Il est ainsi évident qu’une cité précède un individu. Car, si un individu n’est pas suffisant en lui-même pour former un gouvernement parfait, il est simplement à une cité ce que d’autres parties sont à un tout. Et quiconque est incapable de vivre en société, ou n’en éprouve pas le besoin car il se suffit à lui-même, ne peut être qu’une bête ou un dieu. Ainsi chacun est poussé naturellement à se joindre aux autres de cette manière, et le premier à avoir fondé une société civile a apporté le plus grand bienfait à l’humanité. De cette manière l’homme est la plus belle de toutes les créatures vivantes ; tout comme, privé de lois, il en serait la pire. Car rien n’est aussi difficile à éliminer que l’injustice perpétrée par la force. Mais l’homme est né avec cette force – qui est à la fois prudence et bravoure et qui peut être utilisée aussi bien pour des causes justes qu’injustes. Ceux qui abusent de cette force sont les êtres les plus iniques, avides et voraces qui se puissent imaginer. De l’autre côté, la justice est ce qui lie les hommes à l’état, car l’administration de la justice, qui consiste à déterminer ce qui est juste, est le principe d’ordre dans la société politique.
Nous avons de la chance, car Aristote semble avoir été un brave homme. Pour lui le but de l’humanité est la recherche du bonheur, qu’il définit comme la réalisation du mieux dont nous sommes capables. Mais quel est le mieux dont nous sommes capables ? Selon Aristote, la raison est la plus haute faculté de l’homme. Donc « l’homme le meilleur (et le plus heureux) passe le plus de temps possible à l’activité la plus pure de la raison, à savoir la réflexion théorique ».
Aristote tient la poésie en très haute estime, la plaçant plus haut sur l’échelle des valeurs que l’histoire, car plus philosophique. L’histoire ne traite que d’événements particuliers, la poésie est plus proche de l’universel. Sur ce point il semble se contredire et se faire l’écho de la vision platonicienne du monde. Mais la célèbre affirmation d’Aristote sur la tragédie qui : « soulève la pitié et la crainte de sorte que ces émotions sont purgées par leur représentation » demeure capitale pour appréhender l’expérience émouvante et problématique du drame tragique.
Le VIIe siècle vit la montée de l’Islam, suivie de la conquête du Moyen-Orient par les Arabes. Les intellectuels islamiques, n’y voyant aucun conflit avec leur foi religieuse, reconnurent très vite les mérites de l’œuvre d’Aristote et commencèrent à l’interpréter à leurs propres fins. Les enseignements d’Aristote furent intégrés à tel point que presque toute la philosophie islamique provenait d’interprétations de sa pensée. Ce sont les Arabes qui, les premiers, comprirent qu’Aristote était un grand philosophe.
Les objets mathématiques ne sont pas des substances supérieures aux choses. Elles ne font que précéder logiquement, mais pas intrinsèquement, les choses perceptibles. Les entités mathématiques ne peuvent en aucun cas vivre par elles-mêmes. Mais puisqu’elles ne peuvent pas exister non plus dans des objets sensibles, soit elles n’existent pas du tout, soit elles existent d’une manière spéciale n’impliquant pas une existence indépendante. Car « exister » peut vouloir dire beaucoup de choses différentes.