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Critique de Andromeda06


« Certains poèmes nous conduisent en des lieux que nuls mots n'atteignent, nulle pensée, ils vous guident jusqu'à l'essence même, la vie s'immobilise l'espace d'un instant et devient belle, limpide de regrets ou de bonheur. Il est des poèmes qui changent votre journée, votre nuit, votre vie. Il en est qui vous mènent à l'oubli, vous oubliez votre tristesse, votre désespoir, votre vareuse, le froid s'approche de vous : touché ! dit-il et vous voilà mort. »

C'est ce qui est arrivé à Bárður : à vouloir absolument retenir quelques vers d'un poème de Milton, il en a oublié sa vareuse. Pris par le froid islandais et la tempête, il n'a pas survécu et laisse derrière lui "le gamin". Ce dernier, qui a déjà perdu toute sa famille, commence un voyage difficile afin de rendre "Le paradis perdu" à Kolbeinn, vieux loup de mer aveugle à qui Bárður avait emprunté ce livre. Une fois sa mission accomplie, "le gamin" n'aura plus qu'à rejoindre sa famille et Bárður, dans l'au-delà...

Jón Kalman Stefánsson nous entraîne en Islande, au XIXe siècle. Il neige, il fait terriblement froid, l'eau est glaciale, le vent est violent. Mais Bárður et le gamin, comme tous les pêcheurs, vivent avec au quotidien. La pêche à la morue est leur gagne-pain, ils se doivent de défier ces éléments qui ne leur facilitent pas la tâche et qui sont souvent contre eux.

Ces éléments d'ailleurs ne jouent pas qu'un rôle majeur, ils sont un personnage à part entière, voire même le personnage principal. Ce sont eux qui mènent la danse, l'ensemble des protagonistes dépendant d'eux, devant composer avec eux. Les montagnes qui forment une barrière d'un côté, la mer glaciale de l'autre, les violences du vent et les colères du ciel emprisonnent les protagonistes autant que les lecteurs. Nous sommes comme pris au piège dans cette atmosphère polaire, mordante, et on aime ça...

Grâce à une plume poétique, lyrique, enchanteresse, j'ai participé à la quête initiatique du gamin avec délectation. Je l'ai accompagné et ne l'ai pas lâché un instant. J'ai compris ses tourments, ses doutes, ses interrogations sur la vie et la mort. J'ai rencontré des gens atypiques : pêcheurs, femmes de pêcheurs, filles de pêcheurs, veuves de pêcheurs, vieux loups de mer, aubergiste (au féminin), commerçant(e)s, etc. J'en ai appris beaucoup sur leur vie au quotidien, rythmée par le chant de la mer.

Et si je déplore la conjugaison au présent (pas du tout adaptée aux événements, qui se déroulent par ailleurs dans le passé), ainsi que le non-respect des règles typographiques des dialogues (alors ça, par contre, ça m'agace énormément !), j'ai tout de même été transportée par les belles et longues phrases de l'auteur, poétiques, imagées, bercées par les humeurs du ciel et de la mer.

C'est à la fin de ma lecture, en allant farfouiller dans la biographie et la bibliographie de l'auteur, que je me suis rendu compte que "Entre ciel et terre" était le premier volume d'une trilogie. Je retrouverai donc le gamin avec plaisir dans "La tristesse des anges", bientôt j'espère...
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