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Critique de BazaR


BazaR
29 septembre 2022
Un début de réconciliation avec Theodore Sturgeon ?

Suite à quelques déconvenues avec cet auteur qui ne semblait pas me convenir, je me suis joint à Nadou38 et Srafina dans la lecture de Les plus qu'humains afin de lui redonner une chance. Eh bien l'expérience est concluante cette fois ; ce roman m'a certes bousculé avec ces situations sans concessions, mais au moins il ne m'a pas ennuyé.

Bousculé, je l'ai été par tous ces personnages marqués par la vie dès leur enfance. L'idiot est faible intellectuellement, Alexia et Evelyne sont éduquées par un père odieux aux règles d'une rigidité d'airain, Janie a une mère qui rêverait la voir disparaître. J'en passe. Certains d'entre eux, comme Gerry, reproduisent le modèle et font montre d'une cruauté et d'une absence de compassion crasses. Sturgeon ne nous épargne pas : maltraitance, injures, méchanceté gratuite, animosité, racisme. Prédateurs et proies, l'échantillon d'humains qu'il met en scène fait peine à lire. Il n'est pas tendre avec eux. Bien avant G.R.R. Martin, il peut nous faire aimer un personnage et l'éliminer littéralement d'un trait de plume.

Mais le style utilisé est épatant, si l'on y adhère comme moi. Dans les trois parties – qui pourraient être autant de nouvelles regroupées en fix-up – l'auteur nous plonge tout habillé dans la péripétie, sans nous réconforter avec des explications de contexte (Roger Zelazny emploie le même genre de technique). A chaque fois je me demandais où je me noyais. La première partie nous fait sauter d'un regard à un autre, de L'idiot à Evelyne à Janie et retour. On apprend à les connaître en supportant leurs avanies, comme si l'auteur voulait que l'on se mette dans leur peau (et ça ne donne pas vraiment envie). Mais ça marche pour qui manifeste un peu d'empathie. Les deux autres parties sont construites un peu sur le même système : on partage la découverte de soi de personnages qui ont oublié une grande partie de leur passé. L'histoire, ce sont leurs souvenirs qui reviennent, les deux fois selon une méthode différente particulièrement efficace.

Cependant le thème principal est la surhumanité. Theodore Sturgeon construit un être supérieur en « agrégeant » des humains comme autant de membres ou d'organes. Chaque « composant » a un don : télépathie, télékinésie, téléportation et a eu jusqu'ici une vie dont on ne rêvera pas. Cet agrégat a un composant « tête » qui dirige, pour peu que tous les composants l'accepte. Lors des meilleurs moments d'union, le tout est bien supérieur à la somme des parties, mais les composants ne sont pas décérébrés, ils ont encore une certaine individualité. Cela entraîne des instabilités dans cette nouvelle structure.
Le tout est de savoir comment ce « Plus qu'humain » doit réagir face à l'humanité. Dominer, comme elle en a les moyens, aller jusqu'à se comporter comme l'homme avec les fourmis, ou bien développer une « éthique », un comportement bienveillant permettant de vivre en bonne intelligence avec les hommes. Ce débat sera repris et rabâché dans les X-men (si, si !) avec Magneto qui est pour la domination et « la sélection naturelle » et le professeur Xavier pour la cohabitation. Mais Sturgeon offrait déjà une solution bien avant ses compères de comics. Et j'avoue que j'ai trouvé son analyse à base de morale et d'éthique convaincante. le seul point qu'il n'aborde pas, c'est la réaction de l'humanité découvrant l'existence de « l'homo gestalt ». A n'en pas douter peur et résolution de l'anéantir.

La fin m'a surpris. Je ne m'attendais vraiment pas à ce que l'auteur fasse jouer une telle corde. Les événements qui y amènent semblent parfois tirés par les cheveux. Janie a des actions aux antipodes de son attitude du début et ses motivations ne sont pas si claires : amour pour Hip mixé avec la volonté de remettre son « homo gestalt » sur de bons rails ? Hip conceptualise la morale et l'éthique en quelques minutes alors qu'il sort d'une très longue période de brumes. Bref, beaucoup de choses arrivent à point nommé.
Malgré ce chemin qui peut rendre perplexe, je l'accepte car cette fin ouvre certaines perspectives, et certaines fenêtres pour peut-être faire courant d'air.

Merci à mes deux compères de LC avec qui nous avons eu de riches discussions. Grâce à elles, il est donc possible que je tente un autre Sturgeon un de ces jours.
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