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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Introspection fine, recherche du temps perdu, exploration de fêlures qui sont peut-être des gouffres... le tout dans la lumière de Messine, la chaleur de son soleil et la fraîcheur de son détroit. Adieu fantômes est un livre troublant. Mais le trouble ne vient pas de là où on l'attend...

Je l'ai lu avec une impression d'extrême proximité avec l'auteure, qui nous entraîne au plus près du coeur de l'histoire de son héroïne, stoppée en plein vol à 6h16 un matin de l'année de ses 13 ans, quand son père, dépressif, a disparu. "Le matin où mon père était sorti de l'appartement pour ne plus revenir n'était toujours pas achevé à l'intérieur de moi, l'horloge n'avait jamais marqué l'après-midi". le temps s'est figé ("Six heures seize pour toujours"), sa surface est devenue lisse et plus rien n'a plus pu s'y inscrire : l'eau de la mer, celle des orages, celle des larmes a coulé dessus sans l'atteindre. L'héroïne s'est mariée, mais elle est restée une éternelle pré-adolescente, réfractaire à la maternité, curieuse de la douleur des autres qu'elle ne peut pourtant interpréter qu'à l'aune de la sienne. "Je m'imaginai divisée en deux personnes : une étrangère de vingt-trois ans née le jour du départ de mon père et l'enfant de treize ans immobilisée à cet âge pour toujours."

Autant dire qu'on a l'impression de pénétrer sans filtre dans le coeur en fusion d'une inconnue. Est-ce une bonne chose, ou est-ce au contraire rédhibitoire ? Quelle est la différence avec la lecture dérobée d'un journal intime auquel nous n'aurions pas dû avoir accès ? Adieu fantômes ne relate aucune autre histoire que l'histoire intime de la narratrice, l'histoire de son passage de 6h16 à 6h17.

Je pourrais arrêter là ma chronique, sur ce trouble de la lecture interdite, qui peut tout autant fasciner que rebuter. Mais il se trouve qu'il y a un autre aspect assez original pour s'y arrêter. Car Adieu fantômes est brillant, à certains égards : on le lit en s'arrêtant à tous les paragraphes pour savourer des formules magnifiquement ciselées. Or, c'est un roman italien, traduit par Romane Lafore : et c'est bien pour la retrouver, elle, dont j'ai adoré Belle infidèle, que j'ai lu Adieu fantômes. Et pas seulement pour retrouver sa plume, mais aussi parce que dans son roman, Romane Lafore invente justement le personnage de Julien Sauvage, traducteur de l'italien, qui peine à écrire le roman qu'il porte en lui, mais en traduit un autre promis au prix Strega (le Goncourt italien). Prix Strega dont Adieu fantômes est passé suffisamment près pour que le bandeau sur le livre annonce qu'il faisait partie des finalistes de cette année... Bien sûr, Romane Lafore, elle, a écrit le roman que son héros n'écrit pas : elle a justement écrit l'histoire de cette impossibilité à écrire. Mais voilà une situation circulaire vraiment déstabilisante ! Belle infidèle emboîte les mises en abyme, et le roman de Nadia Terranova prolonge ce trouble en l'enveloppant dans une mise en abyme supplémentaire, en-dehors de toute fiction !

Alors finalement, quelle est la plume qui m'a envoûtée : celle de l'auteure, ou celle de la traductrice ? Les deux, bien sûr, mais bien plus que par le passage de l'héroïne de 6h16 à 6h17, c'est par le vertige de ces mises en abyme et la lecture, puis la relecture de passages choisis, que j'ai été emportée. Alors plus que la seule lecture de Adieu fantômes, c'est l'expérience étonnante de la lecture parallèle de ces deux romans que je vous recommande !
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Ida ne vit que dans l'ombre de l'absence de son père. Seul son mari lui offre encore un appui, mais il a fallu élaborer une relation distante pour que cela puisse durer - cela dit, apurée, cette relation en est devenue belle -. Avec sa mère, elle n'a pas su établir un terrain d'entente, emmurée dans un ressentiment tenace : celle-ci l'a laissée s'occuper de Sebastiano, le père, alors qu'il ne sortait plus de son lit pour cause de dépression.


Le ton est oppressant à la limite de la folie, des rêves entrecoupent des scènes difficiles où Ida tente de reprendre pied dans l'appartement familial. Elle doit y faire des rangements, sa mère a engagé des travaux avant de mettre en vente. Ici, elle a vécu des moments heureux qui se sont détériorés dans le temps jusqu'au brusque départ du père, toujours inexpliqué.

Certaines répétitions m'ont paru pesantes, mais elles reflètent bien l'état obsessionnel dans lequel se trouve l'héroïne, et sa douleur, l'auteure ne nous ménage pas. On sent qu'Ida s'est laissée piéger par son malheur. Comment va t'elle pouvoir avancer maintenant ?
Lien : https://partagerlecture.blog..
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Dans "Adieu fantômes", la narratrice nommée Ida revient à Messine pour aider sa mère à rénover la maison familiale : une grande partie du récit tourne autour de cet événement, continuellement imprégné par le passé et les souvenirs centrés sur la disparition du père de famille. Un matin, cet ancien professeur de lettres classiques, dépressif, a quitté le foyer familial pour ne plus y revenir. Telle une goutte d'eau, il s'est littéralement évaporé dans la nature. Une plaie ouverte pour la mère et sa fille qui nourrit une boucle obsessionnelle dans le présent, une fissure qui a fracturé l'identité de la narratrice, l'empêchant de grandir, de changer et de se transformer, fixant à jamais ce moment où son père est parti dans un passé qui ne veut pas finir. L'esprit d'Ida est incontrôlable, peuplé de fantômes, de souvenirs, de rêves intenses dans lesquels l'inconscient revient en force pour façonner le passé. le corps est au contraire la seule chose qui peut encore être contrôlée et Ida, qui ne veut pas avoir d'enfants « ne sème rien. » Pour pouvoir avancer, il faudra se libérer du passé, faire le deuil du père en l'exhumant du bric-à-brac de meubles et d'objets, arrêter de se noyer dans la mer des souvenirs et des obsessions. L'eau est un symbole très puissant qui court tout au long du livre et lui donne une étrange unité. Cette eau dans laquelle le père aimait nager, l'eau de pluie qui tombe à point nommé pour se sortir d'une situation compliquée, les pleurs et les suées des cauchemars, l'eau qui dégouline du toit et s'infiltre dans la maison. La prose de Nadia Terranova est dense, intense, terrible et précise comme un scalpel et au début du livre, j'ai pensé qu'une écriture si soutenue et pleine de métaphores ne tiendrait pas la distance. Mais on se laisse prendre par l'aisance avec laquelle Terranova associe le réalisme et le symbolisme, comment son récit peut parfois flirter avec le fantastique. La douleur envahissante finit par être submergée par les mots qui servent à l'exorciser. Un récit sombre mais d'une grande maturité.
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J'ai découvert la plume de Nadia Terranova à travers son premier roman « Les années à rebours » que j'avais adoré, et c'est avec grand plaisir que j'ai retrouvé son écriture stylée pleine d'émotions où les personnages sont emplis d'une profonde sensibilité.

Dans cette histoire, l'auteure explore les difficultés de faire le deuil des disparus auxquels nous sommes toujours attachés. Ida porte en elle des blessures profondes, réveillées par le fantôme de son père qui erre dans cette maison pleine de souvenirs.

Nadia Terranova pose un regard d'une grande précision sur les liens familiaux, les rapports mère fille. Elle nous emporte à travers cette histoire où le passé s'affronte avec le présent et permet au final l'ultime lâché prise pour un futur plus serein.

Décidément cette auteure me ravie à chaque fois, une belle plume italienne lumineuse à découvrir absolument.
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Le fantôme du père est le personnage central du livre. Un disparu qui prend beaucoup de place : Ida, sa fille, est obsédée par ce père absent depuis treize ans.
Revenue dans la maison de son enfance pour aider sa mère à trier ses affaires, elle cauchemarde la nuit en imaginant son père décédé.
Une écriture hypnotique pour un roman intimiste qui met en scène la douleur d'une mère et de sa fille. Une blessure profonde toujours présente qui hante Ida qui n'a pas d'enfant ni maison. Impossible dit-elle à sa mère. Comment se débarrasser de ce père toujours présent en elles ?
Je vous livre une citation : « le passage du temps restait une épreuve pour moi ».
Le soleil de la Sicile contre le froid de l'absence : un récit troublant et prégnant à découvrir.
Lien : http://www.despagesetdesiles..
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Traduit par Romane Lafore

Ida vit à Rome, avec son mari. Elle travaille à la radio pour une émission où elle invente de fausses histoires vraies. Un jour sa mère lui demande de venir trier ses affaires chez eux car les travaux dans l'appartement pour les fuites d'eau du toit-terrasse vont commencer. Ida se rend donc à Messine, en Sicile, dans l'appartement familial où elle a passé toute son enfance et adolescence. Elle n'est guère enchantée par cette perspective. Il y a des fuites dans le toit, endommagé depuis toujours, mais c'est aussi une famille qui s'est désagrégée peu à peu, une maisonnée qui s'est effondrée. Malgré elle, parce que les objets de son enfance sont là, que l'appartement est resté dans son "jus" depuis que le drame est survenu, Ida va devoir affronter ses fantômes.

Nadia Terra Nova nous fait partager la douleur, les remords, les cauchemars et les doutes de son personnage féminin dont elle ausculte tous les recoins de l'âme à travers les murs moisis de cet appartement, où le temps s'est nécrosé à 6h16 : "Ce matin-là, vingt-trois ans plus tôt, mon père avait ouvert les yeux à 6h16, les chiffres étaient restés figés sur le réveil assommés d'un coup sec, 616, six un six, et pendant des jours, sur le lavabo, sa brosse à dents bleue avait résisté, allongée sur la faïence, hors du verre dans lequel nous rangions nos trois brosses, emportant avec elle une traînée de dentifrice comme de la bave d'escargot. Ma mère était déjà partie, comme souvent, s'offrir de longues promenades à l'aube avant de commencer le travail."

Ce matin-là, à cette heure précise, son père disparaît. Après de longues années de dépression passées dans son lit. Envolé. Désintégré. Plus là. Et les interrogations de ceux qui restent, les supputations, les doutes, le mal-être, les répercussions sur la vie. Une amitié qui se brise quand la douleur vous fait regarder à l'intérieur sans imaginer que le monde ne s'est pas arrêter de tourner parce que vous, vous souffrez. Une amie d'enfance à qui il arrive quelque chose de terrible également mais que la douleur d'Ida aveugle. Une mère qui reproche à sa fille de ne pas avoir eu d'enfant, donc de ne pas pouvoir la comprendre. Des volées de bois vert. Des rancoeurs enfouies qui jaillissent comme autant de coups de poing. Un couple qui met de la distance, mais finalement renaît de ses cendres. Après la tempête, la sérénité.

La prose de Nadia Terranova est aussi fluide que l'eau qui immerge les pages de son roman, métaphore filée d'un naufrage. On se laisse porter par cette histoire introspective douloureuse, mais où le bonheur, s'il est furtif, n'est pas totalement absent. Un roman dédié "aux survivants", et dont la portée nous touche par sa dimension universelle.

J'ai beaucoup aimé.
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