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Si l'assassin qui est en moi… était un chocolat ? Et quid du film?

Je me permets d'amender cette critique chocolatée suite au visionnage hier soir du film directement inspiré du roman et de la prise en compte de quelques remarques pertinentes de lecteurs avisés.

Offert pour les fêtes de fin d'année, surpris, je déballe ce roman de Jim Thompson inconnu pour ma part. Après la déception certes relative de « 1275 âmes », je souhaitais lire un autre classique du polar noir de ce même auteur «Le démon dans ma peau». Quelque temps après, je découvre en fait que «L'assassin qui est en moi» n'est autre qu'une réédition de ce dernier sous la forme d'une première traduction intégrale du roman, avec environ une dizaine de pages en plus. Il s'agit également pour l'éditeur de surfer sur l'adaptation du roman au cinéma « The killer inside me », avec Casey Affleck et Jessica Alba, sorti en 2010, dont je vais vous donner mon avis en fin de critique.
S'agissant du roman, Jim Thompson confie la narration à Lou Ford, shérif adjoint à Central City dans le Texas. Il nous fait pénétrer ainsi dans l'esprit de son personnage principal et se permet même de narguer le lecteur à plusieurs reprises durant le récit afin de captiver complètement son attention. On apprend alors que Lou Ford partage sa vie entre sa future femme, Amy Stanton et une jolie prostituée nommée Joyce Lakeland qu'il devrait théoriquement chasser de la ville compte tenu de ses activités. En outre, les circonstances du décès de son frère Mike et les relations difficiles avec son père médecin, sont autant de traumatismes qui pèsent terriblement sur Lou depuis son enfance. de longues années plus tard après ce drame, Lou Ford peut-il toujours maitriser cette haine qu'il a réussi à contenir envers Chester Conway, un magnat local de la construction, qu'il suspecte d'être responsable de la mort de son frère ?

Pour ma part, après avoir terminé ce roman, j'envisageai de me lancer dans une explication un peu alambiquée sur la difficulté d'appréhender un tel livre à la fois noir, glaçant et maîtrisé de bout en bout. Et puis non…

Pour illustrer ma pensée, pourquoi ne pas établir un parallèle, certes subjectif et personnel, entre le polar et le chocolat? Important, je précise que les exemples que je donne se réfèrent à un chocolat de bonne qualité !
Je commence par le chocolat le plus tentant pour les jeunes et les moins jeunes d'ailleurs : le chocolat blanc, sucré, sans la saveur du cacao et conseillé à dose réduite pour la santé. Dans mon esprit, je l'assimile à un roman comme « Les dix petits nègres » ... d'Agatha Christie, facile à lire et au plaisir instantané. Reste que sont d'excellents tremplins que j'ai moi-même adorés plus jeunes.
Vient ensuite le chocolat au lait, familier et apprécié par tout le monde comme le sont les polars de Connelly ou Mankell. Evidemment, dans certains cas, rien n'empêche ce genre d'auteurs à réduire la part de lait au minimum comme, par exemple, mon coup de coeur « le poète ». Différent, le chocolat noir, dont les adeptes sont moins nombreux, s'apparente à ces romans plus torturés et forts, comme « Ténèbres, prenez-moi la main » ou «encore « Gone, baby gone » du talentueux Lehane.
Enfin, à l'extrémité, le chocolat très noir, au-delà de 65 % de cacao, amer et long en bouche, à déguster à petite dose, correspond évidemment à notre fameux polar « L'assassin qui est en moi » ou encore à « La griffe du chien ». Pour savourer ce roman de Thompson, il est donc préférable d'avoir gouté et apprécié d'autres polars, du plus facile à lire au plus troublant et complexe, sans bruler les étapes. Sauter d'un Agatha Christie à un Jim Thompson relève de l'ascension de l'Everest, en espadrille et sans entrainement. Vous ne pourrez pas dire que je ne vous ai pas prévenu !

En résumé, ce roman est un bijou de maîtrise à tous les niveaux : l'écriture employée par l'auteur place le lecteur en prise directe avec l'assassin ; l'intrigue est dévoilée étape par étape jusqu'à l'apothéose finale ; enfin, la précision des dialogues entre les personnages permet de comprendre la démarche implacable du tueur. Pour finir, je retiens la scène avec l'avocat dans la deuxième partie du roman, écrite tout en humour, subtilité et justesse.

Hier, j'ai donc regardé attentivement le film « The killer inside me » de Michael Winterbottom, remarquablement interprété par Casey Affleck. Contrairement au roman très psychologique et intérieur, le réalisateur du film a choisi la violence physique ouvertement démonstrative à partir de séquences choc des meurtres des deux femmes notamment. En outre, le film cherche trop à mon gout à démontrer la culpabilité de Lou Ford et les invraisemblances commises lors des assassinats alors que ce n'est qu'un axe parmi d'autres du récit. Par ailleurs, le choix des musiques est assez déroutant, particulièrement sur la dernière scène du film.
Au final, un film beaucoup trop visuel et par moment insoutenable qui veut respecter le livre, en picorant des dialogues ou citations percutants, sans en approcher la puissance psychologique et dramatique. Dans le même genre très réussi cette fois, le film « Drive », brillamment interprété et scénarisé, est un petit bijou à découvrir.

Pour revenir et conclure sur le texte original, un très grand roman glaçant et passionnant à la fois, de moins de trois cent pages, à lire et à relire, me donnant envie de découvrir le roman « Rage noire» du même auteur.

Je vous souhaite une excellente dégustation… même si, c'est certain, tous ne goûteront pas le même plaisir qu'a été le mien.

PS : Amis lecteurs, je suis toujours preneur de vos meilleurs chocolats, noirs de préférence ! Concernant Agatha Christie, pour éviter les malentendus, juger ses romans « légers » ne signifie en aucun cas qu'ils ne sont mauvais, bien au contraire. Très important pour les nombreux fans que je salue.
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Cela fait longtemps que je ne t'ai pas ressorti l'histoire du pick-up poussiéreux que je gare aux abords d'un bar tout aussi poussiéreux. C'est presque par hasard que j'ai roulé jusqu'à Central City, Texas, guidé par le vent, emporté par la poussière. Forcément, j'y entre, dans cet antre miteux, au risque de le voir s'effondrer sur moi et ainsi me transformer en poussière. Forcément j'y commande un verre de bière, un shot de whisky. Forcément, je regarde la serveuse pulpeuse qui roule du cul – bien mieux que mon pick-up d'ailleurs – entre les tables poussiéreuses et enfumées – oui, c'était encore l'époque où l'on pouvait encore fumer et caresser la croupe de la serveuse, sans que personne ne s'en offusque.

Lou entre dans le bar, son stetson vissé sur la tête, ses santiags cognant à chaque pas le parquet sur lequel sont jonchés quelques bouts de cadavres incandescents, odeur de tabac froid, mégots jetés à l'abandon. Étrange adjoint du shérif, il a cette allure fière qu'une boucle de ceinturon et qu'une étoile sur le coeur confère à l'homme respectable du Sud. Il est beau comme un Dieu, à l'écoute de ses ouailles comme un pasteur, toujours prêt à aider son prochain ou la petite vieille du coin. Dans le genre gendre idéal à qui l'on donnerait le bon Dieu sans confession. Mais pour ça, il ne faudrait pas trop fouiller son passé, sans concession…

Il y a quelques années, Lou a commis un meurtre, son frère a plongé pour lui, il est mort depuis. Lou veut se venger, une putain à ses côtés. Mais son plan n'est pas sans accroc, et surtout il ne se déroule pas comme il l'avait imaginé. La faute à pas de chance, probablement. Mais de là, se réveille l'assassin qui est en lui… A noter que si j'ai entrepris cette lecture, du renommé Jim Thompson, c'est aussi parce que la version cinématographique de Michael Winterbottom avec Casey Affleck m'avait marqué. Une très belle adaptation d'un roman que l'on retrouve sous le titre - suivant les traductions – le démon dans ma peau ou L'assassin qui est en moi. The Killer inside me (1952) est un polar sombre, d'époque.

Les verres vides, je sors du bar, les yeux vides de vie et de désir, le regard porté sur la poussière de ma vie. Même la putain derrière moi n'y peut plus rien. le temps de démarrer ce vieux pick-up, qu'elle s'installe dans la cabine. Prochaine destination, poupée ? Où tu veux mon chou, j'ai plusieurs vies à oublier.
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Ne voulant pas avoir l'impression d'escalader l'Everest en espadrilles et sans entraînement (1), j'ai donc suivi le conseil de l'ami Jeranjou et lu quelques polars noirs avant de m'attaquer à ce monument (que j'ai acheté dans sa première traduction intégrale - autant faire les choses correctement !) de la littérature noire.

Munie d'un solide entraînement avec ces messieurs Winslow, Himes, Hammet, Hansen, Williams, Block, Lehane, Johnson... j'ai chaussé mes crampons et escaladé ce monument du grand Jim Thompson.

Alors, chocolat noir ou chocolat au lait ? (2) Nous allons l'analyser...

Tout le sel de cette intrigue se trouve dans le fait que c'est Lou Ford, l'adjoint du shérif, qui nous raconte ses tribulations... Nous sommes dans sa tête et notre narrateur à l'art et la manière de nous tenir en haleine.

Lou, il a l'air un peu simplet, un peu plouc sur les bords, on lui donnerait le bon Dieu sans confession... Heu ? Son âme est plus noire que du goudron !

Lou ne fait rien à moitié, d'ailleurs, monsieur a même deux gonzesses : Amy Stanton, "l'officielle" et Joyce Lakeland "une jolie pute". C'est d'ailleurs à cause de cette pute - qu'il saute allégrement - que son assassin s'est réveillé. Lou Ford a beau faire tout ce qu'il peut pour cacher sa véritable nature, les morts étranges s'accumulent autour de lui comme des mouches sur un étron fumant.

De plus, notre ami Ford possède déjà quelques cadavres dans son placard : un crime commis dès son plus jeune âge; son demi-frère, Mike, fut accusé et emprisonné à sa place. Ce qui le fiche en l'air, c'est la mort "accidentelle ?" du demi-frangin, après sa libération. Ajoutez à cela des relations assez difficiles (euphémisme) avec son père médecin (qui est mort) et vous avez presque cerné l'animal.

Niveau "traumatismes", on ne peut pas dire qu'il soit en manque.

Lou Ford a donc la rage envers Chester Conway, le magnat local de la construction. Pourquoi ? Parce qu'il le suspecte d'être responsable de la mort de son demi-frère. Sans compter qu'un syndicaliste lui fait comprendre que Conway n'était pas en règle dans le chantier que son demi-frère inspectait... À croire qu'il voulait que Ford déchaîne son p'tit killer !

Noir, ce polar ? Oh, pas tant que ça... Cinq morts : les deux premiers pour la vengeance et les trois autres pour se couvrir. On pouvait faire pire, non ? *air innocent*

Et puis, Lou est un personnage merveilleux : un assassin cynique, hypocrite, possédant une certaine propension à nier l'évidence, faisant preuve d'une froideur dans la préparation de ses crimes, possédant une assurance à toute épreuve, un certaine propension à baratiner tout le monde, le tout mâtiné d'un sentiment de puissance et d'impunité.

Monsieur sème la mort avec délectation car il a le sentiment d'être dans son bon droit.

Ben quoi, c'est pas sa faute, non, si tout le monde se met en travers de sa route ? Non, mais, allo quoi ? Sont-ils tous aussi cons d'aller poser leur cou sur le billot alors que Lou a une hache en main ?

Alors, vraiment un chocolat noir au-delà de 65%, ce roman ? Stop ! Avant de me faire descendre par Jeranjou qui pointe un révolver sur ma tempe, je peux vous l'avouer : ce polar, c'est "noir de chez noir" et garantit pur cacao à des hautes teneurs.

Le personnage de Lou Ford est magnifique de cynisme, plusieurs fois ses pensées m'ont fait osciller entre le rire nerveux ou l'effroi pur et simple.

La ville de Central City, la seule que Ford ait jamais vu de sa vie, est remplie de canailles, elle aussi : tout le monde sait que les notables de la ville se tapent la pute, mais tout le monde la ferme; les syndicats sont plus pourris que la bouche d'un vieil édenté; c'est Conway qui dirige la ville et tout le monde est à ses bottes, quant au procureur, il ne vaut pas mieux.

Notre assassin n'est que le reflet de ce que cette ville peut produire de mieux...

Ce n'est que sur la fin du récit que nous aurons tous les détails du "traumatisme" enfantin de Lou et le pourquoi il se sent obliger de tuer des femmes.

L'écriture est incisive, sans temps mort, suspense garantit, vous sentez la tension qui monte dans votre corps et vous ne savez pas ce que vous préféreriez comme final : la victoire de la police ou celle de Lou Ford...

Pris au premier degré, ce livre vous glace les sangs. Au second, ça va un peu mieux... Mais je termine tout de même glacée car à un moment donné, mon second degré s'est fait la malle (sur le final).

Verdict ? Un livre aussi bon, aussi fort et brassé avec autant de talent ne se déguste qu'avec sagesse.

(1) Jeranjou avait utilisé cette image qui m'avait fait beaucoup rire et je l'ai reprise (sa phrase était "Sauter d'un Agatha Christie à un Jim Thompson relève de l'ascension de l'Everest, en espadrille et sans entrainement").

(2) Jeranjou, toujours lui, avait écrit une belle critique en comparant ce livre à du chocolat noir ("au-delà de 65 % de cacao, amer et long en bouche, à déguster à petite dose, [ce qui] correspond évidemment à notre fameux polar").

Lien : http://the-cannibal-lecteur...
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Glacial, clinique et cynique. Jim Thompson frappe fort avec son flic psychopathe.
Une vraie plongée dans les méandres de la folie "maîtrisée".
Car Lou Ford, shérif adjoint de son état, est un tueur en série allumé dont la respectabilité établie trompe le monde. D'un premier abord, paternaliste, tranquille et séduisant, il va s'avérer machiavélique dans la gestion de sa folie et de sa relation à l'autre. Tout ce que l'Amérique produit de mieux depuis des décennies.

Écrit à la première personne pour garantir à l'ami lecteur une immersion immédiate dans ce cerveau dérangé, Jim Thompson manipule. Il nous fait croire au début que son héros est bon et sympathique puis pas tant que ça puis finalement pas du tout.
Quand on pense qu'il ne peut pas aller plus loin, hé bien si, il y va !
Les montées de violence sont fulgurantes comme un crotale qui frappe. Rapides comme l'éclair. Aiguisées comme des couteaux. Lou Ford a un problème avec les femmes. du coup, les femmes ont un problème avec Lou Ford. Et le problème est vite réglé.

La construction littéraire est menée de main de maître. Sèche et nerveuse. Sans gras ni temps morts. Les échanges entre les personnages retranscrivent l'ambiance glaciale du bouquin. Pas d'amour. Pas de tendresse. Pas de bons. Pas de gentils. Juste des gens qui sont prêts à tout pour survivre et dominer. La chaîne alimentaire dans tout son art. Que Lou Ford, loufoque, ne dominera pas. Car étonnamment, il fait preuve d'une intelligence simple, basique. du coup, le personnage peine à fasciner, si ce n'est par sa capacité à se penser plus malin que les autres tout en prenant le risque de tout foirer à chaque impulsion de furie non-maîtrisée. le paiera-t-il ? 3/5
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Les plus beaux fils de pute de la littérature américaine sont nés de la plume de Jim Thompson. « L'assassin qui est en moi » nous en offre un très beau spécimen : Lou Ford. Il a plusieurs points communs avec Nick Corey, le héros de « Pottsville, 1280 habitants » : il exerce la fonction de shérif dans une ville du Texas et il aime à se faire passer pour plus bête qu'il ne l'est vraiment. Il assène à ses interlocuteurs le maximum de lieux communs et d'expressions populaires possibles. Il est aux yeux des citoyens de Central City un type bien, simple mais bien. Vous avez toujours ma phrase d'accroche en tête et vous vous doutez que derrière cette façade conventionnelle se cache un individu bien plus tortueux. Nous apprenons que le demi-frère de Lou est mort en chutant d'un immeuble en construction. Son père devenu inconsolable a rendu l'âme peu après. Et Lou est bien décidé à se venger du promoteur richissime qu'il tient pour responsable de l'accident de son frère. La suite ne sera que machination, manipulation et mensonge. La justice veut des coupables ? Lou Ford va lui en offrir. C'est un monstre cynique et calculateur capable de la pire des violences. « La fin justifie les moyens », pas vrai Lou ?

Le principe du livre est de suivre les pensées tumultueuses d'un psychopathe qui va progressivement perdre le contrôle de la situation. Il est intelligent, conscient de sa folie, manipulateur et dépourvu d'empathie. Jim Thompson délivre également quelques piques sur la société américaine. Un roman culte écrit en 1952 qui a dû avoir une portée dévastatrice à sa sortie. Il a conservé toute son acuité et son audace. Et heureusement pour le lecteur français qui a patienté soixante ans pour le découvrir dans une traduction intégrale.
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Comme elle l'a déjà fait en révisant les traductions de certains romans de Donald Westlake ou comme l'ont aussi fait récemment les éditions Gallmeister avec Ross Macdonald, les éditions Rivages se lancent aujourd'hui dans de nouvelles traductions des romans de Jim Thompson initialement parus, dans des versions tronquées et qui ont bien mal vieilli, à la Série Noire.
De fait, auteur majeur dans l'histoire du roman noir, Thompson méritait bien des traductions à la hauteur de son talent. Et c'est justement avec ce qui constitue un de ses meilleurs romans – et l'un des plus connus – que Rivages se lance dans ce projet.

Lou Ford, adjoint du shérif de Central City, petite ville du Texas, dissimule sous son apparence polie et serviable un monstre. Un tueur qu'il a réussi à maintenir sous un verni de normalité mais que l'arrivée dans la ville d'une séduisante prostituée, Joyce Lakeland, va faire ressurgir. Et quand l'assassin qu'il porte en lui commence à s'exprimer, les cadavres s'accumulent autour de Lou Ford malgré tous les efforts qu'il peut déployer pour cacher sa véritable nature.

Ce qui fait d'abord la force de ce roman, c'est que le narrateur n'est autre que Lou Ford. Un homme conscient de ce qui l'habite malgré une certaine propension à la négation de cette nature profonde, et qui, avec un cynisme consommé et une assurance glaçante, fait le récit de ces quelques semaines qui voient basculer la vie d'une partie des habitants de Central City. Habité par un sentiment de puissance et d'impunité Lou Ford sème la mort avec la délectation de celui qui est persuadé de tenir le monde dans sa main.

Un monde étroit, certes, puisqu'il se limite à la petite ville de Central City, mais qui est aussi le seul monde que connaisse Ford. Et un monde qui, en fin de compte, apparait aussi corrompu et hypocrite que l'âme de Lou Ford. Si Lou tend à se dissimuler à lui-même sa propre nature, Central City en fait de même. Si tout le monde sait à peu près tout des travers de tout le monde, si l'on sait bien que Conway, le richissime entrepreneur, dirige véritablement la ville, que les syndicats sont corrompus et que les notables aiment à fréquenter Joyce Lakeland, la paix sociale est achetée par un silence qui permet de sauver les apparences, comme on le rappelle régulièrement et vertement à Hendricks, le procureur, lorsqu'il évoque la liaison, régulière et connue de tous, entre Lou Ford et l'institutrice Amy Stanton. Si la tradition du western et du roman noir veut traditionnellement que ce soit l'étranger qui fasse apparaître la pourriture qui gangrène la ville, le révélateur vient ici de la communauté elle-même, Lou Ford en étant un pur produit.

Cruel, glaçant, pas dénué d'un humour particulièrement noir, L'assassin qui est en moi est incontestablement un grand classique du genre, un roman qui mérite d'autant plus d'être lu – et relu – qu'il bénéficie maintenant d'une traduction à la hauteur de sa réputation.

« - Ça ne me viendrait pas à l'idée de te menacer, Lou, mon chéri, mais je suis bien décidée à ne jamais renoncer à toi. Jamais, jamais, jamais. Si tu es trop bien pour moi, alors je ferai ce qu'il faut pour que tu ne le sois plus.
Je l'embrasse – un long baiser, brutal. Car Joyce ne le sait pas, mais elle est déjà morte, et d'une certaine façon, je ne pourrais pas l'aimer davantage ».

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Nouvelle plongée classique et poursuite de la découverte de l'oeuvre de l'immense Jim Thompson, avec une délectation qui ne faiblit pas !

L'assassin qui est en moi, c'est un personnage marquant, Lou Ford, adjoint du shérif local, traumatisé d'enfance et émotionnellement désaxé. Un tueur froid, mécanique, calculateur. Et une montagne d'humour, d'aphorismes absurdes et de second degré délicieux.

L'assassin qui est en moi, c'est Central City, le Texas cliché de l'Amérique des films, ces villes prisons symboles de lieux dont on aimerait partir, dont il faudrait partir mais où la faiblesse et le manque de courage nous retient. Tout y est petit, la politique, la justice, la corruption…

L'assassin qui est en moi, c'est une plongée noire, très noire dans les mécanismes de la schizophrénie, non pour tenter de l'expliquer ni de la comprendre, mais d'en approcher les tourments qu'elle génère, dans ses variantes les plus extrêmes où sexe et violence se mélangent pour anéantir peu à peu toute velléité de discernement.

L'assassin qui est en moi enfin, c'est un exercice de style littéraire, dans lequel Jim Thompson – ici traduit par Jean-Paul Gratias – t'attrape dès les premières pages, te bouscule ensuite en mode essorage, pour te laisser groggy en fin de livre. Le tout avec une distance et un humour cynique réputé. Hautement recommandable donc…
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Bon, si je vous dis que le narrateur est un affreux, je ne divulgâche rien vu le titre. Oui, franchement, Lou a tout d'un psychopathe. Gentil voire trop serviable et pas toujours très malin aux yeux des autres, (tiens, ça me rappelle Usual Suspects...), mais à l'écouter nous faire ses confidences, il vaut mieux se méfier car le type est un vrai manipulateur qui prend son pied à jouer l'imbécile.
Et franchement, il y a un côté jouissif dans cette lecture à suivre un tel type dans ses machinations, non pas qu'on s'attache à lui mais il est quand même très fascinant! Notons que Lou est l'adjoint du shérif, et vous avez le tableau.
On est dans une petite ville puritaine et sans intérêt du Texas, où l'attitude virile est de mise, où le qu'en dira-t-on est un fléau. La famille Conway a la mainmise sur tout, et il se trouve que Lou soupçonne le père Conway d'avoir orchestré le meurtre de son frère adoptif quelques années plus tôt... il attend donc patiemment le jour de sa vengeance, qui est pour très bientôt. A cette vengeance, il y aura des victimes collatérales, que Lou regrettera (... ou non?)
Bref, je vous laisse découvrir ce roman des années 50 que j'ai personnellement trouvé jubilatoire dans sa perversité, mais aussi très intéressant au niveau psychologique, voire psychiatrique.
Je précise que c'est la nouvelle traduction que j'ai lue, celle de Jean-Paul Gratias, car je pense que ça a son importance dans l'appréciation de la narration.
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Jim thompson nous place dans la peau d'un tueur en série. L'expérience est envoütente, comme l'ambiance crée par l'auteur, et en même temps extrêmement désagréable. Les scènes de meurtres sont d'un sadisme et d'une violence inouïe qui nous amènent proche de la nausée.
Vous l'avez compris, c'est un polar d'une noirceur extrême, d'où l'on ne sort pas indemne. de ce que je me rappelle, cette histoire se rapproche de 1275 âmes du même auteur, mais en beaucoup plus dur.
Enfin, un conseil, si vous passez par Ploucville, Texas, évitez de croisez son shérif adjoint !
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« Je ne sais pas pourquoi. Enfin, si, je le sais. Cette fille était la seule personne à qui j'aurais pu me confier, la seule qui aurait compris de quoi je lui parlais. Mais je sais qu'elle n'est plus là. Je sais qu'elle ne reviendra plus jamais, ni là ni ailleurs. Elle est partie et je le sais. Alors... je ne sais pas pourquoi. »

Lou Ford, l'adjoint du shérif le plus flippant, rencontré à Central City, la ville qui pue le pétrole, la ville où l'on ne dit jamais de mal d'une femme, où tout le monde fait semblant de ne pas savoir. le père de Lou était le médecin de la ville. Sa mère est morte alors qu'il était jeune et son frère est décédé dans des circonstances louches. Et pourtant difficile d'éprouver de l'empathie pour Lou ! C'est LE personnage. Celui qu'on rencontre rarement en littérature, celui qui vous ennuie à ne pas donner toutes les explications, qui vous fait lanterner « Alors ? ALORS ? Qu'est-ce que tu vas faire ? Qu'est-ce que tu vas dire ? », qui vous annonce « Je pense que je ne suis pas encore tout à fait prêt à raconter la suite. Il est trop tôt, et ce n'est pas encore nécessaire. »

Celui qui vous laissera toujours un doute. Il ne dit que ce qu'il veut, que ce qu'il estime nécessaire, que ce qui le flatte aussi un peu. Et c'est surtout le personnage que vous ne pouvez totalement comprendre, celui qui pousse le lecteur à émettre un OOH exclamatif, interrogatif et surtout à laisser un petit sifflement passer entre vos lèvres sur la dernière page du livre, un « pfiouuuu !! » ébahi. Quel auteur ! il a osé... Non seulement il a osé mais il vous tient. le lecteur est accroché à son écriture, ça jongle avec le froid, le glaçant et la surprise. C'est une plongée dans la folie magistrale.

« Papa disait toujours qu'il avait déjà assez de mal, dans son métier, à faire le tri entre l'imaginaire et la prétendue réalité pour perdre son temps à lire des oeuvres d'imagination. »
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