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Critique de afriqueah


Eh oui, il prétend, Pereira, cet homme un peu gros, un peu vieux, très veuf, très catholique, très seul, responsable de la section culture du journal Lisboa, peu au courant de ce qui advient dans sa propre ville, car le directeur du journal est lui-même en vacances.
Mais assez au courant pour trouver impubliable l'éloge à Garcia Lorca, au moment où sur une place de Lisbonne( peut-être celle du Palais Royal, où s'étalent les somptueux azulejos de la couverture) s'affiche « Honneur à Francisco Franco, »
Donc, il prétend, Pereira, et cela ne peut lui être reproché, que le ciel était bleu ce jour là, bleu dans le ciel bleu d'une brise atlantique, ce vingt-cinq juillet mil neuf cent trente huit.
Il prétend, tout en étant sûr qu'il se fourvoie.
Devant qui prétend-t-l ?
Devant la police impitoyable de Salazar, qui envoie ses sbires tueurs ?
Devant les futurs révolutionnaires qui ne manqueront pas d'apparaitre ?
Devant le portrait de sa femme, à qui il parle chaque jour ?
Devant ce qu'il devine être la liberté , ça, il le prétend seulement ?
Il prétend, sans prétention, parce qu'il n'est au courant, prétend-il, de rien.
Cela commence par un charretier de l'Alentejo qui avait été massacré, il était socialiste.
Et puis , la boucherie juive avait été éventrée.
Et lorsqu'un prêtre lui demande, mais comment, tu ne le savais pas ? il pense dans quel monde est-ce que je vis ? et peut-être, justement, je suis mort., prétend-il.
Entre ce qu'il voudrait dire à ce jeune arrogant qu'il a, malgré lui, contacté, pour qu'il l'aide à dresser des hommages aux futurs écrivains pas encore morts, ce qu' il essaie, prétend-t-il, de lui dire, pour se dégager de ce guêpier, et l'argent que finalement il lui donne, il y a un hiatus qu'il ne comprend pas.
Il ne se comprend pas lui-même, prétend-il.
Il ne veut pas prétendre indument, au contraire, il prétend, il voudrait dire mais ne dit pas.
Car -dessus de lui, son directeur est un personnage du régime, et puis, au-dessus, le régime, ce qui veut dire la police et sa censure : tout le monde au Portugal est bâillonné.
Lui aussi se sent bâillonné, il rêve sans vouloir raconter son rêve, il voudrait confesser son repentir, mais de quoi se repentir ? de quoi se dépêtrer, dans ce monde qu'il prétend ne pas connaître, et pourtant dont il devine, quoi, prétend-il ? il ne le sait pas.
Mais , pourtant, le garçon de café à qui il demande des nouvelles du pays , lui parle de l' implication de Bernanos contre Franco. Un catholique, ce Bernanos, comme Pereira, prétend-il.
Et puis, le docteur Cardoso lui conseille de négliger sur surmoi, pour donner libre cours au moi « hégémonique » dit –il : en termes freudiens le moi est bien l'instance essayant de concilier d'une part le ça, ou principe de plaisir ( ses citronnades sucrées) et d'autre part le Surmoi qui lui interdit de vivre , le bloque dans le passé et le souvenir de sa femme.
Il chemine, ce Pereira, il n'a rien voulu de ce qui lui advient, mais, prétend-il, mais cela est advenu.
Il s'ouvre à son propre moi , il ne le prétend pas, il le vit.

Lc thématique octobre : un verbe dans le titre

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