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Ben je me suis régalée avec ce polar médiéval ! Dès la scène d'ouverture, grandiosement macabre, j'ai été happée : à l'heure matinale où sonne l'angélus, un serf, levé tôt, croit voir un ange accroché à un arbre ; il se prosterne jusqu'à comprendre que cet ange a les ailes qui saignent et qu'il est mort ... Juste un pauvre homme en fait, à qui le tueur a cloué des ailes d'oie.

Le XIIème siècle est magnifiquement restitué avec une intrigue solidement ancrée dans le terroir occitan, entre Narbonne et Carcassonne : fanatisme religieux, catharisme, fonctionnement des institutions politiques et religieuses, art de la taille de pierre, quotidien populaire, autant de thèmes parfaitement maitrisés et réinjectés sans lourdeur dans la trame policière. L'écriture est soignée, joliment teintée de langage médiéval. Les dialogues sont très réussis , notamment lors des joutes oratoires faussement feutrées entre l'archevêque de Narbonne et l'abbé de la Grassa ou celles entre ce même abbé et les nobles locaux qui montent en puissance face à une Eglise catholique qui veut conserver sa mainmise sur la société.

La très bonne idée est d'avoir confié cette quête du tueur à un trio de personnages très différents, aux desseins contradictoires, qui représentent très pertinemment la société occitane de ses années 1165 : Raimon de Termes, jeune noble fraîchement adoubé, mandaté par les autorités locales ; dame Aloïs, femme cathare issue du peuple qui est chargé de disculper les siens, boucs émissaires faciles dans ce contexte de montée du catharisme, secte dissidente du catholicisme officiel, fascinée par la pureté évangélique ; le maitre tailleur de pierre Jordi de Cabestan ( largement inspiré du Maître de Cabestany, un des plus grands sculpteurs médiévaux ) qui veut venger la mort des compagnons de son atelier. Les péripéties de l'enquête accompagneront leur cheminement intérieur.

Forcément, entre la toile de fond des rivalités intestines au sein du christianisme et le décor d'une abbaye où surviennent des crimes odieux dans une ambiance paranoïaque et mystique, on pense au Nom de la rose, chef d'oeuvre du genre, d'Umberto Eco. Et cet Angélus soutient la comparaison sans rougir. François-Henri Soulié a fait le choix d'un roman moins érudit, moins philosophique, pour privilégier une intrigue policière particulièrement retorse et bien rythmée. Quelques facilités scénaristiques pour introduire le tueur sur la fin n'ont en rien gâché mon plaisir.

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Un vrai régal que cet « Angélus » de François-Henri Soulié ! Premier roman de cet auteur que je lis, c'est une vraie découverte. Cela fait longtemps que je ne m'étais pas plongée dans un vrai polar historique. Et bien je ne suis pas déçue de retrouver ce genre littéraire, ce fut un pur bonheur ! 520 pages en poche tout de même, un pavé que je n'ai pas lâché du début à la fin.

Nous voici parachuté au Moyen-âge, en l'An de grâce 1165 en terre d'Occitanie.
Premier meurtre : un ange accroché dans un arbre. le mort a été supplicié puis déguisé. D'autres vont suivre dans une macabre mise en scène « de cadavres angéliques ». Particularité des victimes : ce sont tous des ouvriers qui travaillaient pour l'atelier de Jordi de Cabestan, tailleur de pierre. La panique se répand au sein de l'atelier mais également dans les abbayes dans lesquelles travaillent les ouvriers. Certains y voient la main du Diable, d'autres n'hésitent pas à accuser les cathares, cette nouvelle « secte » qui prétend représenter « les vrais Chrétiens », ceux-là même que l'église nomme les hérétiques.

De Narbonne à Carcassonne, trois personnages principaux vont se lancer dans la recherche de l'assassin : Raimon de Termes, jeune noble nouvellement adoubé chevalier, missionné par l'église ; Jordi de Cabestan veut venger ses compagnons ; face à eux, Aloïs de Malpas désignée par les Cathares afin de les disculper de ces crimes. Tous trois vont mener l'enquête chacun de leur côté pour faire éclater la vérité mais également se battre pour défendre leurs croyances.

Quel plaisir j'ai eu à me lancer dans cette lecture : c'est peu de dire que j'ai dévoré ce roman.

François-Henri Soulié nous happe littéralement dans cette époque du moyen-âge en nous entraînant dans un suspense que l'on suit sans lever les yeux afin d'en connaitre le plus rapidement le dénouement. Sa force est d'employer une écriture fluide très détaillée mais facile à lire tout en utilisant également un vocabulaire faisant référence au langage médiéval. Outre l'intrigue, «Angélus » est également très enrichissant d'un point de vue historique car il nous plonge au sein de ce XIIème siècle notamment marqué par la guerre que va lancer l'église catholique contre les cathares (qui s'achèvera avec l'extermination totale de cette religion naissante….. et oui quelle que soit l'époque rien ne change !), ainsi que dans cette lutte de pouvoir entre l'église de Rome, les abbayes et les différents seigneurs féodaux du Sud de la France (époque où intrigues riment la plupart du temps avec violence…).

En conclusion, roman captivant de bout en bout rempli de rebondissements mais également riche en enseignement, qui n'est pas sans rappeler le magnifique « Nom de la rose « d'Umberto Eco mais également la saga de Ken Follet « Les piliers de la terre ». Une très belle surprise pour ma part.
Sorti directement en 10/18, n'hésitez pas : pour tous les amoureux des polars historiques c'est à lire absolument et urgemment car lorsque littérature rime avec autant de plaisir de lecture, il faut foncer.
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Me voilà encore cafardeuse, comme toujours quand je referme un roman que j'ai ADORE. Oui, je me sens orpheline de cette histoire se passant en Occitanie, dans la région de Carcassonne. Abbayes, Cathares, Moyen-Age…tout me plait !

L'histoire est passionnante et rebondit continuellement, il s'agit d'un polar, finalement. Des cadavres sont découverts avec des ailes attachées au dos, mis en scène pour figurer des anges morts. Raimon de Termes, dont le parrain est le fameux Raymon de Trencavel est chargé par l'archevêque de traquer l'assassin. de l'abbaye de la Grassa à l'abbaye St Hilaire, en passant par Narbonne, tout nous mène aux Cathares et à la belle et sage Aloïs, mais aussi à l'Eglise catholique cupide et avide de pouvoir. L'imagier/ sculpteur sur pierre Jordi de Cabestan est particulièrement touché par les meurtres, et participera lui aussi à l'enquête qui nous conduira aux confins des bassesses humaines.

L'auteur manie la plume de manière éblouissante, son style imagé et rempli de tournures médiévales est savoureux. La façon de vivre des riches, des moines, des Cathares est mêlée à la description des paysages magnifiques de cette région que j'affectionne particulièrement.

Je ressors enchantée et comme je l'ai dit, le vague à l'âme. Une solution ? Deux, plutôt : lire encore un roman de cet auteur, et donc le tome 2 de la trilogie « Occitania » ; et réserver mes vacances au pays cathare !
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Voyage dans le temps avec cette saga à la Ken Follet signée François-Henri Soulié. Fin du XIIème siècle, les esprits bouillonnent dans le Sud de la France entre Carcassonne et Narbonne.
L'auteur nous livre une peinture très réaliste des enjeux économiques et sociaux de la société de l'époque qui s'invente. D'autant plus réaliste qu'elle est servie par des personnages hors du commun.
L'église a de plus en plus de mal à maintenir son contrôle sur la société. La noblesse rurale lui dispute son pouvoir. Les abbayes se font concurrence. Des catégories sociales nouvelles émergent, tailleurs de pierre, bistrotiers, artisans, qui veulent aussi s'affranchir des dogmes de l'église et des obligations imposées par la noblesse.
Chacun des personnages du roman porte les certitudes, les interrogations et les doutes de sa communauté.
C'est dans ce contexte que vont naitre les Cathares considérés comme hérétiques par Rome. Au sein de ce mouvement on trouve Enric de Malpas et sa femme Aloïs, des tisserands :
« Enric en est revenu fort meurtri de l'anathème lancé contre eux par le redoutable archevêque d'Arsac parlant au nom du pape. le prélat a même usé à leur égard d'un mot inconnu pour désigner leur prétendue infamie : catharos . C'est, paraît-il, une invention d'un évêque allemand, Eckbert de Schönau. Ce suppôt de la papauté a écrit un traité intitulé Sermones contra catharos , rédigé à l'encontre d'autres communautés chrétiennes semblables à la leur, au-delà du Rhin.
Au retour d'Enric à Narbonne, tous ont été troublés par le récit qu'il leur a fait de cette entrevue de Lombers. Il leur a expliqué que catharos signifie « pur » dans la langue grecque, mais que, dans la bouche de l'archevêque, cela sonnait comme un mot de dérision et de mépris. »
Les doutes sont aussi du côté de la noblesse, le chevalier fraîchement adoubé Raimon de Termes s'interroge : « Il y a trois jours de cela, au matin de son adoubement, il a juré de protéger l'Église. Mais quelle Église ? Celle de cet archevêque pétri de vices, infatué de son rang et ennemi déclaré des pauvres ? Celle encore de ces moines orgueilleux, félons et corrompus ? »

Entre Arnaud de Fabreza le seigneur de la région, et Mgr Pons d'Arsac l'archevêque de Narbonne, le courant ne passe pas :
« — Et l'Évangile ne nous enseigne-t-il pas à aimer les pauvres ?
— Certes, réplique l'archevêque en pinçant les lèvres, mais l'Évangile fut écrit en un temps où les pauvres se tenaient à leur place. »

Autour d'Aloïs et Enric, les certitudes sont réelles : «— Hérétiques est le nom que nous donnent les serviteurs du pape, mais nous sommes les serviteurs de Jésus. Nous sommes les Vrais Chrétiens. » , et on pose les bonnes questions : « J'ajoute que cette religion ne demande rien, ne veut rien posséder et ne prélève pas de dîme. On peut aisément comprendre que de tels arguments parlent aux simples et aux pauvres. Et voyez quel avantage cela représente pour la noblesse ! Tout l'intérêt des seigneurs est de n'être plus inféodés à Rome. Cela, l'Église catholique ne le tolérera jamais. »

Parfois, les points de vue se rapprochent comme autour de l'Abbaye de Saint Hilaire,
« — Pour tout dire, l'abbaye a vu diminuer ces derniers temps le nombre des pèlerins. Ce bon Hilaire semble quelque peu tombé en désamour. Notre ami, l'abbé Deltheil, a pensé qu'il était nécessaire de ranimer l'engouement pour la vénération des reliques en invitant le saint martyr dans ses murs. Je l'ai encouragé dans cette visée.
— Sage décision. Les cendres du premier évêque toulousain à Saint-Hilaire, voilà qui renforcera l'abbaye et rabattra les prétentions du comte de Toulouse.
Décidément on ne peut rien cacher à l'archevêque. Il est aussi fin politique qu'homme d'Église avisé. »

Parfois, la lutte est féroce au sein même des abbayes. A l'Abbaye de la Grassa, la succession de Maître Robertus est au coeur des discussions :
« — Je croyais que votre abbé avait désigné frère Diego comme successeur.
— Oh ! oui, oui. Robertus a fort bien préparé sa succession, et avec la plus grande sagesse. Mais ce sera quelqu'un d'autre qui lui succédera et non pas celui qu'il a imaginé.
— Comment pouvez-vous être aussi péremptoire en ce qui concerne un sujet tellement hasardeux ?
— Il n'y a rien de hasardeux dans les rouages d'une abbaye. Il peut survenir un accident, oh ! oui, oui. Mais point du tout de hasard… »

Mestre Béneset l'apothicaire a rejoint le mouvements des vrais chrétiens, son point de vue est toutefois plus nuancé que ceux du couple de tisserand, il est un scientifique :
« La demeure de mestre Béneset est une caverne aux mille senteurs. Dans la vaste pièce du premier étage où il reçoit ses hôtes, d'innombrables bouquets ont été mis à sécher, pendus aux solives, créant une sorte de jardin à l'envers où les plantes pousseraient tête en bas. D'innombrables boîtes et coffrets, disposés sur les meubles à étagères qui tapissent les murs, répandent les parfums de toutes les épices, les résines, les encens et les graines connus sur la terre. Auprès des boîtes sont d'autres récipients, pots de céramique ou fioles de verre, marqués d'inscriptions en langue grecque, latine ou arabe, indéchiffrables pour le profane. »

Jordi de Cabestan le tailleur pierre entend rester fidèle à son art quelque soient les circonstances : « Dès demain il se mettra à son véritable ouvrage : la sculpture en haut-relief d'un sarcophage destiné à contenir les restes de saint Sernin. Cet édifice constituera le maître-autel de l'abbatiale. Ce sera aussi le chef-d'oeuvre du sculpteur, l'aboutissement de toute une vie besogneuse passée à dialoguer avec la pierre. »

Au sein des abbayes, le débat fait rage sur les représentations religieuses et les images que les artistes en font : « Et que pouvions-nous faire, pauvres moines démunis, face à la puissance de ces abbés tout dévoués à leur propre gloire ? Nous sommes devenus la risée de nos chapitres qui ne voyaient en nous que les survivants d'un passé révolu. Partout, dans nos monastères, nous avons vu ces bruyants imagiers venir troubler le cours de nos méditations à grands coups de marteau et défigurer les maisons de Dieu par leurs images impies… »

La saga de François-Henri Soulié peut paraître longue (500 pages) mais elle n'est jamais fastidieuse, explorant via les personnages tous ce qui constitue la société de l'époque.
Les illustrations sont nombreuses et précises, « Ce matin, ce sera une purée de panais agrémentée d'un morceau de poisson fumé. Dans les maisons des Vrais Chrétiens, la viande est proscrite. Seul le poisson est autorisé en souvenir du miracle accompli par Notre-Seigneur sur le lac de Tibériade. Hors cette exception, on ne saurait faire ripaille de l'agonie d'un animal. Pas plus qu'on n'oserait répandre la moindre goutte de sang humain en bravant l'interdit du sixième commandement transmis par Moïse. »
L'humour n'en est pas absent : « En latin, cela s'appelle petroleum . Il m'a été rapporté d'Orient par un homme qui avait suivi la dernière croisade. Hélas ! je n'en possède qu'une amphore bien petite et il ne serait pas très sage de susciter une nouvelle croisade sous le seul motif d'aller nous approvisionner en petroleum ! »

Le fil conducteur est l'enquête que mènent chacun de leur côté Raimon, Jordi et Aloïs, pour débusquer l'assassin qui vise les compagnons tailleurs de pierre. Comme souvent la question qu'ils se posent est « à qui profite le crime. » ?

Angelus est un ouvrage agréable et facile à lire. Il nous plonge dans une période de l'histoire qui se terminera par la tragédie des Cathares.
Ouvrage intéressant et à lire.
Gageons que François-Henri Soulié écrira une suite à Angelus.
Lien : https://camalonga.wordpress...
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François-Henri Soulié est un homme de théâtre aux multiples casquettes, écrivain, comédien, marionnettiste, scénographe, metteur en scène et scénariste. Il a reçu le Prix du premier roman du festival de Beaune en 2016 pour « Il n'y a pas de passé simple », paru aux éditions du Masque.

On avait adoré « Il n'y a pas de passé simple » premier volet des trépidantes aventures du journaliste Skander Corsaro ainsi que le présent n'a plus le temps, le troisième volet héros journaliste malicieux et narcoleptique et de Tonio son ami d'enfance, un ferrailleur drôlement gay.

Passionné d'Histoire François-Henri Soulié met un peu de coté Skander Corsaro pour livrer un roman- un inédit en grand format qui sort directement en poche chez 10/18- particulièrement ambitieux avec Angélus, une intrigue cette fois implantée au XIIème siècle, autour de la "secte" des Cathares.

Cette plongée autour des Cathares, secte dissidente de l'église catholique, qui sont un peu les ancètres des protestantq , avec une vraie fascination pour la pureté évangéliste. Il situe son intrigue dans son Occitanie bien aimée - "territoire passionnant d'échanges et de mixages culturels".

C'est en effet en 1165, dans des abbayes qui servent de décor à de macabres mises en scène, que se déroule l'action de son nouveau livre, un "road movie médiéval" selon ses propres dires. S'y entrecroisent trois enquêteurs aux desseins contradictoires : pour investiguer sur les crimes, Raimon de Termes mandaté par l'Église de Rome, et Aloïs de Malpas, une "femme du peuple" désignée par les "hérétiques" cathares ; et pour venger ses amis suppliciés, le tailleur de pierres Jordi de Cabestan.
Marchant fidèlement dans les traces du Umberto Eco du Nom de la rose, mais en creusant un sillon personnel plus fantaisiste, Soulié tisse le destin croisé de trois protagonistes principaux, liés par des évènements crapuleux sur fond de catharisme, en soulignant l'influence des hérétiques dans le sud de la France, dans un contexte propice à la réflexion et une intrigue haletante.
Angélus bénéficie comme atout important de protagonistes principaux attachants, notamment le héros Raimon de Termes, fin limier dans son enquête et ambiance paranoïaque et mystique fortement bien troussée Francois Henri Soulié compose un univers médiéval précis et sophistiqué, dans une prose "moyenâgeuse" idoine

Un polar historique qui permet aussi de mieux comprendre notre monde d'aujourdhui, notamment dans la description des rapports de soumission et de domination , à découvrir en poche, mais avec 522 pages bien roboratives tout de même !
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Il fut un temps où la présomption d'innocence n'existant pas, désigner un bouc émissaire était plus confortable que trouver le vrai coupable d'un crime. Ce temps que François-Henri Soulié a exploré est celui au cours duquel ce que l'église officielle, celle de Rome, qualifiait d'hérésie n'était rien d'autre que ce qui mettait en danger son monopole et donc ses propres intérêts. Il en fut ainsi de la foi dite cathare qu'avaient adoptée ceux qui se disaient tenants de la Vraie Foi, et se désignaient comme les bons hommes et bonnes femmes, sans attribuer à cette appellation la moindre once d'orgueil, bien au contraire.

Angélus tient son intrique en l'an de grâce 1165, en terre d'Occitanie ainsi que le précise la quatrième de couverture. Et lorsqu'un crime, puis deux, puis trois sont perpétrés contre le personnel de l'atelier du célèbre tailleur de pierre Jordi de Cabestan, travaillant à une oeuvre commandée au profit de l'abbaye de Grassa, il n'en faut pas plus pour y voir la main d'un hérétique, connaissant l'aversion de leur communauté pour tout ce qui incarne luxe et richesse et trahit la parole divine laquelle, selon eux, exhorte à la pauvreté et à la chasteté.
Raimon de Termes, jeune chevalier nouvellement adoubé est officiellement missionné pour rechercher le ou les coupables. Aloïs de Malpas, dont les frères de foi sont suspectés, et Jordi de Cabestan le maître artisan dont l'atelier est cruellement visé, se mettent de leur côté en demeure de démasquer ces coupables. Des enquêtes qui devront trouver leur point de convergence lorsque les intérêts divergent et les conceptions de la foi opposent dans un contexte social dont on a fort heureusement aujourd'hui du mal à apprécier l'atmosphère.

Avec cet ouvrage, il faut bien parler de polar, appliqué en un temps où les investigations n'avaient de pratiques que celles suscitées par l'observation et le bon sens pour oser contrecarrer une vérité dictée par celle qui régnait en maître sur les consciences, n'admettant ni contradiction ni concurrence.

Les enquêtes sont habilement conduites par chacun des protagonistes selon les prérogatives qui leur échoient du fait de leur statut. le climat de l'époque est bien restitué par une recherche documentaire que l'on soupçonne scrupuleuse. le contexte historique est maîtrisé. C'est un ouvrage crédible et prenant, même si l'on imagine assez tôt que le premier soupçon sera disputé pour que la justice des hommes parvienne à battre en brèche le préjugé dicté par les autoproclamés représentants de Dieu sur terre. L'inconnu portant sur le sort des petites gens lorsqu'ils sont pris dans les mailles de l'obscurantisme sous couvert de volonté divine.
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"Angélus" de François Henri Soulié nous plonge dans l'Occitanie de la seconde moitié du XIIème siècle, plus précisément en l'an de grâce 1165. C'était mon tout premier roman historique de cet auteur, et le moins que je puisse dire, c'est que j'ai été pleinement séduit. L'intrigue est redoutablement menée et pleine de rebondissements. Les ressorts de ce récit nous permettent d'apprendre et de mieux saisir les enjeux de cette époque historique. Dès les premières pages totalement hypnotiques, on est immergé dans un roman impossible à lâcher. Comparé au chef d'oeuvre d'Umberto Eco, "Le nom de la Rose", j'émets quelques réserves sur ce rapprochement qui me semble un peu hasardeux car sans renier le talent de l'auteur, le style d'écriture d'Umberto Eco me semble être au dessus. Néanmoins, c'est un roman foisonnant, une trilogie que je vais suivre avec attention. le troisième tome sort en septembre. En attendant, je vais me plonger dans le second volet intitulé "Magnificat." Prix Historia, "Angelus" nous raconte l'enquête sur des cadavres découverts avec le point commun morbide d'être affublé d'étranges ailes, mise en scène macabre faisant songer à des anges. Est-ce la main du diable ? Qui donc peut commettre des crimes aussi abjectes ? Nous suivrons tour à tour le jeune noble, Raimon de Termes, Jordi de Cabestan, un tailleur de pierre et enfin Aloïs de Malpas, considéré comme hérétiques par l'Eglise catholique romaine. Les Cathares sont aussi appelés les "bons hommes" terme usité la plupart du temps par les Cathares eux-mêmes pour se définir. Si vous aimez les romans historiques se déroulant à la période médiévale, je ne peux que vous recommandez cet "Angélus" signé François-Henri Soulié.
Lien : https://thedude524.com/2022/..
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"An de grâce 1165. En terre d'Occitanie."
Ce roman est très riche en ce qu'il nous montre différents corps de ce qui compose l'Occitanie au XIIe siècle.
Tout d'abord, les tailleurs de pierre dont le plus célèbre est Maître Jordi de Cabestan.
Ensuite, le clergé séculier et les moines qui s'opposent dans une "lutte d'intérêt". Ils sont représenté par l'Abbé Forton Deltheilt et Monseigneur Archevêque Pons d'Arsac.
Puis les nobles dont Raimon de Termes, récemment promu chevalier et pas peu fier de l'être, est un beau représentant.
Et enfin, ceux par qui tout le malheur arrivent, selon les catholiques, bien sûr, les cathares. C'est un évêque allemand, Eckbert de Schönau qui a ainsi nommé cette "infamie". Catharos, et il ne le savait sûrement pas, veut dire "pur" en grec.
Dans cet "univers retors fait de meurtres et de fourbes calculs", des cadavres déguisés en anges sont découverts.
Commence alors la recherche du coupable.
Une très intéressante lecture.
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Le style est agréable , l auteur manie à bon escient quelques mots et expressions moyenâgeuses , bon l énigme policière ne casse pas 4 pattes à un canard , la résolution , après une idée de base originale a été plutôt bâclée , car c est avant tout un roman historique . J' avoue que je n ai pas été bouleversé par les prémices de la lutte entre les gentils cathares , à la pureté effrayante et l église catholique déjà bien corrompue, les deux causes m indifférent profondément Bon on sait comment tout cela va finir ; Croisades , massacres , bûchés .Les personnages sympas mais un peu caricaturaux tant les membres du clergé séculier ou régulier retords à souhait et les doux hérétiques un peu benêts tout de même le chevalier se converti d enthousiasme à la nouvelle religion sans trop y comprendre , d'accord c est le coeur qui le mène ( ouais pas que, petit canaillou va ) . le seul personnage qui semble libre penseur est celui d un médecin que l on ne fait qu'entrapercevoir.Contrairement à mes habitudes j ai lu quelques unes des critiques de certains Babélionautes . Suis je si rassis ou âgé , tous trouvent le récit nouveaux , innovants toussah toussah Je suis navré mais j en ai lu des brouettes ( enfin pas mal ) de ces romans sur la période pré ou pendant la Croisade des Albigeois Angélus n est pas mauvais ( à mon avis bien sûr ) mais il se fond dans la masse vague et grise sans trop d intérêt pas de quoi lancer des alléluias aux divinités de la littérature .
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Je referme "Angélus" quelques heures à peine après l'avoir commencé.
C'est que le drôle se lit vite: l'écriture- fleurie, riche de vocabulaire et de tournures médiévales, ou du moins tel que notre 21°siècle s'imagine le parler de l'époque- est fluide et coule comme source, les chapitres -plutôt brefs- s'enchaînent et s'achèvent sur l'esquisse de rebondissements à venir... Il y a du roman feuilleton dans ce Nom de la Rose occitan et c'est réjouissant!
Voyons le propos de plus près: nous sommes en 1165 entre Narbonne, Toulouse et Carcassonne. A cette époque, les seigneurs du sud de la France -qui n'était pas encore la France que l'on connaît- se déchiraient et entraînaient parfois dans ces querelles de pauvres serfs devenus soldats, l'Eglise de Rome tentait de conserver son hégémonie sur l'Europe mise à mal par l'avènement d'hérésies qui attiraient de plus en plus de fidèles malgré les sanglantes répressions dont elles étaient victimes. Et, pauvre Eglise, hein, elle devait aussi faire face aux nobles qui lui disputaient le pouvoir et aux querelles internes, intestines qui pourrissaient les relations entre clergé séculier et régulier... Vanitas, vanitatum: si tout est vanité, tout est politique et soif de pouvoir aussi...
"Angélus" prend donc corps dans cette époque pour le moins troublée et s'ouvre sur une macabre découverte prompte à terroriser les esprits même les plus forts: au sommet d'un arbre gît un ange. La vision aussi séraphique qu'apocalyptique se dévoile enfin. C'est un homme, dans l'arbre. Un homme mort, qu'on a vêtu de blanc et qu'on a torturé: ses ailes sont celles d'une oie qu'on lui a accroché dans le dos à l'aide d'une fourche...
La victime est l'un des compagnons du tailleur de pierre Jordi de Cabestan et travaillait avec ce dernier sur la sculpture en haut relief d'un sarcophage destiné à recueillir les reliques d'un saint pour leur abbaye.
L'affaire est grave autant qu'effrayante et rapportée aux oreilles des puissants de la région. Pour mener l'enquête, on dépêche un jeune chevalier, fraîchement adoubé -Raimon de Termes- encore naïf. Jordi de Cabestan se lance aussi dans la résolution de ce meurtre et ils ne seront pas trop de deux. En effet, bientôt c'est un second ange qu'on retrouve, dans une abbaye voisine et la victime est encore un tailleur de pierre... Les recherches piétinent, tardent... Les abbayes sont des lieux qui recèlent bien des intrigues et des secrets et qui ne laissent personne s'en mêler... Elles sont aussi le théâtre de tractations politiques qui feraient rougir le très haut au moins autant que ce pauvre Raimon qui découvre dans quel panier de crabes on l'a jeté... A toute bonne enquête enfin, il faut un bouc émissaire: ce seront les cathares, de plus en plus nombreux. C'est ainsi que nous croiseront la route d'Aloïs de Malpas, qui prendra aussi les grands chemins pour disculper les siens.
Les personnages sont travaillés, attachants. le contexte, enfin, est parfaitement maîtrisé: on sent que François-Henri Soulié s'est plongé dans la documentation et il en extrait assez de matière pour nous transporter au XII°siècle, qu'il s'agisse de vie quotidienne, religieuse ou politique. le tout ajouté à une intrigue diaboliquement addictive, bien mené (on sent l'homme de théâtre!) et parfois inquiétante donne un excellent roman qui s'inscrit dans la lignée du merveilleux livre d'Umberto Eco "le Nom de la Rose".
Alors, certes, nous n'échappons pas à quelques poncifs du genre: le moine simplet au coeur pur, l'abbé terriblement inquiétant, l'apothicaire en avance sur son temps, les "bons" cathares, l'incendie, l'amour des livres... Mais ils sont employés à bon escient et le mélange (alchimique) reste bien dosé.
Autant de raisons de ne pas bouder son plaisir et frissonner quand on entendra sonner l'angélus ou quand on croira voir des anges se balancer dans les arbres du jardin.
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