« La cité ne m’avait jamais parue si gracieuse, j’étais céleste, lénifié. Je me regardais dans les yeux de Rome, elle était une femme démesurée.
Avant de rentrer , j’allai chez le coiffeur.
J’avais envie de me sentir beau, même si je devais mourir bientôt » .
La plupart d’entre eux se connaissaient, c’était l’habituelle communauté des expatriés comme il y en a dans tous les pays du monde, qui se regroupent régulièrement pour se plaindre du pays qui les accueille et vanter les mérites de celui qu’ils ont quitté. Les Français à l’étranger sont les plus critiques de ce qu’ils voient, mangent, boivent, achètent, visitent. Rien n’est aussi bien que dans leur pays dont ils s’empressent de dire du mal dès qu’ils y reviennent.
Certains êtres en s'en allant, laissent la porte ouverte et emmènent avec eux ce que notre coeur n'avait pas su voir.
L'être naissait dans un cri et s'en allait dans un souffle.
Il était dit par de grands auteurs, Hemingway entre autres, que le sexe était une chose à éviter si l'on voulait conserver son inspiration.
Avec Stella, ce fut l'inverse.
Chaque soirée passée à goûter nos corps, tester nos douleurs, gifler nos inclinations, chaque nuit utilisée à tester nos résistances, outrager nos pudeurs, chaque après-midi consacrée à nous caresser l'âme furent suivies par des séances de travail solitaire assidues, concentrées.
La vie et la mort, je les voyais en femmes complices.
L'une qui nous accompagnait pendant quelques années, l'autre qui nous attendait pour l'éternité.
Ne possédant rien, je ne m'appartenais plus.
J'avais faim de tout, de nourriture, d'alcool, de rêve, d'art, de sensations.
J'avais faim d'oubli. Vivre, pour la plupart des êtres, c'est s'agiter afin d'oublier. Vivre, c'est se disperser pour se supporter.
Autour de nous les parfums lâchaient prise. Retenus tout le jour dans des bulles de soleil, la nuit les crevait avec la pointe de ses étoiles.
La musique sauvait.
Elle avalisait les idéalistes, prémunissait les utopistes et rassurait les contemplatifs.
La musique emplissait les chambres et calfeutrait contre l'odieuseté.
Plus tard, je me régalai d'un cantuccio, un tiramisu dans lequel on avait glissé des amandes.
Ce gâteau avait la légèreté des aigrettes de pissenlit, s'envolant et suivant les lubies du vent.