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Critique de YvesParis


Ce livre m'a traumatisé. Avec "Limonov" et "Rien ne s'oppose à la nuit", je le place parmi les meilleurs de l'année.
Morgan Sportès reconstitue l'histoire du Gang des Barbares qui avait défrayé la chronique début 2006. On se souvient que cette bande dirigée par Youssouf Fofana avait kidnappé puis tué Ilan Halimi, un jeune homme d'origine juive.
La monstruosité des criminels donne froid dans le dos. Monstruosité d'autant plus terrifiante que la bêtise semble être son moteur. L'antisémitisme qui caractérise leur acte n'est rien qu'un a priori stupide : les Juifs sont riches et forment une communauté solidaire donc en kidnapper un est la garantie d'une belle rançon.
Cette bande de criminels a des comportements de pieds nickelés qui seraient presque risibles s'ils n'étaient pas aussi graves. Ainsi le rapt réussi de Ilan Halimi succède à une série de tentatives d'enlèvements pitoyablement ratés par manque d'organisation.
Cette bande de petits délinquants, dealers à la sauvette, livreurs de pizza, pour certains mineurs encore, est mue par l'avidité. Ils veulent "tout, tout de suite". Parmi eux, quelques filles qui servent d'appât (Morgan Sportès avait déjà consacré un livre "L'appât" - adapté à l'écran par Bertrand Tavernier avec la sublime Marie Gillain - à une affaire similaire au début des années 90)
Pas un personnage pour racheter l'autre : alors que le complot a impliqué une masse inouïe de protagonistes, pas un ne s'est dressé pour protester et se désolidariser.
Pas une explication à leur comportement qui puisse atténuer leur culpabilité : dans "Désintégration" de Philippe Faucon, l'enrégimentement à une organisation terroriste d'un jeune immigré victime de racisme et de déclassement était expliqué voire excusé. Rien de tel sous la plume de Morgan Sportès qui signe un réquisitoire effrayant contre les dérives d'un certain modèle d'intégration à la française.
Cette radicalité n'est pas plaisante. le refus de tout psychologisme place les auteurs de ce crime odieux dans une altérité inaccessible. La démarche n'est pas sans rappeler celle de Jonathan Littell : comme Maximilien Aue, le "héros" des Bienveillantes, Youssouf Fofana - ici rebaptisé Yacef - nous est décrit cliniquement. Morgan Sportès ne commente pas, ne juge pas, ne propose pas de solution, n'esquisse pas d'avenir. Son roman s'arrête brutalement à l'arrestation - rocambolesque de Fofana en Côte d'Ivoire.
Le portrait de la barbarie n'en est que plus glaçant.
Couronné par le prix Interallié, "Tout, tout de suite" démontre que, parfois, les prix littéraires visent juste.
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