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Critique de Sachka


"L'homme élastique" ou comment la science devient-elle un effroyable instrument de pouvoir et de domination militaire, économique et sociale. le pouvoir de transformer la nature humaine mais à quel prix ?

Jacques Spitz nous sert un récit audacieux, d'une intelligence remarquable, tant pour son esprit d'anticipation que pour son esprit visionnaire car ne l'oublions pas ce roman a été publié pour la première fois en 1938. Un récit qui nous est narré en deux parties, incluant une double narration des plus pertinente qui nous apporte ainsi deux points de vue sur l'histoire. La première partie est rédigée sous la forme d'un journal, celui du Docteur Flohr (notre personnage principal) et la deuxième, sous la forme de mémoires, celles de sa fille Ethel.

Un scientifique qui répond au nom de Docteur Flohr, Docteur ès sciences s'il vous plaît, n'exerçant plus la médecine mais continuant d'officier dans un des laboratoires de la Faculté de Paris - curieux personnage que ce génie de la physique quantique en proie à la misanthropie et au cynisme - fait une découverte qui va révolutionner le monde : il découvre le moyen de dilater ou comprimer les atomes, offrant ainsi à l'humanité la capacité de redimensionner à volonté n'importe quel organisme, vivant ou non. de l'infiniment petit à l'infiniment grand, il n'y a qu'un pas pour le Docteur Flohr.

Nous sommes dès les premières pages intrigués, il règne un climat d'étrangeté, un je-ne-sais-quoi qui nous laisse supposer que cette découverte ne va pas être utilisée qu'à bon escient. Quoi qu'il en soit notre étrange docteur prend ses cliques et ses claques et part s'installer loin de Paris en rase campagne à Chantambre avec pour seule compagnie son chien, son chauffeur et la bonne. Il installe son laboratoire dans une des granges attenantes à la propriété dans laquelle il réside.

C'est donc par le biais d'un journal intime que nous prenons part, étape par étape, jour après jour, à cette expérience hors du commun alors que la deuxième guerre éclate, le 14 juillet, guerre dont le Docteur Flohr se soucie peu (pour le moment seulement) enfermé dans son laboratoire avec ses premiers cobayes : plantes, fleurs, légumes, lapins, poules, tout y passe... Jusqu'au 17 juillet, date à laquelle il parvient à redimensionner avec succès un homme atteint de nanisme, le gratifiant au passage d'une quarantaine de centimètres supplémentaires.

Puis tout s'accélère, le 29 juillet, exalté par les résultats probants de la dilatation de l'atome, il part pour Paris soumettre sa découverte au Ministère de la guerre dans le but de la mettre au service de la Défense nationale. 7000 hommes, des divisions entières, des bataillons, sont redimensionnés à la taille de lilliputiens de 5 centimètres, je vous laisse imaginer la guerre revue et corrigée par Jacques Spitz alors qu'elle n'a pas encore eu lieu (très fort !). le monde entre alors dans une ère nouvelle, l'ère de la "flohrisation", dans les rues, partout à travers le monde, géants et lilliputiens se côtoient sans que personne ne s'en offusque, on se "flohrise" sur un coup de tête, pour un oui ou pour un non, pour améliorer ses conditions de travail, pour pimenter sa vie ou pour se débarrasser d'un vilain complexe, stupéfiant !

J'ai retrouvé dans ce roman l'écriture qui caractérise l'auteur, une écriture acérée, sans fioriture, avec ce savant mélange d'humour noir et de cynisme que j'affectionne tant. Jaques Spitz nous dresse le portrait édifiant d'un homme méprisant et méprisable, prêt à tout pour servir son art, entre raison et déraison, qui offre à l'humanité le moyen de corriger les défauts de la nature humaine en la rendant encore plus monstrueuse qu'elle ne l'est déjà.

Alors pour l'homme élastique, un poème élastique de Carl Norac :

Je
t'écris
un poème
qui va grandir
s'allonger d'un pied
à chaque vers tracé
sans plus jamais s'arrêter
jusqu'à remplir tout L Univers
(peux-tu m'aider à le rétrécir Docteur Flohr ?)
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