Y-a-t-il dans le monde une joie suprême qui puisse faire vivre la personne ? Et pour s’assurer cette joie, sur quoi s’appuyer ? Qu’éviter ? Qu’adopter ? De quoi s’approcher, de quoi s’écarter ? Qu’aimer ? Que détester ?
Si la tranquillité de l'eau permet de refléter les choses, que ne peut celle de l'esprit ? Le vide, la tranquillité, le détachement, l'insipidité, le silence, le non-agir sont le niveau de l'équilibre de l'univers, la perfection de la voie et de la vertu. Ce vide confère à l'âme une tranquillité qui fait que toute action accomplie est efficace. Qui garde sa tranquillité n'agit pas : il laisse ce soin à ceux qui reçoivent mission d'agir. Heureux celui qui n'agit pas ! il ne connaît ni chagrin ni misère et il vit longtemps.
Dans le non agir, selon moi réside la vraie joie. Mais tout le monde le considère comme la plus grande souffrance. Ainsi il est dit : « la joie suprême est sans joie; la gloire suprême est sans gloire. »
Au commencement il y avait le néant, le néant n'avait pas de nom. De là se reproduisit l'un ; il y eut l'un sans avoir de forme matérielle. Les êtres en naquirent : c'est ce qu'on appelle sa vertu. Dans ce qui n'avait pas de forme, il y eut une distribution d'où s'ensuivit un mouvement perpétuel qui a pour nom Destin. Au cours de ses transformations sont nés les êtres. A son achèvement, l'être créé possède un corps organisé. Ce corps préserve l'âme. L'âme et le corps sont soumis à leurs lois propres. C'est ce qu'on appelle la nature innée. Qui perfectionne sa nature fait retour à sa vertu originelle. Qui atteint à sa vertu primitive s'identifie avec l'origine de l'univers et par elle avec le vide. Le vide est grandeur. Il est pareil à l'oiseau qui chante spontanément et s'identifie avec l'univers. C'est lorsqu'il s'identifie parfaitement avec l'univers qu'il apparaît ignorant et obscur. Il atteint à la vertu profonde et s'abîme dans l'harmonie universelle.