les AEROTRAINEAUX, c'est pas mal non plus. On m'y a baratté six heures durant depuis Atchinsk. le diesel vrombissait comme ton clone-fighter. On avançait sur une «neige très blanche».
«L'Orient-Sibérie est grand», dit Fan Mo. "

Que le lecteur inquiet se rassure : l'énorme majorité des bizarres termes de russo-chinois utilisés dans les lettres des ingénieurs bénéficie d'abondantes notes de bas de page et de lexiques...
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