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Critique de Charybde2


Une anthropologie historique brillante du triangle camarguais, façonné en emblème du permanent travail politique conduit entre le minéral, l'organique et l'imaginaire.


Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/07/23/note-de-lecture-delta-fanny-taillandier/

La Camargue comme un triangle physique et symbolique, marqué au sceau de cette lettre Δ devenue le nom générique d'une forme particulière d'embouchure fluviale. La Camargue comme lieu ancré dans une histoire polycellulaire, économique, politique, culturelle et in fine écologique. La Camargue comme incarnation inattendue de la notion évolutive et équivoque d'Empire, que traque Fanny Taillandier depuis plusieurs ouvrages à présent.

Après le signe annonciateur que constituait « Les états et empires du lotissement Grand Siècle » en 2016, ce sont les deux installations « Par les écrans du monde » en 2018 et « Farouches » en 2021 qui proposent cette enquête fondamentalement politique, mais méticuleusement polymorphe. « Delta », publié en avril 2022 dans la collection Symbiose des éditions du Pommier (et ainsi sous le signe de Michel Serres : « le droit de symbiose se définit par la réciprocité : autant la nature donne à l'homme, autant celui-ci doit rendre à celle-là… ») choisit un angle résolument différent, ancré sur un terrain géographique beaucoup plus spécifique, que l'autrice sait ici rendre étonnamment emblématique.

Exceptionnel hommage à la nature sans aucune posture d'adoration (dans une tonalité, sur ce point, au fond pas si éloignée de celle des « Diplomates » de Baptiste Morizot), « Delta », dans la géométrie dessinée par les trois acteurs en présence (minéral, organique et imaginaire : « Les noms indistincts » de Jean-Claude Milner pourraient bien travailler aussi cette géographie-ci), entre Arles, le They de la Gracieuse (qui implique Port-Saint-Louis comme Salin-de-Giraud) et l'étang du Ponant (qui englobe métaphoriquement, de son côté, aussi bien La Grande-Motte que les Saintes-Maries-de-la-Mer ou Aigues-Mortes), respecte l'ingéniosité humaine (en soulignant toutefois ses innombrables inconséquences à moyen et long terme – on songera peut-être ici au travail rebelle de Jean-Baptiste Vidalou), note la prégnance toujours oubliée de la vie matérielle, rappelle la vanité des fantasmes des « maîtres et possesseurs », agence les références dans un entrechoc permanent qui crée du sens trop négligé de prime abord, et nous offre in fine un parcours puissant et singulier de réflexion politique (et presque philosophique) sur l'action humaine confrontée à la durée, sur l'hybris impériale (au sens propre comme au sens figuré) et sur un art d'accommoder ce qui subsiste que ne renierait peut-être pas, sur un terrain géographiquement voisin, le Frédéric Fiolof de « Finir les restes » (où Beauduc et Piémanson tiennent aussi leur juste place).

Lien : https://charybde2.wordpress...
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