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Citations sur Le fabuleux destin de Belvédère Boursin (4)

Il est un peu plus de quatre heures cette nuit-là lorsque Jean Claude secoue Belvédère pour l’extirper de son petit lit tandis que Christiane et Gérard sont encore larvés dans leur sommeil.
Après un petit-déjeuner sommaire et pris à la hâte, les deux quittent le foyer familial au milieu de la nuit noire pour se diriger vers le puits numéro 24 auquel le père est assigné depuis plus de dix ans.
Belvédère est admis à l’essai pour quelques semaines grâce à l’intervention de son père mais aussi de celle de Marijke. Jean-Claude se porte garant de son jeune fils tandis que, de son côté, Marijke ne déroge pas à ses habitudes et pioche dans la caisse de son mari pour corrompre le contremaître.
Si la période d’essai n’est pas probante, le jeune stagiaire devra alors déloger le puits et se dégoter une autre situation.
Le cadet des Boursin n’éprouve ni joie ni appréhension à la perspective de descendre au fond de la mine. Il est bien conscient que les journées passées dans les entrailles du 24 risquent d’être plus éprouvantes que celles passées à l’école mais peuvent aussi s’avérer tellement plus distrayantes que les longues et rébarbatives heures qu’il a parfois pu passer sur les bancs de son ancien établissement scolaire.
Belvédère est plus frêle et moins robuste que son frère mais néanmoins pourvu d’une bonne condition physique. La rudesse du quotidien ne l’effraye pas outre mesure et la perspective d’apprendre enfin quelque chose éveille sa curiosité.
Les premières heures passées au fond du 24 sollicitent chez lui une émulation inattendue et salvatrice. Son petit gabarit couplé à son tempérament intrépide lui permet d’accomplir des tâches hors de portée des adultes, en accédant à des failles jusque-là inexplorées. En quelques heures, Belvédère se mue en petit héros qui suscite la sympathie des collègues de son père. Le cadet Boursin est le seul piocheur en bas âge, hormis une jeune fille à peine plus âgée que lui, prénommée Josy.
Josy fait sa première descente dans la cuvette environ six mois plus tôt. Elle est l’unique mouflette d’une famille abonnée à la mine depuis trois générations. Elle n’a jamais mis les pieds à l’école et s’est imprégnée de quelques rudiments scolaires à distance en aidant Malou, sa pauvre Maman, illettrée et grabataire.
Cela fait des années que la petite Josy assiste ses parents qui cumulent déboires financiers et problèmes de santé.
Le vocabulaire de Josy est celui du néolithique et son élocution est à couper à la hache mais la galopine n’est ni vilaine ni repoussante.
Ses yeux, d’un bleu étincelant, mettent son visage en lumière et masquent maigreur et pâleur maladives.
Dès la première entrevue, Belvédère ressent une irrépressible attirance pour la petite Josy et ni son terrible accent ou encore son vocabulaire primitif n’enraye l’élan du garçonnet.
Belvédère lui propose son amitié mais la petite carolo lui répond sans détour qu’il doit d’abord faire ses preuves. Elle lui explique avec un accent abominable et quelques mots ramassés à la hâte qu’elle n’a pas pour habitude de frayer avec le premier venu et que Belvédère doit l’impressionner s’il veut obtenir son amitié ….et ponctue ses propos par un « et plus si affinités ».
L’intégration de Belvédère au sein de sa nouvelle communauté est instantanée et après quelques jours, il s’exprime déjà dans le même jargon que Jean-Claude et ses camarades. Il adopte les usages, profère les mêmes insultes et se divertit de la même manière que les adultes.
Deux semaines après la descente initiale, Jean-Claude et son fils regagnent le domicile familial revêtus de leur bleu de travail, maculé de houille et de boue. Le père est fier de son fils comme si celui-ci venait d’être proclamé Prix Nobel de Littérature.
Arrivés au coin de la rue, ils aperçoivent Gérard qui descend du bus affublé d’un uniforme droit et amidonné de jeune aspirant policier.
Belvédère est hilare lorsqu’il aperçoit son frère, attifé de son uniforme parfait qui fait reluire sa première étoile. Sa jubilation est contagieuse car Jean Claude ne peut pas non plus se retenir en voyant son aîné parader en rue dans son accoutrement disgracieux.
En les voyant tous les trois remonter la chaussée, il est difficile pour tout observateur extérieur d’imaginer qu’ils appartiennent à la même famille et vivent sous le même toit.
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Fabuleux : adjectif
- Littéraire : qui appartient aux légendes anciennes, à la mythologie, mythique
Les animaux fabuleux d’Esope
- Familier : qui est exceptionnel par ses qualités
Un type fabuleux
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Partie 1: 22 jours après Armstrong.
Il est quinze heures trente-huit minutes ce dimanche deux mars 1969 lorsque les ingénieurs Français de Sud Aviation et Anglais de British Aircraft Corporation, entourés de quatre cents journalistes voient Concorde 001 quitter la piste de l’aéroport de Toulouse Blagnac. Lancé à trois cent vingt kilomètres heure, les roues du train avant du premier avion supersonique s’arrachent du sol vingt-deux secondes plus tard pour s’encastrer dans le fuselage pour un vol expérimental de vingt-sept minutes. En moins d’une demi-heure, les quatre réacteurs Olympus engloutissent plus de quinze tonnes de kérosène. Il est près de seize heures cinq minutes lorsqu’André Turcat aligne le grand oiseau métallique en bout de portée et pose sans encombre les nonante neuf tonnes de l’appareil sur le tarmac. La première sortie du prototype couronne sept années d’efforts, des milliers d’heures de travail et porte l’espoir et l’attention de deux pays décidés à relever le défi Américain.
Il est un peu plus de vingt-deux heures ce vingt juillet 1969 lorsque l’équipe d’astronautes du CAPCOM qui suit en direct depuis Houston le parcours spatial de Saturn V reçoit les premières images de Neil Armstrong et d’ Eddie Buzz Aldrin qui viennent de se poser sur la lune. Six cents millions de personnes, les yeux vissés sur leur écran de télévision, assistent à la descente d’Armstrong de la capsule lunaire Apollo. Après avoir mis le pied gauche sur le sol, il lâche cette phrase vouée à l’histoire « Un petit pas pour l’homme mais un pas de géant pour l’humanité ».
Vingt-deux jours après Neil Armstrong, il est neuf heures trente-neuf lorsque Christiane Boursin pose son premier pas dans le hall d’entrée de la maternité Sainte Boutroulle à Charleroi, au cœur de la Wallonie. Elle franchit le hall d’entrée et appelle l’ascenseur pour se rendre au premier étage. Il n’y a aucun représentant de la presse dépêché à la clinique en cette matinée du onze août et personne d’autre que Christiane et son gynécologue n’assiste à la naissance de son fils Belvédère trois heures plus tard.
Belvédère Boursin incarne le futur du pays noir, jeune héritier de géniteurs eux-mêmes cent pourcent de souche Carolorégienne.
Le choix de ce joli prénom ne fait aucune référence à sa terre natale. Il n’est pas non plus le choix délibéré de ses parents mais la conséquence d’une erreur administrative d’un fonctionnaire de l’état civil, fervent amateur de mots de croisés et un peu distrait ce matin-là.
Cette modique bévue d’ordre administratif, le couple Boursin ne la relève que quelques semaines plus tard mais n’entreprend aucune démarche auprès de l’administration afin de rectifier le tir. Ils ne tiennent pas davantage rigueur à cet insouciant fonctionnaire de l’état civil, cruciverbiste à ses heures et vraisemblablement absorbé par sa grille ce matin-là. Les parents finissent par se convaincre que Belvédère est un prénom expressif, bienvenu dans cette région parfois en manque d’éclat.
La maman de Belvédère se prénomme Christiane, label très tendance en cette fin des années soixante. Le papa répond au nom de Jean Claude, plus conventionnel bien que non dénué de grâce. Christiane et Jean Claude vivent en périphérie de Charleroi. Il est mineur tandis qu’elle est femme au foyer.
En cette fin de décennie, les carolorégiens sont à l’image de leur sous-sol. S’il est indéniable que les entrailles de la région furent riches quelques décades plus tôt, l’opulence n’est aujourd’hui plus d’actualité et la magnificence de la région est définitivement révolue.
Antoine Laurent de Lavoisier avait raison. Et selon la formule consacrée de ce chimiste, philosophe et économiste, rien ne se crée, rien ne se perd et tout se transforme. Le modèle économique Carolorégien est l’indéniable illustration d’une prospérité qui appartiendra bientôt au passé. Les golden years du pays noir rejoignent lentement le cimetière des éléphants.
Jean Claude est porion et son gagne-pain n’est déterminé ni sous la contrainte de la résignation, ni sous la pression d’un quelconque impératif économique. Son engagement est celui de la conviction et de la détermination, en parfaite connaissance de cause.
Jean Claude Boursin a la singularité d’être le seul mineur connu à ce jour à ne pas être descendu au fond du trou sous le poids de l’asservissement. Car ce que Jean Claude aime par-dessus tout, c’est extraire.
Il aurait pu, me direz-vous, étudier les sciences dentaires, ses parents disposant de moyens suffisants pour financer son cursus, mais ses facultés intellectuelles, jugées trop étriquées, ne l’auraient pas beaucoup aidé et il est peu vraisemblable qu’il ait été en mesure de mener avec fruit cet exigeant apprentissage. Il aurait également pu nourrir sa curiosité en se penchant sur l’extraction solide liquide ou encore liquide liquide mais les préceptes chimiques lui semblaient fort complexes à comprendre
De manière plus prosaïque, il aurait encore pu s’orienter vers l’extraction de gaz ou encore de pétrole mais, à sa connaissance, le sous-sol carolorégien n’en contenait pas ou alors ses réserves étaient restées confidentielles. S’il avait voulu extraire de l’or noir ou encore du butane, il aurait été contraint de s’exiler. Mais non seulement Jean Claude ne parlait ni l’anglais ni aucune autre langue que son idiome natal mais il venait aussi et surtout de rencontrer Christiane, réputée fort casanière, qui aurait vu d’un mauvais œil les destinations lointaines et inconnues associées aux champs pétrolifères et gaziers que Jean Claude lui aurait indiquées sur son vieil atlas jauni datant de sa troisième primaire.
Jean Claude est simple et pragmatique très attaché à sa terre natale. Raison pour laquelle il coupe court à ses investigations et prend la résolution de se concentrer sur la houille, encore très abondante dans le pays.
Jean Claude Boursin est issu d’un milieu très aisé mais fort peu familier avec l’érudition. Tarcel, son père, est négociant en vins et spiritueux. Il est ce qu’on peut appeler un bon vivant ; jovial de nature, il aime rire, s’amuser et affectionne tout ce qui se boit en règle générale.
Il s’est lancé dans les affaires après avoir fait la rencontre de Marijke, qui deviendra son épouse. Elle est issue, de son côté, d’une lignée de puissants propriétaires terriens, très fortunés mais tout à fait demeurés.
Tarcel est né dans le sud de la Belgique d’un père artisan. Amédée Boursin est tailleur d’ardoises, comme l’était son père et son grand père. A la différence de ses ancêtres qui fondent l’activité familiale et la font fructifier depuis deux générations, Amédée freine l’expansion de l’affaire héritée de son père et réduit à néant le sacrifice de ses aïeux.
Amédée est passionné par l’ardoiserie mais ensorcelé par la tradition et son obsession va le conduire, lui et sa famille, à la ruine. Quand il reprend les rênes de l’atelier, il le démantèle et licencie un des deux ouvriers, déjà au service de son père. Il s’oppose à la mécanisation du métier et revend une partie de l’outillage pour retailler l’ardoise à l’ancienne comme le faisait autrefois son arrière-grand-père. Le produit fini qui sort de l’atelier ne rencontre que rarement le standard de qualité exigé par le nouveau patron. Les commandes ne sont plus honorées et les clients se tournent vers d’autres fournisseurs. Personne ne suit Amédée dans ses délires et les premiers problèmes financiers surgissent. L’affaire n’est plus rentable et dix-huit mois après qu’Amédée soit monté à la barre, c’est la banqueroute. Il est ruiné et tout le patrimoine familial que constituent l’atelier et les quelques maisons dont il a hérité de son père passe à la trappe. Mariette, son épouse, succombe quelques mois plus tard à une infection pulmonaire. Les Boursin n’ont plus les moyens ni de payer le médecin ni de l’hospitaliser. Quelques jours après l’enterrement de sa mère, Tarcel quitte son Ardenne natale et débarque dans le pays noir. Il travaille comme chauffeur livreur chez un importateur de spiritueux. A la différence de son père, il est ambitieux et pragmatique et lance trois ans plus tard les établissements Boursin.
La famille de Marijke est un cartel de propriétaires terriens à moitié analphabètes, sauf quelques rares exceptions. Berdoef, le grand père de Marijke, considéré comme l’intello de la famille est le seul à avoir décroché son certificat de sixième primaire. Le brevet du vieux mandarin, encadré, fait la fierté de la famille et trône sur la cheminée, entouré de quelques objets laids, rares et de mauvais goût supposés donner le ton de la puissance matérielle de la lignée.
Les Indeke sont de lugubres commerçants qui ont, en l’espace d’une génération, fait exploser le patrimoine familial. En quelques années, ils accumulent hectares de terres et exploitations agricoles de la région, surtout entre 1939 et 1945, période que les Indeke considèrent comme les années d’or. Leur courtoise collaboration avec l’occupant ouvre toutes les portes et leur permet d’arracher à vil prix terrains, têtes de bétail et exploitations. Les paysans de la région perdent leurs biens et se retrouvent à la merci des Indeke dont la philanthropie n’est pas la vertu qui les caractérise le mieux. Jozzef, le père de Marijke, est aujourd’hui à la tête d’un véritable empire agricole.
Jozzef a pour réputation d’être impitoyable en affaires et Tarcel l’apprend à ses dépens, car lorsqu’il pousse la porte de la grosse ferme familiale pour lui demander la main de sa fille Marijke, ce dernier lui met un contrat de vente sous les yeux. Le mandat de cession de sa fille est une forme revisitée du pacte de Varsovie qui engage à assurer à Marijke un standing et niveau de vie plus que respectable.
Le candidat doit honorer toutes les clauses de l’accord s’il veut épouser Marijke. Et si l’une d’entre elles n’est pas remplie, sa fille sera remise sur le marché dans l’attente d’un autre financement et le pauvre Tarcel perdra ses arrhes.
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Et si Marijke est en constante osmose avec son fils, elle s’avère mais être une mère froide et distante lorsqu’il s’agit de ses filles. Les seuls contacts qu’elle entretient avec elles se produisent lors de préparatifs de fêtes mondaines qu’elle organise chez elle. Elle travestit et maquille ses progénitures qu’elle accompagne en soirée comme une maraichère qui vend sa volaille.
Elle épie ses filles et fait le tri parmi les courtisans en se démenant pour attirer dans ses filets les héritiers de familles d’industriels ou de riches notables qui feront de ses filles les moyeux de sa propre ascension sociale. Elle tient hors de portée les petits commerçants, intellectuels rêveurs ou toute autre nature de soupirants dénués d’intérêt et d’avenir. Selon ses propres dires, il n’y a pas de mariage d’amour mais cet amour peut parfois faire d’excellents compromis. Et si l’amour n’existe pas, il y a quand même de belles histoires à écrire et de belles unions possibles avec des dynasties puissantes dont il incombe aux petites Boursin d’assurer la féconde pérennité. En ce qui concerne la destinée de son fils, Marijke n’est pas une mère dépourvue d’ambition. Elle nourrit en secret le fantasme d’une princesse fortunée qui s’amouracherait de son fils. A défaut d’Altesse, elle pourrait se satisfaire de la fille d’un puissant industriel, à condition qu’elle soit fille unique. Et tant pis si la prétendante est laide, peu éveillée ou a un cœur de pierre. La vie est faite d’accommodements raisonnables et Marijke et sa future belle fille pourront toujours parfaitement s’entendre.
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