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Critique de Lucilou


Je referme "Angélus" quelques heures à peine après l'avoir commencé.
C'est que le drôle se lit vite: l'écriture- fleurie, riche de vocabulaire et de tournures médiévales, ou du moins tel que notre 21°siècle s'imagine le parler de l'époque- est fluide et coule comme source, les chapitres -plutôt brefs- s'enchaînent et s'achèvent sur l'esquisse de rebondissements à venir... Il y a du roman feuilleton dans ce Nom de la Rose occitan et c'est réjouissant!
Voyons le propos de plus près: nous sommes en 1165 entre Narbonne, Toulouse et Carcassonne. A cette époque, les seigneurs du sud de la France -qui n'était pas encore la France que l'on connaît- se déchiraient et entraînaient parfois dans ces querelles de pauvres serfs devenus soldats, l'Eglise de Rome tentait de conserver son hégémonie sur l'Europe mise à mal par l'avènement d'hérésies qui attiraient de plus en plus de fidèles malgré les sanglantes répressions dont elles étaient victimes. Et, pauvre Eglise, hein, elle devait aussi faire face aux nobles qui lui disputaient le pouvoir et aux querelles internes, intestines qui pourrissaient les relations entre clergé séculier et régulier... Vanitas, vanitatum: si tout est vanité, tout est politique et soif de pouvoir aussi...
"Angélus" prend donc corps dans cette époque pour le moins troublée et s'ouvre sur une macabre découverte prompte à terroriser les esprits même les plus forts: au sommet d'un arbre gît un ange. La vision aussi séraphique qu'apocalyptique se dévoile enfin. C'est un homme, dans l'arbre. Un homme mort, qu'on a vêtu de blanc et qu'on a torturé: ses ailes sont celles d'une oie qu'on lui a accroché dans le dos à l'aide d'une fourche...
La victime est l'un des compagnons du tailleur de pierre Jordi de Cabestan et travaillait avec ce dernier sur la sculpture en haut relief d'un sarcophage destiné à recueillir les reliques d'un saint pour leur abbaye.
L'affaire est grave autant qu'effrayante et rapportée aux oreilles des puissants de la région. Pour mener l'enquête, on dépêche un jeune chevalier, fraîchement adoubé -Raimon de Termes- encore naïf. Jordi de Cabestan se lance aussi dans la résolution de ce meurtre et ils ne seront pas trop de deux. En effet, bientôt c'est un second ange qu'on retrouve, dans une abbaye voisine et la victime est encore un tailleur de pierre... Les recherches piétinent, tardent... Les abbayes sont des lieux qui recèlent bien des intrigues et des secrets et qui ne laissent personne s'en mêler... Elles sont aussi le théâtre de tractations politiques qui feraient rougir le très haut au moins autant que ce pauvre Raimon qui découvre dans quel panier de crabes on l'a jeté... A toute bonne enquête enfin, il faut un bouc émissaire: ce seront les cathares, de plus en plus nombreux. C'est ainsi que nous croiseront la route d'Aloïs de Malpas, qui prendra aussi les grands chemins pour disculper les siens.
Les personnages sont travaillés, attachants. le contexte, enfin, est parfaitement maîtrisé: on sent que François-Henri Soulié s'est plongé dans la documentation et il en extrait assez de matière pour nous transporter au XII°siècle, qu'il s'agisse de vie quotidienne, religieuse ou politique. le tout ajouté à une intrigue diaboliquement addictive, bien mené (on sent l'homme de théâtre!) et parfois inquiétante donne un excellent roman qui s'inscrit dans la lignée du merveilleux livre d'Umberto Eco "le Nom de la Rose".
Alors, certes, nous n'échappons pas à quelques poncifs du genre: le moine simplet au coeur pur, l'abbé terriblement inquiétant, l'apothicaire en avance sur son temps, les "bons" cathares, l'incendie, l'amour des livres... Mais ils sont employés à bon escient et le mélange (alchimique) reste bien dosé.
Autant de raisons de ne pas bouder son plaisir et frissonner quand on entendra sonner l'angélus ou quand on croira voir des anges se balancer dans les arbres du jardin.
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