Ainsi parlait mon père

" Lorsque nous commençons à avoir toujours raison, c'est que nous sommes devenus notre seul véritable interlocuteur ": ainsi parla mon père parce que, ce jour-là, je réfutais tous ses arguments. (p. 47)

« L’âne en érection se croit capable de posséder la terre entière. Si on lui présentait une éléphante en chaleur, il rabattrait sa queue entre ses pattes pour s’éviter le ridicule. Tout est relatif, mon fils »

"Parfois les repas ont la saveur de nos sentiments ": ainsi parla mon père pour m'expliquer pourquoi il avait un appétit toujours grand toutes les fois où celle de ses épouses qu'il préférait ouvertement était de "tour de cuisine". (p. 38)

" Ce que tu m'apprends m'enrichit au moins autant que je t'enrichis par ma parole, mais le plus important n'est pas là, ni dans ton enseignement ni dans le mien, le plus important, tu veux le savoir, le plus important ? Toi et moi grandissons ensemble de notre dialogue" : ainsi parla mon père à qui, un matin, je dis ma fierté de pouvoir boire à la source de sa parole. (p. 50)

« Père, je n’ai pas oublié les deux autres humiliations que t’avait infligées ta deuxième épouse, elle aussi, comme ma mère, une divorcée qui avait déjà eu une fille avec son premier mari avant de devenir ta femme. Mon père et elle eurent d’abord deux enfants, une fille et un garçon, puis, vint un troisième enfant, un beau bébé, un beau garçon.
Hélas, la mère déclara que cet enfant n’était pas de mon père, que le géniteur était son amant avec qui elle avait eu des rapports intimes dans son village natal ou elle avait passé trois mois a s’occuper de sa mère malade. Sans divorcer, l’épouse de mon père quitta le foyer conjugal et partit s’installer dans le village de sa mère ou vivait aussi son amant. Quand l’enfant censé être de cet amant eut deux ans et demi et qu’elle le sevra, elle revint chez mon père.
Elle tomba enceinte quelques mois après. Naquit alors une fille. Mais, cette femme, qui avait fini par divorcer pour épouser son amant, attendit que sa fille eût seize ans pour déclarer qu’elle aussi était du sang dudit amant et non de celui de mon père.
Par deux fois, elle avait humilié mon père en usant d’un pouvoir incontesté que notre société avait place entre les mains des femmes, à partir de l’idée que seule la mère connait le vrai géniteur de ses enfants. En effet, il est admis dans ma société que si, après ses règles, une femme avait des rapports avec deux hommes différents au moins et qu’une grossesse survenait dans ces conditions, l’auteur de la grossesse était de façon incontestable le premier homme à l’avoir possédée, surtout si les liens intimes se produisaient au lendemain des menstrues, jour considère comme le plus fécond du cycle. Donc, la femme, en attribuant l’enfant à celui des hommes qui fut le premier à la posséder après ses règles, à supposer qu’elle dit la vérité, respectait juste une croyance que démentiraient nos connaissances sur le cycle menstruel, la date d’ovulation, la durée de vie des spermatozoïdes… »

Respecter l’honneur et la dignité des autres suppose aussi que nous évitions de leur poser des questions dont nous connaissons les réponses humiliantes. À l’affamé, nous devons juste un peu de notre repas, au lieu de lui demander : “As-tu déjà mangé ?”