AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de mesrives


 La faculté des rêves annexe à la théorie sexuelle  de Sara Stridsberg (traduit par Jean-Baptiste Coursaud) propose l' approche d'un personnage hors du commun Valerie Solanas.
L'auteur Sara Stridsberg nous avertit que « La faculté des rêves n'est pas une biographie mais une fantaisie littéraire s'appuyant sur la vie et l'oeuvre de l'Américaine Valérie Solanas, aujourd'hui décédée. » 
Une fantaisie littéraire dans laquelle j'ai plongé dès les premières pages pour suivre le parcours atypique, extra-ordinaire de Valerie Solanas qui se définit elle-même comme « la seule pute intellectuelle publique de l'Amérique. »
Un parcours qui narrativement commence par le terminus: le Bristol Hôtel, 56 Mason Street, District de Tenderloin, San Francisco, Avril 1988 où à l'agonie elle attend sa fin.
Valérie malade, souffrante, fiévreuse n'est plus que l'ombre d'elle même, seule la gabardine en lamée argent dans cette chambre crasseuse, nauséabonde nous rappelle que dans les années 60, elle était une étoile montante : auteur de SCUM manifesto, accueillie à la Factory où Andy Warhol la filme dans «  I, a man « en 1968.
La narratrice (l'auteur) s'imaginant à son chevet rembobine le film de sa vie en séquences, prenant pour décor des lieux significatifs, symboles d'étapes décisives de son cheminement intellectuel, artistique, mais aussi de rencontres marquantes.
La vie de Valerie Solanas n'est pas la vie d'une fille cousue de fil blanc mais de fils d'or et d'argent.
Oui de fils d'or et d'argent, ceux que Dorothy, Dolly pour les intimes, sa mère, cousaient dans les doublures de ses robes pour lui porter bonheur.
Dolly son premier et éternel amour, c'est le temps de Ventor, les années 40, celui de son enfance et de son désenchantement, celui de l'adolescence et de la naissance de son dégoût des hommes (Valérie est abusée par son père, puis son beau père). Sa mère un éternel papillon qui s'enivre de vin sucré, butine le coeur des hommes et ne voit rien ou ne veut rien voir.

Plus tard, loin de chez elle, loin de son désert, elle rentre dans la spirale de la prostitution : elle vend son corps pour survivre mais vendre son corps ce n'est pas vendre son âme…
Direction Alligator Reef, Floride, la plage, le tapin, la lecture, une boulimie de livres, l'espoir d'entrer à l'Université , de réaliser ses rêves et Silky boy, le garçon de soie, son double, son compagnon de la débrouille, une rencontre chaleureuse.
15 ans en 1951, pour son anniversaire elle reçoit enfin une machine à écrire, le cadeau tant espéré, Valerie n'en démord pas elle veut devenir écrivain.
Mais de fil en aiguille, les livres ouvrent l'esprit, elle décide de tenter sa chance à l'Université pour devenir psychologue.
Et là bingo, sa candidature est retenue. Départ pour l'Université de Maryland, années 50, une nouvelle vie s'ouvre à elle, une nouvelle voie un nouvel amour, Cosmogirl ou Ann Duncan.
Mais la vie n'est pas un long fleuve tranquille, elle change de cap, affirme ses points de vue, se sent un peu à l'étroit et met le cap sur New York.

New York, années 60, lieu de sa réussite artistique et noeud du drame.
En effet si aujourd'hui Valerie Solanas est connue du grand public pour la tentative d'assassinat sur Andy Warhol en 1968 c'est pourtant son pamphlet Scum manifesto que l'on devrait retenir. Avant-gardiste, qualifiée de féministe anarchiste aujourd'hui , Sara Stridsberg ressuscite cette figure hors du temps et grâce à son travail nous permet de palper la société américaine sur un déroulé d'une trentaine d'années.

Un beau roman, captivant et émouvant.
Une écriture poétique et crue.
Un texte qui chamboule, qui émeut avec des instants lumineux et d'autres très noirs.
Alcool, addiction aux psychotropes, et la noire araignée qui tisse sa toile dans l'esprit de Valérie… nous ne pouvons qu'assister à sa chute inévitable.

Où est-tu partie Valérie Solanas , oiseau lumineux, blessé et noir ?
« Le soleil surfe partout dans le ciel, tu fardes tes lèvres de vieux rose, tu te regardes dans le miroir brisé. La plus belle gamine de neuf ans de toute l'Amérique. La surfeuse la plus rapide d'Alligator Reef. L'étudiante star de l'Université du Maryland. La femme qui n'a pas réussi à tuer Andy Warhol. »

Un coup de coeur, une double découverte: celle d'un auteur, Sara Stridsberg et celle d'une artiste et de sa production , Valérie Solanas et son Scum manifesto.
Commenter  J’apprécie          690



Ont apprécié cette critique (61)voir plus




{* *}