L'assassin qui est en moi

Elmer monte les marches, il traverse la véranda. J’atteins la porte d’entrée à temps pour lui ouvrir.
« Salut, Lou, salut, salut, mon vieux, dit-il. Pile à l’heure, hein ? Il est comme ça, Elmer Conway : toujours à l’heure.
- A moitié soul. Il est comme ça, Elmer Conway. Vous avez l’argent ? » […]

J’ai envie de rire. J’ai envie de hurler. J’ai envie de lui sauter dessus et de le mettre en pièces.


Lou Ford, adjoint au shérif à cran, et Elmer Conway, fils d’un riche propriétaire, juste avant que les choses ne déraillent.

Je souris et je le plains un peu. C’est bizarre, cette manie qu’ont les gens de tendre le cou sous la hache du bourreau. Ils se collent à vous, malgré tous vos efforts pour vous débarrasser d’eux, et c’est juste s’ils ne vous expliquent pas de quelle façon ils veulent en finir.
Pourquoi faut-il que ce soit moi qu’ils viennent tous voir pour se faire tuer ? Pourquoi ne se suicident-ils pas ?

L’humour noir de Jim Thompson

J’ai eu un client, il y a des années, monsieur Ford, un médecin très compétent. L’un des hommes les plus agréables qu’on puisse souhaiter rencontrer. […]
Il a eu le temps de pratiquer environ une cinquantaine d’avortements avant que la justice ne s’intéresse à lui. Et pour autant que les autorités aient pu le découvrir, chacune des patientes qui s’étaient adressées à lui pour avorter était décédée. Il avait sciemment veillé à ce qu’elles meurent d’une péritonite environ un mois après son intervention. Et il m’a dit pourquoi il avait fait ça.

Il avait un frère cadet qui n’était pas terminé, un monstre prématuré, résultat d’une tentative d’avortement à un stade avancé de la grossesse. Il a vu cette moitié d’enfant mourir après des années de souffrance. Il ne s’est jamais remis de cette expérience et les femmes qu’il a avortées non plus…

Billy Boy Walker, avocat des cas les plus désespérés. Chocolat très, très noir comme vous pouvez le constater.

Je n’ai jamais fait d’études de droit, monsieur Ford ; ce que je sais, je l’ai glané çà et là dans un cabinet d’avocat. Tout ce dont je peux me vanter, en matière d’études supérieures, ce sont deux années passées dans une école d’agriculture. […]
Avant, je n’avais vu autour de moi que noir et du blanc, du bon et du mauvais. Après avoir révisé mon jugement, j’ai compris que le nom que l’on donne à une chose dépend de l’endroit où l’on est et de celui où cette chose se trouve.

Et… voici la définition, telle qu’elle figure dans un manuel d’agronomie : « Une mauvaise herbe est une plante qui n’est pas à sa place ». Permettez-moi de vous la répéter : « Une mauvaise herbe est une plante qui n’est pas à sa place ». Je trouve une rose trémière dans mon champ de maïs, c’est une mauvaise herbe. Je la trouve dans mon jardin, c’est une fleur.

« Vous êtes dans mon jardin, monsieur Ford »


L’avocat de Lou Ford et sa définition très subtile d’une mauvaise herbe

Quand votre vie entre dans une période crise, vous revoyez vos priorités.[...]
Le monde qui vous entoure devient une scène où seules comptent encore vos préoccupations immédiates, où les illusions n'ont plus cours.

Lou Ford

"La vie, on ne peut pas en attendre plus que ce qu'on y met soi-même"

Lou Ford, shérif adjoint.

Les trois grilles sont déjà ouvertes pour nous laisser sortir.
Il (mon avocat) se glisse laborieusement derrière le volant de la voiture qu’il a louée à Central City. Il fait rugir le moteur et démarre brutalement, et nous franchissons le portail à pleine vitesse pour emprunter la route principale qu’encadrent deux panneaux, un dans chaque sens, sur lesquels on peut lire :

MEFIEZ-VOUS
DES AUTO-STOPPEURS !
Ce sont peut-être des FOUS
Echappés de l’ASILE !

Lou Ford, schérif adjoint, sortant de l’hôpital psychiatrique, à la place du passager à bord de la voiture de son avocat !

"Les projets les mieux conçus des souris et des hommes (1)... souvent ne se réalisent pas"

(1) Citation extraite du poème de Robert Burns "To a Mouse" (1786), qui a inspiré à John Steinbeck le titre d'un de ses romans "Les souris et les hommes"

" Il y a un temps pour la guerre, dis-je, et un temps pour la paix. Un temps pour planter et un temps pour récolter. Un temps pour vivre et un temps pour mourir…"

Nous vivons dans un drôle de monde, mon petit gars, une civilisation étrange. Les flics y jouent aux escrocs, et les escrocs y font régler l’ordre. Les politiciens prêchent la bonne parole, et les prédicateurs font de la politique. Les percepteurs perçoivent pour leur propre compte. Les Méchants veulent que nous ayons davantage d’argent, et les gentils se démènent pour qu’on ne puisse pas mettre la main dessus. Parce que c’e n’est pas bon pour nous, tu comprends ? Si on pouvait tous manger autant qu’on veut, on chierait trop, et ça provoquerait une inflation dans l’industrie du papier toilette.

Voilà comment je comprends la situation.