Citations sur L'éthique (255)
Agir par vertu absolument n’est rien d’autre en nous qu’agir, vivre, conserver son être (ces trois mots signifient la même chose) sous la conduite de la Raison, d’après le principe qu’il faut chercher l’utile qui nous est propre.
Je crois avoir ainsi montré pour quelle raison les hommes sont plus émus par une opinion que par la Raison vraie, et pourquoi la connaissance vraie du bon et du mauvais provoque des émotions et le cède souvent à tout genre de désir arbitraire, ce qui a fait dire au Poète : je vois le meilleur et je l’approuve, je fais le pire. Ce que l’Ecclésiaste paraît avoir eu aussi dans l’esprit, lorsqu’il a dit : Qui augmente sa science, augmente sa douleur. Et je ne dis pas cela pour en conclure qu’il est préférable d’ignorer que de savoir et qu’entre un sot et un homme intelligent il n’y a aucune différence quant au gouvernement des sentiments, mais parce qu’il est aussi nécessaire de connaître la puissance que l’impuissance de notre nature, afin de pouvoir déterminer ce que peut et ce que ne peut pas la Raison pour gouverner les sentiments.
Nous sommes passifs dans la mesure où nous sommes une partie de la Nature qui ne peut être conçue par soi, sans les autres parties.
Enfin, par perfection en général, j’entendrai, comme je l’ai dit, la réalité, c’est-à-dire l’essence d’une chose quelconque en tant qu’elle existe et produit un effet d’une certaine façon, sans tenir compte de sa durée.
Par bon, j’entendrai donc par la suite ce que nous savons avec certitude être un moyen de nous rapprocher du modèle de la nature humaine que nous nous proposons ; par mauvais, au contraire, ce que nous savons avec certitude nous empêcher de réaliser ce modèle. Ensuite nous dirons que les hommes sont plus ou moins parfaits, suivant qu’ils approchent plus ou moins de ce même modèle.
En ce qui concerne le bon et le mauvais, ils ne manifestent non plus rien de positif dans les choses, du moins considérées en elles-mêmes, et ne sont que des modes de penser, c’est-à-dire des notions que nous formons parce que nous comparons les choses entre elles. En effet, une seule et même chose peut être, dans le même temps, bonne et mauvaise, et aussi indifférente.
[…] quand nous imaginons quelque chose dont la saveur nous est d’ordinaire agréable, nous désirons en jouir, c’est-à-dire en manger. Or, tandis que nous en jouissons, l’estomac se remplit et le corps s’organise autrement. Si donc, le corps étant ainsi autrement disposé, l’image de cet aliment, parce qu’il est présent, est favorisée, et par conséquent aussi l’effort, autrement dit le désir d’en manger, cette organisation nouvelle sera contraire à cet effort ou désir et donc la présence de l’aliment que nous désirions nous sera odieuse : et c’est ce que nous appelons Dégoût et Ennui.
Plus grand nous imaginons le sentiment dont la chose aimée est affectée envers nous, plus nous nous en glorifierons.
Ce qui affecte de tristesse la chose dont nous avons pitié nous affecte aussi d’une tristesse semblable […] ; et par conséquent tout ce qui supprime l’existence de cette chose, autrement dit ce qui détruit la chose, nous nous efforcerons de nous le rappeler […], c’est-à-dire […] que nous aurons envie de le détruire, c’est-à-dire que nous serons déterminés à le détruire ; et par conséquent la chose dont nous avons pitié, nous nous efforcerons de la délivrer de son malheur.
C.Q.F.D.
Par sentiments, j’entends les affections du corps, par lesquelles la puissance d’agir de ce corps est augmentée ou diminuée, aidée ou contenue, et en même temps les idées de ces affections.