Parmi les souvenirs d'une netteté étincelante que j'ai gardés de cette journée, il y a d'abord cette légèreté de l'air autrichien, ensoleillé et doux, embaumé des parfums d'un printemps en apparence figé pour l'éternité.
Ensuite seulement vint l'odeur.
Elle atteignit mes narines alors que nous étions encore à deux ou trois cents mètres du camp. Un grand charroi de camions bâchés nous contraignit à stopper et notre chauffeur improvisé en profita pour proclamer avec une détermination rageuse qu'il n'irait pas plus loin. Nous dûmes descendre et poursuivre à pied. L'odeur se fit plus perceptible, elle stagnait en nappes successives et immobiles. « Fours crématoires », dit Blackstock avec son traînant accent du sud, et le ton placide, cet accent même, dépouillèrent les mots de presque tout leur horreur. Nous passâmes les portes larges ouvertes. ....
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sitôt le grand porche franchi, se perdait aussitôt dans une mer immense et muette de cadavres vivants, étrangement peu mouvante