On y est retournés encore et encore, sans jamais réussir à perdre pied sur ce foutu plateau ! En bas, la plaine était bleue. On pataugeait dans les viscères. Nous étions abandonnés entre les pattes d’un individu incompétent et buté, haut placé dans la hiérarchie des assassins.
On ne dira jamais assez l'imposture du sentiment patriotique guerrier, savamment exacerbé par l'école de la 3ème république.
Jaurès contre la guerre, assassiné en 1914, Juillet je crois.
Les hommes de " bien " - ceux qui ont du bien - ont eu chaud aux fesses.
"On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des marchands de canon "
Anatole France
Pour ces assassinats, qu’on nous obligeait à commettre en toute légalité, en temps de paix, on se serait tous fait raccourcir !
La guerre nous brulait les boyaux et dans la puanteur de nos existences dérisoires, je me cramponnais à un espoir : rentrer à la maison, qu’on la perde ou non cette guerre n’était pas la mienne !
Plus atroces seront nos plaies et meilleure sera notre place dans les nuages de gaz phosgène, à la droite de notre "saigneur". Moi, les bondieuseries m'avaient toujours donné envie de vomir dans le bénitier !
Pauvre pantin séchant au soleil dans les cordes à linge!
Mais ce que je comprenais à piger, c’est qu’on était devenus des bêtes, un troupeau de brutes habituées aux horribles blessures, aux ventres ouverts, aux membres arrachés à leur tronc…
"Et combien de morts y avait-il eu pendant qu'on se la coule douce à l'arrière ?"
On a appris que Brugnon n'était pas rentré de permission. Il s'était pendu dans sa cage d'escalier de son immeuble, rue des Gâtines.
La guerre nous brûlait les boyaux et dans la puanteur de nos existences dérisoires je me cramponnais à un espoir rentrer à la maison , qu'on la perde ou pas cette guerre.