Après
Marc Villard et
Les biffins ou, dans une toute autre mesure, Zarca dans son Paname Underground, c'est au tour du jeune auteur
Tom-Louis Teboul de s'emparer de la thématique des sans-abris et de la misère dans les rues de la Ville lumière. Un premier roman osé, qui s'empare d'un thème difficile à traiter en fiction sans tomber dans le facile pathos social culpabilisant. Qu'est-ce qui ressort de ces
Vies déposées ? Lettres it be vous dit tout !
# La bande-annonce
Au jour le jour, la vie dans la rue de trois personnages, deux hommes, une femme : la faim, le froid, la drogue et l'alcool. Les lieux de leur refuge sont les abords des superettes où ils font la manche. Les trois amis, dont l'esprit flotte entre oubli et rêverie d'un jour meilleur, errent dans la capitale à la recherche d'un chien perdu, un chow-chow, gros lion à la langue bleue, en espérant la belle récompense mentionnée sur l'annonce.
À travers l'odyssée de ces existences désespérées, l'auteur a composé un portrait d'invisibles d'une grande force et d'une grande justesse, dévoilant de façon très romanesque la réalité sans fard d'un Paris méconnu et crépusculaire.
# L'avis de Lettres it be
Ayant vécu un peu plus de six années du côté du quartier de la Goutte-d'Or à Paris, toujours proche des thématiques relatives à la marginalité et la pauvreté, ce roman fait évidemment écho à l'existence et aux convictions de son auteur né en 1987.
Tom-Louis Teboul a aussi été avocat avant de rejoindre le mouvement Emmaüs dès 2016. Une existence polarisée, un engagement assumé et qui se retrouve dans une plume assurée et réaliste (pour notre plus grand regret).
« Et Ernst retira avec grâce le sceau sécurisant de la bouteille de vin en plastique. Clic que ça faisait. Il but un coup. Devant ses gencives rouges, un sourire prit place, timide, laissant entrevoir les dents, l'absence de dents, qui, Ernst l'espérait, ferait mouche auprès des « petites Japonaises ». Il expliquait ça avec la conviction de l'homme soûl. »
Ces personnages qui attendent sans plus trop savoir quoi ni pourquoi, cette prostituée gracieuse qui se salit et se fait salir jour après jour pour pouvoir s'accorder sa dose quotidienne …
Tom-Louis Teboul n'épargne rien, pas même les termes crus et explicites qui pourraient généralement passer pour de l'épate-bourgeoise dispensable. Ici, tout sonne juste, plein, crasseux mais toujours humain. Et dans ce méli-mélo de vies à ras-le-trottoir, impossible de ne pas saisir au vol la lumière qui émane de ces pages. L'espoir fraternise avec la misère, la pitié provisoire s'absente et laisse place au vacarme des misères silencieuses.
C'est En attendant Godot qui danserait un slow claudiquant avec Les clochards célestes de Kerouac.
Tom-Louis Teboul investit la thématique de la rue avec un roman fort, qui éreinte tout au long de sa lecture. La langue y est saillante, crue, parfois même déroutante. le ton est vif, rapide, essoufflant. Là où
Marc Villard dans son dernier roman
Les biffins abordait cette réalité avec une retenue certaine, Teboul met les deux pieds dans le plat et ose, frappe. Ca sent le vin éventé à chaque page, ça pue le quai de métro au petit matin. Mais loin de sombrer dans le sensationnalisme bidon, le primo-romancier nous invite à baisser les yeux, le temps d'un livre, sur ceux que l'on ne voit plus, sur ceux dont on n'entend plus les complaintes pour une pièce dans les rames des métros. C'est brillant. Une grande réussite pour un succès à ne pas manquer en ce début d'année 2018.
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