Il est bien difficile de trouver quelques mots pour chroniquer ce livre.
Vanessa Springora a un courage phénoménal. Elle se livre, en ne nous cachant rien, et pourtant elle le fait avec pudeur et détermination.
Elle raconte la domination, la manipulation dont elle a été victime pendant 2 ans. Deux ans d'adolescence gâchés, volés, massacrés. Elle raconte le long parcours pour se reconstruire. le harcèlement dont elle fait l'objet de la part d'un homme (mais est-ce un homme?) qui ne peut supporter d'être quitté, alors qu'il passe sa vie entière à mentir.
G.M. est une ordure, un lâche, un pervers... mais finalement c'est lui faire bien trop d'honneur que de parler de lui.
Je ne peux pas concevoir ce genre de personnes. Mais je peux encore moins concevoir la bénédiction que ce genre de pauvres types reçoivent de la société. de
Bernard Pivot à
Cioran, en passant par la propre mère de
Vanessa Springora et par un ensemble de personnes qui savaient et ont laissé faire, voire encouragé, les penchants malsains de
G.M. ...
le consentement, c'est celui de l'autrice. Mais c'est aussi celui de la société.
Car
Vanessa Springora ne le nie pas. Elle était consentante, mais cela ne change rien à rien. Cela n'aurait jamais dû arriver.
J'ai vu des grands critiques se livrer à de longues tirades sur les piètres qualités littéraires du texte. Soit. Ils préféreront
Cioran...
Houellebecq ou
G.M. , de grands techniciens de la langue française, cela ne change rien au récit. Par ailleurs, l'autrice reconnaît sa part dans ce qui lui est arrivé. Il reste que cela ne peut pas arriver. Enfin, dieu merci, tout le monde n'était pas pédophile en 1985... donc se dire qu'on ne peut juger en 1945 ce qui s'est passé en 1940 me semble spécieux.
Ce qui peut déranger, c'est l'aspect non fictionnel du récit. Les détracteurs de
Vanessa Springora auraient sans doute préféré qu'elle inscrive son récit dans une fiction dont on pourrait dire que tout est inventé. de la même manière que de grands intellectuels français ont pu faire croire qu'ils pensaient que les turpitudes de
G.M. étaient fictionnelles... tout en sachant qu'elles étaient vraies.
Je me contenterai de dire "Merci" à l'autrice. Merci pour ce courage. Merci pour ce témoignage. Merci d'avoir fait bouger les lignes. Si ce récit a pu lui permettre de tourner une page et de progresser, qui sommes-nous pour juger de ses motivations et la taxer d'opportuniste?