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Critique de HundredDreams


A la recherche d'un récit court, un entre-deux pour permettre cette respiration parfois nécessaire entre deux romans plus épais, mon regard s'est posé sur cette nouvelle de moins de 20 000 mots à la jolie couverture océane.

« Galeries » est un huis-clos inquiétant qui nous emmène à bord d'un sous-marin allemand pendant la seconde guerre mondiale. J'ai embarqué dans les entrailles de ce géant des mers, recherchant le plaisir d'une lecture rythmée et addictive, d'un environnement qui suscite l'angoisse et la claustrophobie, d'une intrigue mystérieuse et malaisante.

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Un vieil homme rongé par la culpabilité et le remords adresse une lettre posthume à ses enfants. Il y avoue sa responsabilité dans le drame survenu en 1943 pendant la bataille de l'Atlantique alors qu'il était jeune sous-marinier dans la Kriegsmarine.

L'homme a vécu dans le silence, incapable d'assumer ses actes. Il n'a pu envisager de voir l'horreur se dessiner dans les yeux de ceux qu'il aime et son esprit est resté prisonnier de ses souvenirs durant toute sa vie.

« Je ne crois pas à l'Enfer, en tout cas, pas tel que Bosch ou Botticelli l'ont représenté. L'Enfer, j'y ai séjourné bien avant de mourir, moi. C'est un endroit sombre, humide, vicié de remugles, où la gale se repaît de vous, où le soufre n'existe pas et où l'on a les mains liées. C'est un endroit, surtout, où grouillent les Hommes. »

Ces aveux sont douloureux, mais sincères, graves, sans apitoiement. Il n'attend pas le pardon.

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A mi-chemin entre le roman de guerre, le thriller psychologique et le fantastique, Frédéric Soulier rend parfaitement l'ambiance générale, paranoïaque et délétère, exacerbée par le huis-clos étouffant du sous-marin. Tous les ingrédients sont là pour donner envie d'aller jusqu'au bout de ce récit et en connaître le dénouement.

Dans cet espace clos et anxiogène, l'ambiance est glauque et urticante, l'air confiné et vicié, les corps sales et puants, le lecteur manque d'air et d'espace. J'ai aimé cette tension qui m'a habitée, me retrouvant à ne plus bouger ni respirer, attentive au son sinistre du sonar, sensible à l'ambiance nerveuse et explosive, aspirant à refaire surface et retrouver l'air libre et pur.

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C'est dans cet espace confiné et cette immersion suffocante que l'auteur révèle et met en exergue les personnalités de chacun, l'autorité et le sang-froid du commandant Kühne, la jeunesse et l'inexpérience des soldats.
En effet, si l'auteur nous emporte dans les profondeurs de l'océan, il nous entraîne également au plus profond de la noirceur humaine, là où la promiscuité et la peur favorisent la violence et les actes abjects, lourds de conséquence. L'auteur dépeint un monde oppressant où la peur, la haine et la violence explosent et se concentrent sur un individu, bouc émissaire tout désigné.

« Une rumeur commença de se répandre, sournoise, imbécile, comme toutes les rumeurs salopes. »

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L'auteur aborde le thème de la folie, de la prise de conscience et de la responsabilité, de la culpabilité et des regrets, de la capacité de résilience propre à chacun.

J'ai retrouvé cette réflexion sur la « banalité du Mal » employée par la philosophe américaine Hannah Arendt pour parler de ces personnes « ordinaires » qui ne réfléchissent pas à leurs actes et sont amenées à commettre des choses horribles.

« J'étais Verdun, j'étais une mine, une boule de souffrance et de haine. »

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« Galeries » est un huis-clos où la promiscuité et la peur sont savamment dosées pour nous plonger dans un univers anxiogène à souhait qui ne verse jamais dans des descriptions à la limite de l'insoutenable.
J'ai passé un très bon moment. A découvrir pour ceux qui souhaitent lire un roman bien écrit et prenant, sans gore mais où l'horreur est encore une fois humaine.
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