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Critique de domi_troizarsouilles


Pour commencer, je remercie Babelio et les éditions Scrineo de m'avoir donné l'occasion de découvrir ce livre bien intéressant, dans le cadre d'une Masse critique privilégiée. Je dois dire, avant même d'entrer dans le livre, que j'ai été interpelée par le papier qui accompagnait l'envoi : Scrineo présente ce livre comme le premier de sa nouvelle collection SF, et souligne que, selon eux, le genre est historiquement destiné à un public masculin adulte ; ainsi, leur but avec cette nouvelle collection est de toucher un lectorat plus jeune et plus féminin.
Vraiment ? En réalité, je ne suis pas une grande spécialiste de la SF ! Même si je m'intéresse de plus en plus aux diverses littératures de l'imaginaire, et malgré le fait que j'ai lu autrefois (il y a 30 ans, voire plus, pour situer…) le tome 1 de Dune, dont j'ai le souvenir que j'avais adoré, ou quelques Asimov dont je n'ai pas le moindre souvenir, je n'ai jamais eu l'impression d'être délaissée, moi qui étais donc une jeune fille à l'époque, c'est-à-dire le public-cible de cette nouvelle collection de Scrineo aujourd'hui... Cela dit, il y a 30-35 ans, la littérature « jeunesse » tout court, hors toute considération de genre, n'en était qu'à ses balbutiements ; on passait de la bibliothèque rose (pour les filles et gnangnan) ou la bibliothèque verte (pour les garçons, plus « musclée » mais tout aussi classique) à une littérature « pour adultes », où l'imaginaire n'était encore que peu diffusé, si ce n'est quelques classiques (c'est quand même là que j'avais découvert Tolkien, qui n'est certes pas de la SF, et les deux précités) – du moins dans les quelques bibliothèques que je fréquentais alors assidument. Dès lors, cette prétendue forme d'ostracisme envers les jeunes femmes dès lors qu'il s'agit de SF, ça ne m'a absolument pas marquée !

Tout cela pour dire que, en effet, ce livre semble s'inscrire dans une certaine ligne… mais la presque-vieille femme que je suis devenue n'y est plus trop sensible, et je me suis toujours méfiée d'un féminisme exacerbé – qui, à mon sens, dessert la cause des femmes bien davantage qu'il ne la favorise, mais c'est un autre débat ! Quoique…
Dans ce roman, on nous raconte donc l'histoire de Kat, physicienne de génie en interdiction d'exercer, à la suite d'un accident de labo que les juges ont transformé en homicide involontaire – histoire de protéger, sans doute, le véritable coupable, issu d'une famille riche et puissante. Nous sommes dans un futur assez lointain, le système solaire entier est colonisé et habité… sauf Jupiter, éternellement indomptable et déclarée inviolable, si bien que la planète maudite ne fait plus l'objet d'aucune recherche officielle. Or, depuis toujours, le frère jumeau de Kat, Pavel, est passionné par la géante gazeuse – ce frère dont elle était si proche, mais de qui elle n'a plus aucune nouvelle depuis trop longtemps. Elle le soupçonne d'avoir rejoint l'Amas, un monde en soi, assemblage hétéroclite des différents vaisseaux rejetés au cours du temps par l'atmosphère violente et impénétrable de Jupiter, comme autant de débris liés les uns aux autres. C'est là que se retrouvent, organisés en une société interlope mais bien fonctionnelle, tous ceux qui veulent oublier leur passé quel qu'il soit. En outre, c'est de cet Amas que part une course illégale mais très renommée, à laquelle Kat est persuadée que son frère a participé, lui le pilote émérite. Ainsi, elle la fragile scientifique, forte de son intelligence hors du commun qu'elle ne peut pourtant dévoiler, rejoint l'Amas afin de retrouver coûte que coûte ce frère qui lui manque terriblement, et à qui elle se sent liée, elle croit même régulièrement l'entendre dans sa tête…

On se retrouve ainsi dans un monde que j'ai trouvé réellement bien construit. J'ai été assez impressionnée par le travail de documentation de l'autrice sur certains sujets abordés dans ce livre, comme par exemple tout ce qui concerne les recherches en physique autour des différentes planètes et notamment de Jupiter, ou bien les avancées les plus pointues en matière d'intelligences artificielles – je suis bien incapable de dire si c'est réel et dès lors vraiment bien documenté, tout en étant présenté de manière tout à fait compréhensible pour le lecteur néophyte dans ces domaines, ; ou si c'est mêlé, et alors jusqu'à quel point, d'éléments imaginaires. Dans tous les cas, c'est très réussi et ça fait mouche !
Par ailleurs, la société qui s'est créée sur l'Amas est aussi très riche, très bien construite, malgré ce qui ressemble à des incohérences – mais c'est davantage de l'ordre d'un choix de l'autrice, je pense, qu'une réelle inattention dans la description de ce monde. Pour citer un exemple : on est surpris d'apprendre qu'il y a une prison dans cette pseudo-société qui rassemble pourtant un grand nombre de malfrats qui ont réussi à s'échapper de leurs mondes d'origine ; bien sûr tous sont plus ou moins pourris, plus ou moins achetables, et on y rencontre des personnalités qui jouissent d'une grande liberté et influence sur tout ce petit monde, mouais… et pourtant on accepte, car ça participe à l'ambiance générale !

Ce qui m'a paru le plus flagrant, en revanche, et qui m'aurait peut-être carrément dérangée si je n'avais pas été, en quelque sorte, prévenue par le papier de Scrineo, c'est effectivement un certain féminisme, pas excessif mais bien affiché. En effet, si la société est relativement égalitaire (les hommes et les femmes sont susceptibles d'exercer les mêmes métiers, par exemple), la grande majorité des personnages sympathiques sont des femmes, tandis que la majorité des hommes sont grossiers, brutaux, moches et évidemment sexistes ! Ou bien, si par miracle ils sont plus raffinés (je pense à Lofti), alors ils sont limite l'incarnation du mal ! Même Pavel, ce cher Pavel qui est omniprésent malgré son absence, n'est pas décrit sous son meilleur jour, lui qui a abandonné sa soeur jumelle sans laisser la moindre adresse… Et puis on dira que ce sont les hommes qui font les clichés ? Heureusement quelques hommes sauvent tout juste le tableau : Ador et sa sympathie bourrue malgré son machisme, ou Mirov et sa bonhommie bienveillante malgré un abord peu engageant, mais c'est bien faible !

Quant aux femmes… Kat est indéniablement la personnage principale, mais je ne peux pas dire que je me sois attachée à elle. Tout féministe que soit le message de l'autrice, elle nous présente là un personnage assez stéréotypé : la femme intelligente qui a toujours dû se battre pour faire sa place, mais toute petite de taille et physiquement fragile, soi-disant avec un mental d'acier mais qui peine à convaincre… et avec ça, je trouve qu'elle n'évolue pas vraiment, elle est complètement enfermée dans son obsession à retrouver son frère, ce qui m'a semblé un peu léger, soit dit en passant. L'autrice joue sur cette relation tellement particulière, forte et même indicible qui peut exister entre deux jumeaux, soit… mais c'est poussé à un extrême qui ne m'a jamais semblé tout à fait crédible, et à la limite du capricieux pour Kat, tandis que son frère a réussi à s'émanciper de cette complémentarité innée pour vivre ses rêves, alors qu'elle y reste accrochée comme une sangsue à une chimère.
Son improbable et nouvelle amie, Jaspe, mécanicienne hors pair éminemment respectée sur tout l'Amas, est beaucoup plus intéressante, à tous points de vue – avec son caractère plus fort, certainement dominant même ; son détachement face à toutes choses ; tout le mystère qui plane autour d'elle… et bien sûr, le fait qu'elle va aider Kat dans sa quête, ce qui la rend de plus en plus proche du lecteur, jusqu'à deviner, bien avant Kat, qui elle est réellement ! Mais je vous laisse la surprise, je ne vais pas divulgâcher ici…

Mais donc, malgré ces quelques défauts çà et là, notamment une certaine faiblesse narrative dès qu'il s'agit de la personnage principale, mais la nettement plus grande richesse de notre personnage secondaire n° 1, on entre facilement dans ce roman qui prend peu à peu des allures de page-turner. Les quelques longueurs – c'est un très gros livre, qui aurait sans doute pu être quelque peu élagué – sont compensées par une écriture très fluide et, comme je le disais plus haut pour ce qui concerne les aspects plus scientifiques notamment, tout à fait abordable. L'intrigue est assez linéaire : on va d'un point A à un point B, et quand c'est résolu, on passe au suivant, et ainsi de suite jusqu'au but final ; mais il y a néanmoins une tension constante et pas mal de rebondissements, ce qui permet d'avancer. Bravo aussi pour les descriptions des courses notamment : c'est très visuel, et avec quelques souvenirs de mes très chers « Star Wars », on parvient à se représenter les choses sans difficulté et avec bonheur !
Sans la dévoiler outre mesure, on dira que la finale, qui nous emmène enfin sur Jupiter, pousse très loin les concepts développés jusque-là de la science-fiction et, si tout s'explique, je n'ai pas tout à fait été convaincue… par chance, l'épilogue boucle la boucle de façon glaçante et bien efficace !
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