- Mon dieu, comme j'aime les jeunes ! On les critique trop. Les gens se plaisent à croire que le rôle des jeunes générations est de précipiter le monde à sa perte.
Mais ça n'est jamais le cas, pas vrai ? Ils sont pleins d'espoir et de bienveillance, et ce n'est que justice.
Enfin, inutile de se voler la face : Christopher est raide dingue d'elle. Sans doute leur vie sexuelle est-elle pour le moment très intense et sans doute aussi sont-ils persuadés que cela va durer, comme le croient toujours les jeunes couples. Ils croient aussi qu'ils en ont enfin terminé avec la solitude.
A cette pensée, Olive étendue sur le lit hoche lentement la tête. Elle sait que la solitude peut tuer - de bien des façons, elle peut vraiment tuer les gens. La conception qu'Olive se fait de la vie repose sur ce qu'elle appelle les "grandes secousses" et les "petites secousses". Parmi les grandes secousses, on compte les mariages, les enfants, l'intimité qui permet de survivre, mais ces grandes secousses recèlent des courants dangereux et invisibles. C'est pour cela que les petites secousses existent : ce peut être un vendeur sympathique chez Bradley ou la serveuse du Dunkin'Donuts qui sait comment vous prenez votre café. C'est un équilibre difficile à trouver, vraiment.
Il s'était aperçu qu'elle ne fumait plus le dimanche matin, mais n'avait pas voulu lui en faire la remarque. Les appétits du corps sont de petites batailles privées.
La vie est une suite d'arrangements. Une suite de compromis.
Depuis quelque temps, ils passaient vraiment de bons moments ensemble. Un peu comme si leur vie de couple avait été un long repas très compliqué, mais qu'à présent ils pouvaient déguster un délicieux dessert.
Scruter son regard revenait à scruter une véranda fermée par une moustiquaire.
Écoutez, Docteur Sue, tout au fond de moi est tapie cette étrange créature qui, de temps en temps, gonfle comme une tête de calamar et crache sa noirceur.
Un pan de soleil hivernal eclaboussait la vitre de l'étagère à cosmétiques, faisant luire comme du miel un fragment de papier.
Christopher avait juste besoin de sa mère. Elle était avec son fils, il avait besoin d'elle. Quelle qu'ait pu être la rupture qui les avait éloignés l'un de l'autre des années plus tôt, aussi imprévue que l'éruption cutanée sur la joue d'Ann, une déchirure qui avait éloigné chaque jour un peu plus la mère de son fils, elle pouvait être raccommodée. Elle laisserait une cicatrice mais la vie n'était qu'une accumulation de cicatrices, il fallait aller de l'avant et c'est ce qu'Olive ferait avec son fils.
Comme pour s'assurer qu'il s'agissait bien de Mary Blackwell, Olive lui jeta un coup d'oeil et reconnut dans ses traits une lassitude pacifiée et un reste de sympathie. Comme si la simplicité et l'honnêteté s'étaient retrouvées dessinées sur une feuille de papier.