L'amour était un mélange d'anxiété et de fierté.
Cette région du monde avait toujours eu besoin d’un messie. Comme d’autres.
On veillait sur les siens.
Car personne d'autre n'était là pour le faire.
Frère R. Ustine inclina la tête et l'assemblée d'humains et de digitaux l'imita.
" Notre créateur qui êtes dans le champ du point zéro, que vos neuf milliards de noms soient sanctifiés..."
Les fidèles répétèrent à voix basse la formule du robot-prêtre. Puis l'un après l'autre, ils se mirent en file indienne pour recevoir le sacrement. L'hostie numérique contenait des routines de christofix hautement cryptées.
"Ich lieba dich, dit-il dans son étrange yiddish de combat, devenu obsolète.
- Mi lafem yu", répondit-elle en pidgin astéroïde.
L'espace était rempli de questions, la vie était une phrase qui se terminait toujours par une ellipse ou un point d'interrogation. On ne pouvait pas avoir réponse à tout. On pouvait simplement croire qu'il y avait des réponses.
La vie était faite d'intrigues abandonnées en cours de route, de héros mourant avant d'avoir atteint leur objectif, d'amours réciproques ou non, certaines s'étiolant mystérieusement, d'autres brûlant d'un feu vif et éphémère.
Elle avait vieilli avant d'être jeune.
En fuyant son foyer, elle n'avait pas trouvé la liberté, seulement une nouvelle forme d'emprisonnement.
Des livres s'alignaient sur les étagères. Des livres en papier, avec cette odeur particulière, étrange. Des rayons, les uns au-dessus des autres, des livres les uns au-dessus des autres, en train de moisir. Où son frère trouvait-il tout ça ? Son obsession avait quelque chose de malsain. D'impur. C'était triste à dire, mais l'irruption d'un vampire dans sa vie était probablement la meilleure chose qui lui soit arrivée.
Au moins, il pensait à autre chose qu'à ses livres.
Cela s'est passé il y a longtemps, mais nous nous en souvenons toujours et nous nous chuchotins les vieilles légendes à travers les siècles, ici, dans notre séjour parmi les étoiles.