AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,12

sur 1305 notes
Quand la frontière est mince entre la vie et la mort, et que parfois les mots peuvent sauver ou faire périr...

Dans ce pays à la rigueur infernale ; l'Islande ; mais aussi à la lumière qui laisse entrevoir l'espoir, «le gamin» cherche un sens à la vie. Il n'est pas fait pour être marin, il est fait pour la beauté des mots, la magie de la poésie. Il est envoûté par le pouvoir des vers, qui lui font découvrir un ailleurs, une possibilité, autre chose que le labeur et la douleur. La vie est rude pour le gamin. Son chemin le mènera vers un abri, un foyer, où d'autres comme lui connaissent les ténèbres de l'existence. le gamin est hésitant, il se sent souvent idiot, maladroit. Et pourtant il recèle un trésor, une grande sensibilité que certains sauront découvrir en lui.

C'est une lecture magique qui nous parle de douleur et d'amitié, de lumière et de ténèbres, de gens qui oscillent entre la vie et la mort. Une très belle découverte.
Commenter  J’apprécie          1657
Cela commençait bien. Cela commençait même TRÈS bien : j'étais embarquée, je trouvais l'écriture à la fois plaisante et poétique ; les paysages, l'ambiance, tout me convenait. Et puis...

Et puis, peu à peu, j'ai eu le sentiment de m'enliser. Page après page, l'expérience devenait moins plaisante, des atermoiements, une impression vague d'être dans une barque, de ramer et de rester toujours à la même place, de ne m'approcher de rien.

Et puis, à la fin de la première moitié du roman, la disparition du personnage qui paraissait le plus intéressant, le plus prometteur est venue mettre un coup d'arrêt très net à mon plaisir. La suite devint ennui, puis effort et finalement, je me trouve très contente d'en finir, car aller plus loin m'eût été pénible.

C'est dommage, très dommage, car j'ai vraiment le sentiment que Jón Kalman Stefánsson avait les moyens de me faire vivre une très grande expérience littéraire et, tout bien considéré, une fois le livre achevé, mon impression confine plus à la déception qu'à l'extase.

Pourquoi ? En littérature, selon moi, il y a deux types de héros : l'archétype, c'est-à-dire un héros qui n'est pas forcément amené à changer, mais dont les manières et le type sont tellement bien trempés, bien campés, qu'ils en font un personnage très marquant. Don Quichotte en est un, Cyrano de Bergerac (le fictif) en est un autre ou bien encore le fameux Sherlock Holmes.

L'autre type de héros — selon moi le plus intéressant — est constitué par l'évolution qu'il subit en étant confronté aux événements. Il partait d'un état initial A, il subit x, y, z situations auxquelles il doit faire face, ce qui le modifie et le fait parvenir à un état final B. C'est cette transformation, ce passage de A à B qui intéresse le lecteur, en tout cas qui m'intéresse, moi. Elizabeth Bennet en est une, Candide ou Eugénie Grandet en sont d'autres, s'il faut donner des exemples.

Or, dans Entre ciel et terre, qu'en est-il ? le personnage à tendance archétypale était Bárđur : rude marin islandais et pourtant lettré et poète. C'était intéressant, on avait envie de savoir ce que LUI ferait devant telle ou telle alternative que la vie lui offrirait. Or, il meurt bêtement au beau milieu de l'ouvrage, sans qu'on ait bien eu le temps de couvrir, de parcourir l'ensemble de l'archétype qu'il représentait.

Qui nous reste-t-il ? le personnage du gamin. Lui semble plutôt être un personnage dont on prendra plaisir à mesurer les évolutions. On se dit qu'il est un peu comme un genre d'Adso auprès de l'archétype Guillaume de Baskerville. Et puis... et puis lui aussi se consume avant que d'avoir brillé. FLOUF ! Plus rien, c'est déjà fini.

À un moment, j'ai cru que son destin allait prendre un tour intéressant au contact de la troublante autant qu'énigmatique Geirƥrúđur, mais là encore, PFOUIT ! rien du tout, c'est déjà fini.

Donc premier problème, selon moi, le manque de héros véritable. Alors, se dit-on, l'intérêt résiderait dans le fait de dépeindre une assemblée, une ambiance, de nous plonger dans un monde révolu, celui des villages de pêcheurs islandais de la fin du XIXème siècle.

Mais là encore c'est bancal : un alignement de personnages, comme autant de coquilles vides, n'a jamais fait une atmosphère. Pour s'en faire une opinion à pareille époque, autant lire Pêcheur d'Islande de Pierre Loti. Afin d'argumenter ce point précis, je m'en vais convoquer une citation d'Edith Wharton dans son ouvrage, Les Règles de la fiction :

« On produit un effet bien plus profond en se livrant à l'étude pénétrante de quelques personnages, au lieu de multiplier les silhouettes vaguement dessinées. Ni le romancier ni le dramaturge ne devrait s'aventurer à créer un personnage sans le suivre jusqu'au bout de l'action, et sans être sûr que cette dernière serait appauvrie par son absence. Les personnages dont la fonction n'a pas été précisément définie à l'avance risquent de devenir aussi déplacés que des intrus. »

Enfin, ce qui fut pire encore, pour moi, à la lecture, ce sont les moments où l'auteur plaque des réflexions ou des manières de penser contemporaines sur des actions passées, censées relever de la fin du XIXème siècle. Il crée ainsi un anachronisme qui a eu pour effet de me décoller de son histoire, de m'y sentir extérieure, c'est-à-dire l'inverse de ce qui serait souhaitable, de mon point de vue, à savoir, l'immersion du lecteur dans l'histoire ou dans l'ambiance donnée.

Bref, pour moi, toujours pas le premier grand roman du XXIème siècle : ce fut une puissante et stimulante eau à la bouche, presqu'immédiatement suivie par une vilaine amertume, d'où cette appréciation finale fort mitigée. Mais, comme à chaque fois, je vous invite à consulter d'autres opinions à propos de cette même lecture — qui semble avoir eu des effets tout autres sur quantité d'autres lecteurs —, car cet avis ne représente, somme toute, que l'expression de mon avis, c'est-à-dire, une mince parcelle de subjectivité coincée entre ciel et terre, autant dire, vraiment pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          15919
S'en vient le soir
Qui pose sa capuche
Emplie l'ombre
Sur toute chose
Tombe le silence
Déjà se lovent
La bête sur son lit d'humus
L'oiseau dans son nid
Pour le repos nocturne

« Il est mort de froid parce qu'il a lu un poème ».

Précisément ce poème de Milton, poète anglais aveugle, au début du XIXè siècle. Nous pourrions résumer ainsi ce livre magnifique, ce livre des entre deux. Entre ciel et terre, entre vie et mort, entre montagne et mer, entre sommeil et réalité, l'Islande, île rude, sauvage, cruelle, présentée et honorée dans toute sa rigueur, dans toute son âpreté, dans toute sa beauté glaciale, dans ce majestueux livre poétique et ensorcelant. L'Islande, enneigée, iodée, battue par les vents, battue par les flots, blanche de neige et d'écume, noire de roches acérées, enfin devenue verte en avril, avril empli de clarté, de chants d'oiseaux et d'impatience. Quelques semaines lumineuses enveloppées par des mois de ténèbres.

Entre ciel et terre, il y a la lune. Cette lune que les amoureux, depuis la nuit des temps, malgré les montagnes et les immensités qui les séparent, regardent à la même heure afin que leurs yeux se rencontrent sur l'astre nocturne en même temps. « Voilà pourquoi la lune a été placée dans le ciel ». Entre ciel et terre, il y a aussi l'horizon parfois devenu invisible lorsque les tempêtes font rage et que le ciel embrasse la terre d'un baiser meurtrier.
Entre vie et mort, il y a l'enfer, « l'enfer d'être mort et de prendre conscience que vous n'avez pas accordé assez d'attention à la vie à l'époque où vous en aviez la possibilité ». Il y a aussi la peur mêlée à la curiosité apeurée, celle d'obtenir enfin les réponses à toutes nos questions.
Entre montagne et mer il y a les immensités, la campagne herbeuse et ample où se nichent quelques fermes, et même, du seuil de certaines d'entre elles on n'aperçoit pas la mer, chose rare sur cette île. Il y a les vallées desquelles on ne voit que des fragments du ciel. Ceux qui vivent là ont pour horizon les montagnes et les rêves. Entre montagne et mer, il y a tout simplement la vie des islandais « D'un côté, la mer, de l'autre, des montagnes vertigineuses comme le ciel : voilà toute notre histoire ».
Entre sommeil et veille enfin il y a les rêves et le répit car « ceux qui vivent au pied de montagnes aux pentes vertigineuses et aussi près du bout du monde sont experts dans la science des rêves », ils maintiennent la réalité à distance aussi loin qu'ils le peuvent avant de retrouver la réalité qui est la leur.
Cet entre deux est un geyser de poésie, une poésie de troll et d'elfes, une poésie de fin du monde qui bouillonne et s'infiltre dans chaque page, dans chaque âme, dans chaque pensée.

Nous suivons les déambulations désespérées et les réflexions d'un très jeune homme de vingt ans, sans prénom, juste dénommé « le gamin » qui vient de perdre son meilleur ami, après avoir perdu sa mère et sa petite soeur. Il fuit désormais le métier de marin, amère expérience empreinte de deuil, uniquement habité par la beauté des mots et de la poésie. Il atterrira dans la maison et buvette de la mystérieuse Ragnheiður, où d'autres comme lui, notamment un vieux capitaine devenu aveugle et féru de littérature et de poésie, Kolbeinn, un autre loup de mer alcoolique, Brynjolfur, sont marqués par les difficultés de l'existence. Entre deux lectures, et en attendant d'avoir le courage de se tuer pour rejoindre tous les êtres qui lui sont chers, il s'occupe à servir la bière, le café. Malgré ses maladresses, sa sensibilité pure saura toucher son entourage.

Au-delà des conditions de vie très dures des pêcheurs islandais, au-delà de celles, particulières, confinées, de ceux qui restent sur la terre ferme, ce livre est une réflexion puissante et poétique sur la mort, sur l'importance de la poésie, sur ces mots qui peuvent sauver ou faire mourir : « Certains poèmes nous conduisent en des lieux que nuls mots n'atteignent, nulle pensée, ils vous guident jusqu'à l'essence même, la vie s'immobilise l'espace d'un instant et devient belle, limpide de regrets ou de bonheur. Il est des poèmes qui changent votre journée, votre nuit, votre vie. Il en est qui vous mènent à l'oubli, vous oubliez votre tristesse, votre désespoir, votre vareuse, le froid s'approche de vous : touché ! dit-il et vous voilà mort ».
« Entre ciel et terre » parle également avec génie du temps qui passe, du temps relatif, subjectif, celui qui passe différemment en notre for intérieur que celui affiché par la pendule : « Combien d'années peuvent tenir en un jour, en l'espace de vingt-quatre heures ? C'est un homme d'âge mûr et non plus un gamin de vingt ans qui pousse la porte d'entrée de la buvette de Geirþrúður, deux jours bien comptés après l'avoir franchie pour la première fois, en compagnie de son ami Bárður ».

Dès le début j'ai été happée par la musicalité de l'écriture de Jon Kalman Stefansson, qui fleure bon la lande sauvage fouettée par l'iode et les vents, qui sent fort l'odeur âcre de ces hommes rustres aux noms vikings et à la barbe sauvage constitutive de leur personnalité. Qui met en lumière ce « gamin » sensible, timide, peu confiant en lui mais si touchant au milieu de ces éléments naturels et humains où la vie est une lutte perpétuelle pour maintenir le froid et la rudesse à distance. Il est des livres dont on ressort émue et marquée. C'est le cas pour moi avec « Entre terre et ciel », premier tome de la trilogie qui a rendu célèbre l'auteur. Tellement heureuse de retrouver cette terre de légendes et ce « gamin » lunaire dans les deux autres tomes !
Commenter  J’apprécie          12242
… la mer sommeille, la montagne somnole et le silence règne dans le ciel…

L'Islande. Dès les premières mesures de ce roman, je m'y suis trouvé. Installé même. le froid, l'iode. La mer qui me fouette le visage. le roulis de ce vieux bateau de pêche. Pêche à la morue. Et ce silence. Un silence lourd qui m'envahit. Un silence qui fait partie de moi. J'ai envie d'y aller, « Entre Ciel et Terre » pour ressentir ces émotions, ce parfum, cette poésie de la mer et des landes. Et puis le vent, la pluie glaciale, le blizzard. J'ai oublié ma vareuse. Fuck le blizzard.

Le paysage, cette lande islandaise, sauvage et enneigée. Je me retrouve isolé, enveloppé par ce vent sourd qui emporte mes pensées, pas mes paroles muettes. Celles-là, je les garde au fond de moi. Qui voudraient d'ailleurs les entendre ? Quelques moutons sauvages et poilus dans le coin, en train de brouter pour ne pas sombrer dans la froidure de la nuit. Nuits étoilées. Ces étoiles qui sont l'âme des noyés. Et puis ces flocons de neige qui descendent à noyer mon verre, ne serait-ce pas là les ailes des anges ?

Je m'imagine à bord d'un de ces chalutiers, une pêche d'antan, à l'oeil et à la poigne. le bateau chevauche les vagues comme je rêve de renverser des sirènes. Les vagues vont et viennent, s'écrasent sur le pont, des embruns iodés qui se jettent sur ma face. le courage m'emporte, je suis dans une barque, encore plus précaire, prêt à affronter les éléments, une force insoupçonnable m'emporte, gênes de viking. Si jamais je n'avais pas oublié ma vareuse, et ma fiole de Lagavulin.

Je m'imagine là-bas. M'engouffrer dans un pub, des vieux loups de mer qui me regardent, la barbe sauvage, le teint grêlé par cette pluie glaçante du bord de mer. Une bière. Deux bières. Trois bières. C'est ma tournée. Prendre mon temps. Nul besoin de me presser. Personne ne m'attend. A part un roman, un livre de poésie ou une musique qui bercent mes nuits. Puis m'enfuir dans la nuit, dans le silence, sans ma vareuse. Et réfléchir à ma mort. Seul sous les étoiles, seul dans ce silence.

Il y a des livres qui ne peuvent s'oublier, et des auteurs non plus. Ce Jon Kalman Stefansson possède une telle poésie dans sa plume que j'en oublie la tristesse et le froid. Mais pas ma bière. Alors...

S'en vient le soir
Qui pose sa capuche
Emplie d'ombre
Sur toute chose,
Tombe le silence,
Déjà se lovent
La bête sur son lit d'humus
L'oiseau dans son nid
Pour le repos nocturne.

Lien : https://memoiresdebison.blog..
Commenter  J’apprécie          1098
Truman Capote a dit : « Le plus grand plaisir que je retire de l'écriture ne tient pas au sujet mais à la musique interne des mots »

La prose de Stefansson est aussi poétique que puissante, une perçante mélodie se dégage des mots alignés. Il parle magnifiquement de la peur et des tâtonnements des âmes, de l'incertitude des êtres, d'espoir et de rêves.
En filigrane juste au-dessous de la surface visible se retrouvent des réflexions plus profondes et appuyées comme la fine frontière qui sépare la vie de la mort et de la brèche qui se situe sous nos pieds, toujours prête à s'ouvrir.

Une vive émotion provoquée certainement par la communion parfaite des mots et de la nature, des mots et des sentiments intimes, nous fait un peu planer au-dessus de la musicalité et de la profondeur de la réflexion.

Chez Stefansson les mots soulèvent des jeux d'ombres et de lumière. Certains mots nous conduisent à des lieux qui rien d'autre ne peut atteindre. Les mots nous guident jusqu'à l'essence de qui nous sommes et le monde s'arrête de tourner.

Solaire et solitaire, cette lecture brille d'un bel éclat bien après la dernière page tournée.


Commenter  J’apprécie          1042
Les faits se déroulent il y a un siècle dans un village de pêcheurs à la morue où il règne un froid glacial qui peut se révéler meurtrier. Six pêcheurs par barque, chacun a son rôle bien défini. Tout est important et vital dans le rituel de la pêche, chacun a sa place, le danger est toujours présent d'autant plus qu'aucun pêcheur ne sait nager.
Bardur trop occupé à retenir des vers du Paradis perdu de Milton, oublie sa vareuse en partant en mer, un oubli qui lui sera fatal. Son ami surnommé le gamin, inconsolable, entame un périlleux voyage pour rendre le livre à son propriétaire.
Jon Kalman Stefansson envoûte le lecteur par la force de son écriture, tout est poésie, ses mots chantent la vie, la mort, l'amitié, l'amour, la cruauté d'un monde inhospitalier.
Commenter  J’apprécie          926
S'en vient le soir
Qui pose sa capuche
Emplis d'ombre
Sur toute chose,
Tombe le silence,
Déjà se lovent
La bête sur son lit d'humus
L'oiseau dans son nid
Pour le repos nocturne.

Relire encore une fois ces quelques vers du Paradis perdu de Milton, les retenir pour, plus tard, sur le bateau, les réciter au gamin. C'est ce qui a tué Bàrdur. Obnubilé par la beauté de la poésie, il a oublié sa vareuse au crochet du baraquement. La mer d'Islande ne pardonne pas ce genre d'étourderie. Bárdur est mort, gelé sous le banc de nage, laissant le gamin inconsolable. le jeune pêcheur ne veut plus, ne peut plus retourner en mer. Il marche jusqu'au village, d'abord pour rendre le Paradis perdu à son propriétaire, ensuite pour décider s'il doit continuer à vivre après la perte de son meilleur ami.

Mer glaciale, vent violent, neige et glace, la nature islandaise est peu clémente avec les pêcheurs de morue. Mais ils sont rudes, forts et savent mettre humblement leur destin entre les mains de Dieu avant de prendre la mer. Ces taiseux connaissent les mots des prières, les mots de la pêche. D'autres recherchent la beauté, la consolation des mots. Báldur et le gamin sont de ceux-là. Mais les mots peuvent tuer aussi. On veut relire un poème et on en meurt. Et voilà le gamin seul, privé du soutien de son ami, il se sent déplacé. Il en veut aux pêcheurs de continuer à vivre, il est mal à l'aise au village, ridicule, privé de mots. A quoi bon vivre alors ? le gamin traîne un sentiment de culpabilité. Qu'a-t-il fait pour mériter la vie quand tous ceux qu'il a aimés sont morts ? Peut-il encore rire, s'émouvoir, désirer, quand le corps de Báldur gît, gelé, sur la table du baraquement ? ale gamin va devoir trouver en lui des raisons de vivre.
Ce premier tome d'une trilogie est proprement envoûtant. Porté par l'écriture très poétique de Jón Kalman STEFÁNSSON, le récit raconte le froid, la solitude, le deuil, mais aussi l'amitié, la poésie, l'espoir de la jeunesse. le gamin, tendre et émouvant, est un personnage dont on a envie de suivre le chemin. Et certains villageois, hauts en couleurs, demandent aussi à être mieux connus. Une magnifique introduction pour la suite à venir.
Commenter  J’apprécie          748
Une réelle découverte pour moi que ce magnifique roman.
L'Islande terre de pêcheurs, du froid, de la mer et de la mort apparaît ici grâce à toute la force d'écriture de Jon Kalman Stefansson comme un joyau isolé du monde.
Abritant des hommes dont le quotidien est fait de travail acharné, d'effort, mais aussi d'amour et d'amitié, de deuil et de solitude.
Comme partout ailleurs me direz-vous ? Non, justement, car la terre d'Islande n'est à nulle autre pareille ni ses habitants, ni ses tempêtes, ni ses douceurs, ni ses morts sous la plume de ce poète terriblement inspiré.
Ce fut une lecture lente, pleine de retours en arrière, de relectures et de contemplation.
Et j'ai parcouru ce livre la gorge nouée, avec l'envie impétueuse de pouvoir d'un simple claquement de doigt me retrouver en plein coeur d'une Islande enneigée, venteuse et glaciale certes, mais tellement fascinante.
Jon Kalman Stefansson est un poète. Et quel poète ! Il mêle récit et sublimation des lieux, des personnages, des sentiments de telle façon que l'on ne peut que se laisser porter par sa plume.
La mer, la vie, la mort, le deuil, le suicide, l'amour, l'amitié, l'adversité, la nature, la solitude tant de thèmes abordés et tant d'arrêts sur image pour pouvoir s'imprégner et se laisser envoûter.
J'hésite à insister sur la qualité d'écriture de ce roman tant elle a déjà été dite ici ou ailleurs, mais oui, vraiment, quelle plume!!!
Et quel bel horizon que cette terre Islandaise croquée, crayonnée, esquissée, puis, le trait se faisant plus précis de page en page, complètement sublimée et comprise, puis désirée. Jusqu'à l'aimer.
Une terre offerte, un don.
Merci donc Monsieur Stefansson pour ces pages si radieuses et émouvantes,
pour cette offrande si généreuse.

Commenter  J’apprécie          683
En Islande, oublier sa vareuse et partir en mer n'est vraiment pas une bonne idée, car en Islande, entre ciel et terre, il fait froid, très froid.

C'est pourtant ce que fait cet étourdi de Bardur, pêcheur de morue de son état, désormais la tête dans les étoiles et les fesses au frais.

Les vers du Paradis perdu de Milton ne vont pas suffire à lui réchauffer le coeur (et le reste) puisqu'il meurt de froid.

Raconté comme ça ce n'est pas très poétique, mais ça se passe comme ça en Islande quand le marin prend la mer, pas couvert.

Le gamin, le copain, l'ami n'y peut plus rien, sinon rapporter son bouquin au vieux capitaine aveugle, - et mourir après, peut-être.

Raconté comme cela, ça ne rend pas hommage à ce magnifique livre, mais quand même, un vrai marin n'oublie jamais sa vareuse et que la mer est cruelle, n'est-ce pas monsieur Jon Kalman Stefansson ?
Commenter  J’apprécie          670
« Certains poèmes nous conduisent en des lieux que nuls mots n'atteignent, nulle pensée, ils vous guident jusqu'à l'essence même, la vie s'immobilise l'espace d'un instant et devient belle, limpide de regrets ou de bonheur. Il est des poèmes qui changent votre journée, votre nuit, votre vie. Il en est qui vous mènent à l'oubli, vous oubliez votre tristesse, votre désespoir, votre vareuse, le froid s'approche de vous : touché ! dit-il et vous voilà mort. »

C'est ce qui est arrivé à Bárður : à vouloir absolument retenir quelques vers d'un poème de Milton, il en a oublié sa vareuse. Pris par le froid islandais et la tempête, il n'a pas survécu et laisse derrière lui "le gamin". Ce dernier, qui a déjà perdu toute sa famille, commence un voyage difficile afin de rendre "Le paradis perdu" à Kolbeinn, vieux loup de mer aveugle à qui Bárður avait emprunté ce livre. Une fois sa mission accomplie, "le gamin" n'aura plus qu'à rejoindre sa famille et Bárður, dans l'au-delà...

Jón Kalman Stefánsson nous entraîne en Islande, au XIXe siècle. Il neige, il fait terriblement froid, l'eau est glaciale, le vent est violent. Mais Bárður et le gamin, comme tous les pêcheurs, vivent avec au quotidien. La pêche à la morue est leur gagne-pain, ils se doivent de défier ces éléments qui ne leur facilitent pas la tâche et qui sont souvent contre eux.

Ces éléments d'ailleurs ne jouent pas qu'un rôle majeur, ils sont un personnage à part entière, voire même le personnage principal. Ce sont eux qui mènent la danse, l'ensemble des protagonistes dépendant d'eux, devant composer avec eux. Les montagnes qui forment une barrière d'un côté, la mer glaciale de l'autre, les violences du vent et les colères du ciel emprisonnent les protagonistes autant que les lecteurs. Nous sommes comme pris au piège dans cette atmosphère polaire, mordante, et on aime ça...

Grâce à une plume poétique, lyrique, enchanteresse, j'ai participé à la quête initiatique du gamin avec délectation. Je l'ai accompagné et ne l'ai pas lâché un instant. J'ai compris ses tourments, ses doutes, ses interrogations sur la vie et la mort. J'ai rencontré des gens atypiques : pêcheurs, femmes de pêcheurs, filles de pêcheurs, veuves de pêcheurs, vieux loups de mer, aubergiste (au féminin), commerçant(e)s, etc. J'en ai appris beaucoup sur leur vie au quotidien, rythmée par le chant de la mer.

Et si je déplore la conjugaison au présent (pas du tout adaptée aux événements, qui se déroulent par ailleurs dans le passé), ainsi que le non-respect des règles typographiques des dialogues (alors ça, par contre, ça m'agace énormément !), j'ai tout de même été transportée par les belles et longues phrases de l'auteur, poétiques, imagées, bercées par les humeurs du ciel et de la mer.

C'est à la fin de ma lecture, en allant farfouiller dans la biographie et la bibliographie de l'auteur, que je me suis rendu compte que "Entre ciel et terre" était le premier volume d'une trilogie. Je retrouverai donc le gamin avec plaisir dans "La tristesse des anges", bientôt j'espère...
Commenter  J’apprécie          6014




Lecteurs (3221) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1228 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}