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Critique de Jolap


Telle la panthère des neigesSylvain Tesson marie dans ce texte la puissance et la grâce. Il rend compte d'une nature tour à tour enveloppante, foisonnante et effrayante. La faune a un rôle, un rang, une place. Elle le sait et s'adonne à « des gestes délicats adaptés à la violence des altitudes ». Cette nature brute, vertigineuse se démarque en tous points des allures bien rodées de nos vies citadines.

Les chapitres courts invitent le lecteur à suivre sans s'essouffler. Nous sommes « dans un jardin très froid, un jardin très dur », sur le plateau tibétain, à cinq mille cinq cents mètres d'altitude. « le soleil blanchit la terre, les ombres noires courent sur les roches, le paysage dispose ses strates comme dans les toiles tibétaines tendues au mur des monastères. ». « Des milliers d'yeux nous surveillent et nous ne soupçonnons rien ». Il fait froid. Froid au-delà du raisonnable. Sylvain Tesson, Vincent Munier, sa compagne Marie et Léo sont à l'affût….
« le Tibet tendait ses paumes sèches sous un ciel bleu comme la mort ».

L'auteur est rentré en France et a accordé quelques entretiens aux médias. La valse frénétique de la promotion incontournable le fait entrer dans une danse endiablée, ici, maintenant. Il atterrit. Il confie ses rêves. Il mûrit sa réflexion et la livre en pâture à quelques journalistes affamés. Plus rien ne semble lui appartenir. Il vient de monter sur le plateau le plus élevé de la planète. Il est descendu au plus profond de lui-même et le voilà confronté « à un vacarme effroyable » qu'il dénonce régulièrement. de puissants projecteurs formalisent ce spectacle, chauffent les plateaux de télévision là où les éléments naturels réchauffaient les âmes leurs promettant de jolies surprises.

La panthère, « métaphore de l'invisibilité, de l'évanescence, de la fugacité, de la délivrance » laisse sa place. Elle ne lutte pas face à « l'impératrice modernité » Elle est en voie de disparition et s'efface devant presque huit milliards d'hommes dont un grand nombre en marche cadencée vers ce qu'ils appellent le progrès. Leur progrès.

Sylvain Tesson nous dit son plaisir de voyager, de « pousser ses portes » et de s'envelopper dans la dévotion, prenant conscience du miracle du vivant. Nous sommes dans le plus beau musée nous dit-il et nous en sommes les pires conservateurs. Ce livre est en même temps un hymne à l'amour de la nature et de ses contraintes. C'est l'éloge du silence, de la patience, de l'attention décuplée, de la discrétion, de l'humilité. C'est aussi un plaidoyer pour ces bêtes si robustes, si combatives, si fortes et en même temps si fragiles parce que justement elles sont menacées et leurs jours sont comptés.

Une expédition de cette trempe même sur papier « ça vous réveille, ça fait jaillir des choses qui vous embellissent ». Moi ça m'a fait rêver. Rêver que j'étais dans le plus beau musée du monde gardé par les conservateurs les plus talentueux.

Je rends hommage au travail de Vincent Munier dont le livre: Tibet minéral animal est un formidable complément visuel à cette lecture et nous aide à illustrer nos rêves
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