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Critique de DianaAuzou


J'ai enchaîné la lecture de Maritimes tout de suite après Là où chantent les écrevisses, de Delia Owens. Les deux livres s'appellent. Ce n'est que naturel.
Le bateau est reparti, Benjamin est resté sur l'île. Il était jeune grand, avec "son allure de dieu grec"... Une petite île dans la Méditerranée, perdue ou bien oubliée et un vieil homme qui parle à ses souvenirs, à voix basse, une basse continue. Il est très vieux, il ne sait pas l'âge qu'il a "au moins trois mille ans" peut-être, le fil de la mémoire remonte très loin, quand l'île n'était pas habitée et quand les créatures marines l'avait choisie pour s'y installer. Il se souvient de Benjamin, de son accent, et du mystère de son passé que tous sur l'île avaient laissé tel qu'il était. Il voit encore sa petite maison en pierre et le caroubier qui lui fait de l'ombre. Tous aimaient ce garçon, sauf la dictature, et si on a la malchance d'être poursuivi par sa haine, y échapper c'est une utopie. Il se souvient aussi de Michaëla et des noces qu'ils avaient tous préparées pour elle et Benjamin. Mémoire ineffaçable, le coeur de l'île, ses habitants pêcheurs depuis des générations, taiseux, mystérieux, vivant à l'écart du monde, des préfets, et de l'armée, en bonne entente avec la mer, les mouettes, le vent et les créatures marines.
Les petites pages du livres tournaient toutes seules et m'emmenèrent sur l'île à la rencontre de ces hommes et femmes qui accueillent et sourient et gardent encore le sens du partage et de la fraternité, ils sont grands, simples, des pierres brutes, précieuses, non taillées.
La petite île est isolée et sereine, mais pas loin le monde est noir et la dictature déclare la guerre à tous ceux qu'elle n'aime pas. L'abominable arrive sans crier gare avec sa faux meurtrière.
Le vieux se souvient des moments de résistance silencieuse, ferme, imparable : "Nous avons gardé nos mains croisées dans le dos, nos épaules se touchaient et nous étions tous face au préfet, nous avons pris des mines très sérieuses et nous avons répété : bien, très bien... Nous l'avons laissé repartir avec sa clique... Alors nous avons dit aux migrants qu'ils pouvaient sortir de leurs cachettes, il n'y avait plus aucun danger. D'ailleurs c'était bientôt l'heure de manger."
Il se souvient..."nous sommes toujours là, mais notre temps est compté."
La chaleur de l'île c'est le coeur de ses habitants, pour les touristes c'est un endroit extraordinaire, divin, paradisiaque. Un d'eux veut acheter, à n'importe quel prix. "Les villageois l'écoutent poliment, mains croisées dans le dos. Mais alors qu'il s'agite comme un désespéré il voit leurs visages se fermer... Ces gens qui d'habitude sont des modèles de bonhomie méditerranéenne regardent cette fois-ci l'affolé dans les yeux et invariablement lui répondent : Non merci."
Cri de douleur, ode à la fraternité, hymne à l'amour, ce petit livre a une immense profondeur, et le style de Sylvie Tanette est d'une rare délicatesse dont la sobriété fait vibrer encore plus une émotion contenue qui appelle et touche. Je la garde.
Un très grand merci à deux amies Babeliottes, HordeduContrevent et Zazaboum qui m'ont fait découvrir ce petit bijou.
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