Tout maîtriser, c’est tout mépriser. C’est se croire supérieur à la vie reçue.
Le bonheur ne nous extrait pas de la souffrance de l’existence : il prend tout de la vie, ses bons et ses mauvais côtés.
A défaut d’être capables d’accueillir ainsi l’épreuve, veillons du moins à laisser la joie, de temps à autre, nous prendre dans ses bras.
La beauté est un mendiant. « Combien de fois la clarté des étoiles, le bruit de la mer, le silence de l’heure qui précède l’aube viennent-ils vainement se proposer à l’attention des hommes ? » demande Simone Weil.
Prendre le large, c’est donner à notre vie la chance d’apparaître dans toute son ampleur, dans sa pleine largesse. Prendre le large, c’est prendre la mesure de son existence.
On attend beaucoup de ses enfants, et l’on a sans doute raison. Pourtant l’enfant sera toujours, au cœur de notre vie, la présence de l’inattendu : jamais sage comme une image, puisqu’une image, au contraire d’un enfant, est fixe et cadrée. Attendre un enfant, ce n’est pas l’attendre au tournant, pour couper ce qui déborde, c’est plutôt veiller à ce que nos attentes, nos exigences, n’oublient pas de lui être attentives. L’attention, plus que l’attente, dit l’écoute et l’accueil ce que l’enfant est, dans son unicité.
Le monde est plus large que ma peine, plus grand que mes aigreurs, que ma mauvaise humeur. Je n'ai pas le droit de l'enfermer dans mon chagrin, si grand soit-il. Cette idée tombait sur moi comme les rayons du soleil. Je remarquais alors comme on est prêt, toujours, à se gacher la joie en se rappelant qu'il y a, de par le monde, des êtres qui souffrent : pourquoi ne pas l'entendre en son inverse ? Pourquoi ne pas relativiser sa peine par la joie des autres ? Je me prenais en effet à me réjouir, irrésistiblement, de ce que les autres étaient heureux. Peu m'importe que ce ne fût pas d'abord ma joie, puisque, en partageant la leur, elle devenait mienne.
"Aimer, c'est prendre plaisir à la felicité d'autrui" : cette citation du philosophe allemand Leibniz, j'avais dû l'apprendre par coeur pour ce concours raté de peu. Tout à coup, elle faisait sens : voici que je la connaissais avec le cœur ! Je comprenais lentement, sur cette chaise, en cet après-midi au jardin du Luxembourg, ceci : qui met sa joie dans celle de l'autre ne peut plus la perdre.
La Grâce est la rencontre silencieuse de notre espoir le plus fou dans la réalité la plus banale.
Combien de fois, pourrions-nous nous demander, plus pauvre que soi espère ce regard qui, discrètement, demande : « Dis-moi ce qui ne va pas et quel est ton tourment » ? La beauté, comme l’homme pauvre, ne promet rien qu’elle-même : nous n’en pouvons rien retirer, aucun profit matériel, que la rencontre.
Choisissons bien : ayons davantage soin de vivre cette vie que de la justifier.