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Critique de karmax211


Si Stevenson avait des terreurs nocturnes, j'eus pour ma part deux "terreurs" télévisuelles marquantes dans mon enfance : -Les aventures de Belphégor- avec l'égérie germanopratine récemment disparue. J'avoue qu'il m'a fallu du temps avant que le costume sépulcral de la jolie môme me permette de descendre à peu près rassuré à la cave pour en rapporter ce que l'autorité parentale m'avait enjoint d'y aller chercher.
La seconde, je la dois à Jean Renoir et à son adaptation en 1961 pour la petite lucarne, de l'oeuvre du même Stevenson, que le génial fils de l'Auguste peintre intitula -Le testament du docteur Cordelier-, avec dans le rôle du docteur le magistral Jean-Louis Barrault.
Là aussi... que d'émotions et de frissons... !!!
C'est donc à Renoir, à Barrault-Cordelier-Opale que je dois ma première rencontre avec le mythe universel du "double", de la dualité de l'homme engagé par essence dans une lutte éternelle entre le bien et le mal, mythe né d'un cauchemar et transposé en un chef d'oeuvre littéraire à travers - L'étrange cas du docteur Jekyll et de Mister Hyde.
Sorti de l'enfance, j'ai retrouvé partout et très souvent ce "tandem" Harry Jekyll et Edward Hyde : à la télé ( je l'ai évoqué ), au cinéma ( les versions sont nombreuses... et j'irais jusqu'à dire que Jerry Lewis doit à ce mythe l'un de ses moins mauvais films... c'est dire ! Quant à la version de Victor Fleming avec Spencer Tracy et Ingrid Bergman... quel souvenir !), dans la chanson, dans beaucoup des livres que j'ai lus, dans l'univers multiple du "psychologisme", et dans le langage courant... bien évidemment.
Avouez que ce n'est pas rien.
L'histoire du petit ( petit par le nombre de pages ) roman de Stevenson est connu de tous, mais quitte à en dire quelques mots, autant en rappeler l'essentiel.
Le notaire Utterson se promène un soir avec son cousin Richard Enfield dans un quartier de Londres. Tous les deux passent devant une étrange maison qui réveille chez ces deux hommes un souvenir commun, celui d'un être terrifiant et repoussant, Edward Hyde, un criminel sans scrupules, l'incarnation du mal.
Inexplicablement, ce petit être démoniaque était le protégé d'un homme de bien, l'ami et client d'Utterson, le docteur Harry Jekyll, lequel avait fait d'Hyde, dans un testament confié à son notaire d'ami, son légataire universel.
Quels étranges liens pouvaient-il y avoir entre le "bon" docteur Jekyll et cette créature du mal ?
Utterson le découvrira et le comprendra en lisant la lettre écrite par Hyde au moment de la mort de Jekyll.
L'intrigue est habile, tendue, haletante et précurseure.
Inutile de disserter sur ce que cette allégorie du bien et du mal suggère en nous.
Le fait est que Stevenson par son génie créatif a su matérialiser, donner corps et substance à ce que tous nous savons porter en nous.
La psychanalyse l'a fait, elle, de son côté un peu plus tard, à travers la "découverte du "Ça, du Moi, et du Surmoi"... d'un autre docteur...
Le Moi, c'est Jekyll, écartelé entre la bonne conscience de son Surmoi et ses sombres instincts enfouis dans un Ça qui n'attend que le moment où il pourra permettre à Hyde de les laisser s'exprimer.
Trente ans avant Freud, voici ce que l'on pouvait lire sous la plume de Stevenson :
"Ce fut donc le caractère tyrannique de mes aspirations, bien plutôt que des vices particulièrement dépravés, qui me fit ce que je devins, et, par une coupure plus tranchée que chez la majorité des hommes, sépara en moi ces domaines du bien et du mal où se répartit et dont se compose la double nature de l'homme... Malgré toute ma duplicité, je ne méritais nullement le nom d'hypocrite : les deux faces de mon moi étaient également d'une sincérité parfaite.”
Pas mal, non ?
Pour conclure, je dirai qu'outre son caractère mythique, universel, ce qui fait littérairement parlant l'intérêt du roman, du conte de Stevenson, c'est qu'il est multigenre. le lecteur peut y lire une histoire policière, une histoire fantastique, un roman d'épouvante, un conte philosophique ou psychologique...
Bref, c'est un coup de génie, un coup de maître pour l'aventurier qui a su emmener le lecteur palpitant aussi bien sur "l'Île au trésor" que dans les tréfonds labyrinthiques des méandres de nos âmes si complexement torturées.
À lire et à relire.




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