-Un Arverne vaut dix Romains ! répliqua Vercingétos. Nous sommes plus de trois cent mille prêts à prendre les armes. Nertomaros parut désespéré en entendant les propos du jeune Gergovien. Cet argument, il l’avait entendu des dizaines de fois et avant lui son père et le père de son père. Depuis trois siècles, des générations de Gaulois avaient voulu la guerre. Certains même pillèrent Rome, Delphes, c’est ce qui se disait aux veillées. Le monde, de l’Asie Mineure au Grand Océan, était celte.
Lorsque la chose descendit la pente, on en distinguait à peine les contours dans la transparence de l’air. Les Triboques agitèrent leurs armes et commandèrent à leurs chevaux le repli mais les bêtes étaient paralysées par la peur. Un Barbare lança son javelot qui disparut dans l’éther. Les yeux égarés, la bouche ouverte, les hommes du Rhin virent venir vers eux cette vibration. Vercingétos sentit passer un souffle glacial et la peur se noua à ses entrailles. Les dieux avaient envoyé la Mangeuse d’âmes pour punir les sacrilèges.
Le faucon planait au-dessus du camp romain. Il avait tout vu, tout entendu. Il avait vu les hommes se battre, la terre se gorger de sang, le ciel se couvrir de poussière. Il avait senti la détresse des âmes tournoyant près des corps éventrés. Certaines volaient dans les basses couches de l’air brûlant. Elles suivaient des cadavres que les légionnaires emmenaient par chariots entiers vers des fosses communes. Quand comprendraient-elles qu’il fallait partir ?