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Critique de mh17


mh17
09 septembre 2022
La nouvelle «Piccoli equivoci senza importanza » est l' un des premiers textes d'Antonio Tabucchi (1985). le titre fut malencontreusement traduit d'abord par « petits malentendus sans importance ». Or comme l'explique Tabucchi lui-même dans un entretien « y a une différence, disons, ontologique entre le malentendu et l'équivoque : si le malentendu peut toujours être éclairci, l'équivoque en revanche implique une perception erronée de la réalité, de la vérité. On pourrait le comparer, d'un point de vue visuel, au trompe-l'oeil. »
Dans les onze nouvelles du recueil, les personnages vivent donc des équivoques, des broutilles apparemment sans importance, nées d'une perception erronée de la réalité qui vont changer implacablement leur existence. Les récits ne sont pas linéaires, la narration est rétrospective et fragmentée. La vie des personnages apparaît par bribes comme un puzzle, un rébus à déchiffrer ou « un tissu où tous les fils se croisent ». Souvent, je me suis égarée agréablement dans « les trous » du puzzle et je me suis retrouvée dans un monde flottant, léger et mélancolique, celui des fantômes, des rêves brisés, de l'enfance perdue et des regrets.

1. Petits équivoques sans importance ***** : Léo et Federico se retrouvent face à face au tribunal dans un procès politique. Tonino le narrateur est journaliste et les observe. Autrefois à l'université, ils étaient tous amis : Léo, Federico, Matteo et lui : mêmes convictions politiques et tous amoureux de la belle Maddalena avec laquelle ils dansaient. Une erreur administrative idiote a fait dérailler le train de Federico et celui de tous ses amis. Antonino veut rattraper le coup mais…La nouvelle est magnifique, poétique et tragique.

2. En attendant l'hiver**** : un vieil écrivain très célèbre et très arrogant est mort. Sa veuve bouleversée doit jouer le rôle qui lui est assigné, recevoir. La gloire de son mari envahit son imaginaire, ses souvenirs et ses rêves. Elle accueille son éditeur allemand qui veut récupérer les oeuvres posthumes…L'équivoque naît de l'image que les autres ont d'elle.

3. Rébus : *** escapade amoureuse rocambolesque en Bugatti autour d'une escroquerie proustienne. La réalité et l'illusion se mêlent. La nouvelle ravira surtout les amateurs de devinettes littéraires : noms des personnages, pastiches et parodies avec de nombreuses métaphores sur la vie en rapport avec les fameuses équivoques.

4. Les sorts : ***** le jeune narrateur est en vacances chez sa tante Esther et joue avec sa cousine Clélia qui semble très malade. Celle-ci joue à la fée Mélusine et complote pour jeter un sort à l'époux de sa mère, l'oncle Tullio qu'elle n'aime pas…Un très beau récit d'enfance mélancolique avec une chute.

5. Chambres : **** Amelia visionne des photographies la représentant avec son frère Guido à différents âges de leur vie. Ils ont toujours vécu ensemble une mince cloison séparant leur chambre respective. Une nouvelle fascinante et dérangeante.

6. Any where out of world : **** Un homme semble fuir quelque chose. Il est à Lisbonne, il feuillette les petites annonces d'un journal et tombe sur la phrase : « Any where out of world » avec un numéro de téléphone…Le texte fait référence à un poème en prose du Spleen de Paris de Baudelaire.

7. La rancoeur et les nuages : **** L'ascension sociale d'un homme d'origine modeste, opportuniste et mesquin. Il cultive un total mépris envers ceux qui lui rappellent ses origines (sa femme, sa fille) et ceux qui l'aident à faire son trou. Devenu universitaire, il traduit Antonio Machado, grand poète espagnol engagé contre Franco en se persuadant qu'il a dépassé l'auteur…Dans les notes, Tabucchi précise que le texte est réaliste.

8. Iles : **** le récit débute par une lettre maladroite et sans ponctuation ; son émetteur essaie d'écrire à sa fille instruite Maria Assunta pour lui expliquer qu'il veut rester vivre sur l'île, seul. Il est gardien de prison et c'est son dernier jour. Il transfère un prisonnier vers l'hôpital. Celui-ci le supplie d'ôter ses menottes afin d'écrire une lettre…Une très belle nouvelle sur la solitude.

9. Les trains qui vont à Madras : *****Lors de ce voyage, le narrateur fait la connaissance d'un homme à l'accent germanique voyageant sous le pseudonyme de Peter Schlemihl (le personnage de Chamisso) avec une simple valisette. L'homme lui confie qu'il se rend à Madras pour voir une statue dansante de Shiva…La nouvelle est extra, magnifiquement contée.

10. La main passe : * Hou la la ! Je n'ai pas compris grand-chose ! le narrateur est à New-York et se prépare comme d'habitude à une livraison, nous le suivons à travers la ville. Il a l'air vieux et fatigué. Il enfreint les règles du milieu. Il se souvient d'une mystérieuse Dolorès. Franklin est ensuite à l'opéra, il regarde les spectateurs qui regardent la pièce. Au troisième acte, il retrouve sa contact qui s'est donnée un pseudonyme étrange…Le récit emprunte au roman d'espionnage, à Pirandello, à Shakespeare…S.O.S lectrice en détresse !

11. Cinéma : ****Elsa et Eddie sont deux acteurs qui tournent la dernière scène d'un remake sur la Riviera. Bien des années auparavant, ils ont déjà joué ce film (un mélo genre Casablanca ) , se sont séparés, se sont perdus de vue…se retrouvent et…Beaucoup plus facile à suivre que le précédent. le récit mêle fiction et réalité, le tragique et le comique avec sa description croquignolette du milieu du cinéma. Clap de fin.
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