J'adore les éditions Gallmeister.
J'adore les bisons ainsi que tout ce qui broute, rampe ou plane sur les grandes étendues sauvages de l'ouest américain.
Et j'adore par dessus tout les Goonies (mais si, vous savez, ce chef d'oeuvre cinématographique des années 80, cette pépite éducative d'un haut niveau culturel, ce bijou de sophistication et d'intelligence que l'on ne trouve plus guère aujourd'hui que dans les plus confidentielles des cinémathèques d'art et d'essai et qui relate les aventures extraordinaires d'une bande de copains lancés sur les traces de Willy le Borgne et de son fabuleux trésor ! ... oups je m'égare) Bref, j'aime bien les histoires d'amitié et de gamins turbulents.
Tout ça pour dire quoi ? Qu'avec son éditeur, ses grands espaces et ses héros en culottes courtes, "
Bénis soient les enfants et les bêtes" avait, en plus d'un joli titre, tout pour me plaire.
Hélas, je ne peux pas dire que ce court roman aura tout à fait comblé mes attentes...
Le petit groupe de potes est pourtant bien là, six gentils losers courageux, unis à-la-vie-à-la-mort dans l'adversité, l'esprit de camaraderie et le souffle épique de l'aventure sont là, les grandes plaines de l'Arizona et les animaux itou, il y a même quelques passages particulièrement poignants sur l'extinction inexorable de tout ce qui broute, rampe ou plane (avec en point d'orgue les très belles pages 104 à 106, qui expriment avec beaucoup de justesse et un réalisme cru toute la barbarie de l'homme blanc, tellement plus cruel que la bête innocente qu'il prend plaisir à massacrer...)
Il y a tout ça, oui, et pourtant, impossible de m'enthousiasmer vraiment pour ce texte court, écrit dans un style qui m'aura laissé plutôt indifférent (serait-ce parce que la version originale du roman date de 1970 ?) et entrecoupé au petit bonheur la chance de longs extraits en italique - censés nous éclairer sur le passé et la personnalité de chaque adolescent - mais qui, surgissant trop fréquemment et trop aléatoirement, nuisent un peu à la fluidité du récit.
Dommage, d'autant que
Glendon Swarthout aborde là des thèmes qui me sont chers (à commencer par ceux de la fraternité, de l'exclusion, de la solidarité dans la différence
et de la protection animale), thèmes qu'il aborde d'ailleurs d'une manière originale en confiant à des ados rebelles échappés nuitamment d'un camp de vacances une mission pour le moins périlleuse...
Le noeud de l'intrigue est habilement dissimulé au coeur d'une aventure faite de mystères, de liens d'amitiés puissants, d'utopies juvéniles, d'actes de bravoure et dépassement de soi. Il nous faudra d'ailleurs attendre la seconde moitié du récit pour comprendre la nature du secret et du pacte qui lie nos six évadés.
Ne comptez pas sur moi pour en dévoiler davantage, j'en ai déjà trop dit.
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Hasard du calendrier : je termine ma lecture le jour où le JT de 20h dévoile les images atroces d'une chasse à courre et d'un cerf traqué jusqu'à l'épuisement aux abords de Compiègne. Il semble heureusement que la pauvre bête ait survécu, au grand dam des pisteurs bottés et casqués amassés là pour jouir de sa mise à mort.
Je me permets, puisque c'est le moment, de rappeler à tous ces braves gens "qu'aucune espèce n'a été créée pour en exterminer une autre" et de les renvoyer à la lecture de la page 105.
A bon entendeur.
Extrait choisi : "L'une après l'autre, poussées jusqu'à l'épuisement total, piégées par la clôture, les chevaux et leur perplexité, sous un ciel immaculé, ces créatures mythiques mouraient. Elle mouraient non pas en état de grâce, non pas avec la majesté qui leur était propre, mais comme des moins que rien, maudites par la nature. Elles mourraient dans la poussière d'une mort infamante, sous le crachat du plomb."