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Critique de BazaR


Corbleu ! Quelle histoire !

Quelle histoire, que la vie de Montespan mâle, si les faits rapportés par monsieur Teulé sont véridiques. Et si vous m'en croyez – ou si vous en croyez Wikipedia – tout ou presque est avéré. Monsieur Teulé n'avait plus qu'à envelopper les choses dans une verve cocasse, polissonne et scatologique, ce qui n'est pas à la portée du premier baveur d'encre venu.

Un naïf incorruptible, un amoureux inlassable, un affronteur de moulins vindicatif. Ainsi était Louis-Henri de Pardaillan incidemment surnommé le Montespan, de par le destin funeste qui lui valut d'épouser Madame Françoise de Rochechouart de Mortemart. Et pourtant ils étaient heureux au début, dans leur appartement loué rue Taranne. Mais la dame se lassa de sa condition disetteuse, des dettes de son époux et de sa guigne à la guerre. Ne mentons pas : madame de Montespan était une des perles de France et une langue de vipère talentueuse, toutes facultés qui ne pouvaient que plaire aux girafes en grande tenue de la Cour et au roi en personne. Monsieur de Montespan ne vit rien, ne crut rien, mit un temps infini à voir ces cornes qui lui poussaient sur le front. Jamais il ne cessa d'aimer son épouse. Toujours il tenta de causer du tort au monarque margoulin, tentant même d'attraper la vérole auprès de prostituées pour le contaminer via l'interposition de son épouse. Assumant, il fit ajouter de grands bois de cerf à ses armoiries et à sa voiture. Il fut moqué, humilié en public. Il subit sans broncher les tentatives de corruption – car s'il avait accepté la situation, il serait devenu l'un des plus riches nobles de France – puis les foudres d'un roi agacé jusqu'à la fureur. Monsieur Teulé nous en fait un portrait pathétique et magnifique à la fois.

Le portrait bénéficie de la présence de succulents seconds rôles. Tel Cartet, le concierge du château de Bonnefont et ex-maréchal des logis aux ordres de Montespan, les moustaches « retroussées en croc avec un fer à friser », sur lequel je n'ai pu m'empêcher de coller le portrait de Noël Roquevert. Telles la cuisinière à la langue bien pendue Mme Larivière et sa fille la discrète Dorothée. Tels Marie-Christine de Pardaillan, la fantomatique fille des Montespan et leur fils Louis-Antoine, pisse-verglas dans la canicule, accapareur de merde d'abeilles, poltron et méchant. Et tel ce jeune Charles II d'Espagne qui ne tient pas debout et dont l'esprit semble aussi fragile que celui d'un octogénaire atteint de la maladie d'Alzheimer. Petits et grands, aristocrates et vilains, tous sont ramenés à la même poussière, à la même matière fécale et à la même volonté de copuler. Personne ne tient sur un piédestal. Et c'est drôle.

Monsieur Teulé a l'impertinence génétiquement assujettie à sa plume. Assurément, si d'aventure notre regretté auteur croise dans les Champs Élysées le roi-Soleil, ce dernier l'enverra tout de go à la prison de la Vallée de la Misère. Mais gageons que l'écrivain mettra l'expérience à profit comme de son vivant, donnant naissance à un grand roman qui fera se bidonner les anges.
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