Citations sur Homesman (59)
C’était une tempête de glace, un phénomène climatique typique des Grandes Plaines. Des nuages de cristaux de glace presque aussi fins que de la farine étaient projetés au ras du sol par un vent rugissant. Aucun homme, aucun animal ne pouvaient les affronter. À découvert, le visage d’un homme était aussitôt maculé de givre, ses paupières gelaient, son souffle se coupait et ses vêtements étaient soudain si constellés de glace que son corps tout entier s’en trouvait figé. Seule la protection du chariot et de la bâche sauva ces voyageurs. La bâche se mit à claquer et les fouetta avec une telle violence qu’ils durent l’attraper et la tirer avant de la lester de tout leur poids. Même dans leur maigre abri, les animaux souffraient terriblement. Au bout d’une heure, leurs corps furent recouverts de glace ; au bout de deux heures, leurs têtes étaient grosses comme des paniers en osier, entourées d’une couche de glace créée par leur respiration congelée. Bientôt, ni les mules ni les chevaux ne purent soutenir ce fardeau encombrant, aussi inclinèrent-ils la tête contre le sol. Des heures durant, la tempête attaqua le chariot et ses occupants. (…)
Vers le matin, le vent cessa de souffler aussi brusquement qu’il avait commencé et le seul bruit sur terre était celui des animaux qui respiraient par les orifices dans la glace au niveau de leurs naseaux. Il faisait encore nuit noire, mais l’obscurité finit par se délaver en gris, puis un immense soleil doré se hissa à l’horizon, le premier soleil qu’ils aient vu depuis onze jours, et, en quelques minutes, ses rayons transformèrent le paysage de glace en un paysage de diamants. Il brillait d’une intensité presque divine. Le sol semblait recouvert d’un feu blanc d’un mètre d’épaisseur.
Vue du ciel, Loup devait ressembler à un amas de bouses de bison. Vue de la terre ferme, c’était un éparpillement de cabanes et de petits bâtiments, certains en terre, d’autres en bois, parfois les deux, érigés ici et là dans un vallon, et au milieu serpentait une route principale maculée de boue et de crottin. Dans la ville se trouvaient un magasin général et une épicerie où le courrier, quand il était acheminé, était distribué ; une banque avec un comptoir, un bureau et un coffre-fort ; un saloon avec un fût de whiskey et un bar constitué de plusieurs planches posées sur des tréteaux ; un parc d’engraissement où l’on vendait les chevaux et les mules et où l’on abattait les porcs et les bœufs à la demande locale ; et l’entreprise de Buster Shaver, constituée d’une forge aux murs de bois, d’une remise en planches et d’une écurie surmontée d’un toit couvert de broussailles. Par beau temps à Loup, on comptait près d’une centaine d’habitants et de chiens, sauf le dimanche. Par mauvais temps, on en comptait moitié moins, chiens y compris.
Elle aimait la musique. Tandis qu'elle chantait et jouait, elle sentit fondre la glace en elle, elle sentit reculer la peur, et le vide se combler peu à peu, retrouvant cette véritable part d'elle-même, forte et chaleureuse. Elle s'était souvent livrée à cet exercice lors des interminables soirées hivernales.
Mary Bee Cuddy pensait parfois qu'il lui avait permis de garder toute sa tête.
Vue du ciel, Loup devait ressembler à un amas de bouses de bison. Vue de la terre ferme, c'était un éparpillement de cabanes et de petits bâtiments, certains en terre, d'autres en bois, parfois les deux, érigés ici et là dans un vallon, et au milieu serpentait une route principale maculée de boue et de crottin. Dans la ville se trouvaient un magasin général et une épicerie où le courrier, quand il était acheminé, était distribué ; une banque avec un comptoir, un bureau et un coffre-fort ; un saloon avec un fût de whiskey et un bar constitué de plusieurs planches posées sur des tréteaux ; un parc d'engraissement où l'on abattait les porcs et les bœufs à la demande locale ; et l'entreprise de Buster Shaver, constituée d'une forge aux murs de bois, d'une remise en planches et d'une écurie surmontée d'un toit couvert de broussailles. Par beau temps à Loup, on comptait près d'une centaine d'habitants et de chiens, sauf le dimanche. Par mauvais temps, on en comptait moitié moins, chiens y compris.
Elle aimait ces arbres solitaires. Ils étaient intrépides.
Ils n'avaient pas d'enfant, mais ce n'était pas faute d'essayer. Chaque nuit, sauf quand elle avait ses règles, le mari passait une jambe par-dessus son épouse, relevait sa chemise de nuit, la montait, s'affairait sur elle comme s'il maniait un pied-de-biche ou une hache, versait sa semence, roulait sur le côté et s'endormait. Ils n'échangeaient aucun mot doux. Ils ne s'embrassaient pas. Thor ne concevait pas pourquoi Gro ne pouvait pas concevoir. Comment un champ, un champ vierge, labouré et semé à maintes reprises, pouvait-il ne produire aucune récolte ? Quel poison dénaturait ce terreau ? C'était sans doute elle, la fautive. N'avait-il pas rempli son devoir ? Pourquoi ne pouvait-elle pas remplir le sien ?
Les spéculations allaient bon train pour déterminer qui, du docteur ou du révérend, parcourait le plus de kilomètres à dos de cheval. Dowd était généralement déclaré vainqueur, mais il avait un chargement moindre, rien que le Livre saint et une paire de chaussettes propres, tandis que le docteur – Jessup était son nom – était ralenti par sa sacoche noire, sa bouteille de whiskey et sa capacité à dormir sur selle, ce qui permettait ainsi à sa monture de lambiner. Dowd était sans doute plus utile à sa congrégation. Il restait au chevet des malades. Il prodiguait des conseils à ceux qui doutaient. Il consolait les endeuillés. Il restaurait l’harmonie dans les discordes entre époux. Il réconfortait les couples au bord de la faillite.
— L’homme est plus riche que la terre elle-même, leur disait-il.
L’obscurité était désormais totale. Elle alluma une bougie. Dans la malle, elle trouva sa fine alliance en or (...)
Aux premières lueurs du jour, Vester se leva et s’habilla, puis il alla nourrir le bétail à l’étable et seller son cheval. Line se leva, s’habilla, alluma un feu dans le poêle avant de sortir aux toilettes. Au retour, elle vida les seaux de pluie et alla réveiller les filles. Les pieds dans la boue, elle prépara des galettes de maïs. Il ne lui restait plus que de la farine de maïs, qu’elle mélangea avec de l’eau jusqu’à ce que la pâte soit trop épaisse pour couler, puis elle la mit à frire. Elle en prépara assez pour leurs prochains repas, à elle et à ses filles.
La maison était construite en blocs de terre d’un mètre de long sur trente centimètres de large, sortis du sol vierge de la prairie par la charrue tirée par les bœufs, puis alignés pour former un mur d’un mètre d’épaisseur. À l’intérieur, la maison mesurait six mètres par cinq. L’unique porte en bois, montée sur des gonds en corde, ne fermait jamais complètement, et il était impossible de voir à travers la fenêtre encadrée d’un chambranle tant le verre était gondolé. Le lit des filles était installé derrière la tenture, et de l’autre côté se trouvait ce qu’ils appelaient “\la pièce de devant”\, où ils se réunissaient tous. Ils prenaient leurs repas autour d’une planche posée sur des tréteaux, père et mère sur une chaise près du poêle, une fille sur une caisse et les deux autres sur le lit des parents. Line possédait peu de meubles. Elle avait deux étagères fixées au mur en terre pour y ranger ses couverts, ses ustensiles de cuisine, sa poêle à frire, ainsi qu’un petit placard fermé par un pan de tissu pour le sel, le bicarbonate de soude, la chicorée et autres denrées.